S'identifier      S'inscrire    visiteurs jour : 72     Total clics   :   442895

Amis Au président Beauté santé Cuisiniers Darsonval Diaporamas Informations loisirs
Jean Informatique Karting Les religions Mamy G. Régimes et santé Robert et Arlette

Bienvenue sur le site des familles d'Arsonval et Darsonval


Accueil

Rhedae (Rennes-le-Château)

Rhedae (Rennes-le-Château) Suite 1

Rhedae (Rennes-le-Château) Suite 2

Rhedae (Rennes-le-Château) Suite 3

Rhedae (Rennes-le-Château) Suite 4

Rhedae (Couiza)

Rhedae (Couiza) Suite

Rhedae (Montazels)

Rhedae (Espéraza, Caderone)

Nostradamus

Bérenger Saunière 1

Henri Boudet (Curé de Rennes-les-Bains 1872-1914)

Rennes-le-Château (Texte de 1905)

Rennes-les-Bains aux XVIIIe siècle

 
Clics 4565

 

Page 4

 

 (Suite 3)

 

TABLEAU CHRONOLOGIQUE

 

DES COMTES DE RAZÉS.

 

 

Sous les rois wisigoths le Razés fut administré d’abord par des viguiers et puis par des comtes, qui étaient des gouverneurs militaires nommés par le souverain résidant à Tolède. Ils relevaient directement tantôt de la couronne et tantôt des ducs de Septimanie qui avaient le commandement supérieur de la province.

L’histoire ne nous a pas conservé les noms de ses viguiers et de ces comtes de Razés.

Nous devons donc nous borner à inscrire ici, à la suite de la notice sur Rhedae, les noms, par ordre chronologique, des comtes et des vicomtes qui, depuis Charlemagne jusqu’à la conquête de Simon de Montfort, ont possédé le comté.

 

I.     Guillaume, institué par Charlemangne, en .............................................................781

II.    Béra Ier, fils de Guillaume..................................................................................... 796

III.   Argila, fils de Béra.................................................................................................. 840

IV.   Béra II, fils d’Argila................................................................................................ 845

 

 

Le Comté passa, en 870, à la maison comtale de Carcassonne, et devint l’apanage de la branche cadette.

 

V.     Acfred Ier, frère d’Oliba II, comte de Carcassonne..............................................870

VI.    Bencion, fils d’Oliba II............................................................................................902

VII.  Acfred II, fère de Bencion.......................................................................................928

VIII. Arsinde, fille d’Acfred II, mariée avec Arnaud, comte de Couserans..................960

IX.    Eudes, fils d’Arnaud et d’Arsinde.........................................................................1005

X.      Arnaud, fils d’Eudes..............................................................................................1017

XI.    Raymond Ier, fils d’Arnaud...................................................................................1030

XII.   Raymond II, fils de Raymond Ier et de la comtesse Béliarde............................1052

 

Le Comté passe à une branche larérale représentée par les descendants directs de Roger Ier, fils d’Arnaud et d’Arsinde, et qui était comte de Carcassonne et de Couserans.

 

XIII.  Ermengarde, petite-fille de Roger Ier, dit Roger-le-Vieux, hérite, en 1060, du comté de Razés que lui lègue son frère Oton, et en fait vente, en 1067, à son parent le comte de Barcelone. La maison de Barcelonne donna deux comtes au Razés, savoir :

XIV.  Raymond-Bérabger Ier.........................................................................................1067

XV.   Raymond-Béranger II, son fils, qui mourut assassiné en 1080, laissant un fils en bas âge. Profitant des divisions et des luttes qui suivirent cet événement tragique, Ermengarde reprit possession du Razés en qualité de vicomtesse, et fut soutenue par les nobles du pays qui ne voulaient pas subir la domination d’un prince étranger tel que le comte de Barcelone.

XVI.   Bernard Aton, fils d’Ermengarde........................................................................1090

 

Bernard Aton et la comtesse Cécile, sa femme, durent renouer aux titres héréditaires dans leurs familles, et se contenter de la qualification de vicomte et de vicomtesse de Razés.

XVII.  Roger, fils de Bernard Aton et de la vicomtesse Cécile, devient vicomte de  Carcassonne et de                         

             Razés..................................................................................................................1130

                        Il reprend le titre de comte.

XVIII.  Raymond Trencavel, second fils de Bernard Aton, succède à son frère........1149

XIX.     Roger-Raymond, son fils, vicomte de Razés....................................................1170

XX.       Raymond-Roger, son fils, vicomte de Béziers et de Razés.............................1202

                        Il meurt le 10 novembre 1209, à l’âge de 24 ans, prisonnier de Simon de Monfort, dans une des tours du palais comtal de Carcassonne.

XXI.     Raymond Trencavel qui n’avait que deux ans lors de la mort de Raymond Roger, son père, parvint à reconquérir son domaine contre Amaury de Montfort en 1228. A la suite d’un traité fait avec le roi de France, son comté de Razés fut réunit à la couronne.

 

 

ALET 

 

Alektha. – Aletha. – Aleth

 

 

I.

 

Alet sous les Romains.

 

 

                Alet se recommande, à divers titres, à l’attention du savant comme à celle du simple touriste.

            La nature semble s’être plu à faire de ce coin de terre un site privilégié. Longé par le cours de l’Aude, abrité de tous côtés par de hautes montagnes, le territoire sur lequel la ville d’Alet est édifiée forme un bassin presque circulaire où s’épanchent les bienfaits d’une Naïade qui lui prodigue, à la fois, les eaux fraiches du Théron et les eaux thermales qui jaillissent sur deux points différents. Ce sol, qui produit les cultures maraichères de toute espèce et les fruits les plus savoureux, a dû être, dès la plus haute antiquité, un lieu de prédilection pour les habitants de la vallée de l’Aude. Nous n’hésitons pas, par conséquent, à considérer Alet comme ayant été un oppidum Gallo-celtique. L’un des clans de cette tribu de Gaulois Atacins, qui habitaient les bords du fleuve sacré, fondèrent, à une époque très reculée et longtemps avant l’invasion romaine, le bourg d’Alektha.

            Si nous cherchons des preuves à l’appui de notre opinion, nous en trouvons dans la découverte de débris de poteries dont l’origine ne saurait être contestée et qui ont été exhumés des profondeurs du sol à diverses reprises. Nous en trouvons aussi dans les restes d’une galerie souterraine que l’on a mis à jour en faisant des travaux de terrassement dans le parc qui avoisine l’établissement thermal. Cette vaste excavation murée et voutée était peut-être un silo, et peut-être, aussi, une de ces cavernes artificielles qui, en temps de guerre, servaient de refuge à ces premiers habitants de la vallée. Nous devons mentionner, enfin, les nombreux Peulvans ou pierres levées qui existent sur divers points du territoire, aux approches d’Alet.

            Si les populations indigènes qui habitaient, il y a vingt siècles, les bords de l’Aude ont laissé peu de traces de leur séjour à Alektha, nous pouvons, en revanche, y constater d’une manière complète l’occupation romaine. Les piles indestructibles d’un pont, dit le Pont du diable, des restes de construction en ciment et en briques à crochet trouvés, il ya quelques années, à proximité de la source dite Las Escaoudos (Les Eaux-chaudes), enfin des médailles et des monnaies romaines découvertes dans l’intérieur de la ville ne laissent aucun doute sur ce point.

            Nous allons essayer de préciser quelles ont pu être la nature et l’importance des établissements qui se rattachent à la conquête romaine.

            Le bassin d’Alet forme le débouché de ce défilé qui s’appelle les gorges d’Alet, et c’est sur ce point que se rejoignaient deux routes miliaires, l’une venant de Kercobs (Le Chalabrais), l’autre venant du Roussillon et de la haute vallée de l’Aude. C’est sur la rive gauche, presque à la tête du pont actuel, que les deux lignes se soudaient pour ne former qu’une seule voie qui, après avoir franchi l’Aude, longeait les flancs de la rive droite, escaladait les hauteurs, et par le col ou passage de Saint-Polycarpe se dirigeait vers le Narbonnais.

            Les Romains durent trouver insuffisant le pont en bois qui servait à franchir le fleuve, et le remplacèrent par un magnifique pont en maçonnerie, détruit en partie depuis un temps immémorial, et dont on admire encore les piles qui paraissent indestructibles. Ce pont a formé le sujet de deux légendes, l’une reposant à faux, il est vrai, sur une donnée historique, l’autre engendrée par les idées superstitieuses du moyen-âge. C’est à ce monument des temps antiques que quelques annalistes ont appliqué ce passage des commentaires de César dans lequel il est fait mention d’un pont sur le fleuve Atax qui fut bâti en un jour. Or des esprits simples et crédules, tout en admettant cette version, ne purent croire que la main de l’homme eût suffi pour mener à bonne fin cette oeuvre gigantesque dans l’espace de vingt-quatre heures, et trouvèrent plus commode de faire intervenir l’esprit malin pour expliquer ce fait miraculeux. Voilà comment le pont Romain d’Alektha fut appelé Le Pont du Diable.

            Quand on examine avec attention les restes du Pont du Diable, on est frappé des règles qui ont présidé à sa construction, et l’on remarque que les ingénieurs romains ont donné à ce monument un caractère exclusivement stratégique. Ce n’est  pas pour relier la ville d’Alet à la rive gauche du fleuve que ce pont a été édifié. On ne s’est préoccupé que d’établir un passage pour une nombreuse armée et de relier par un pont très solide les deux rives de l’Aude sur un point où se réunissaient d’importantes voies de communication. En effet, lorsque partout ailleurs, comme aux rochers de Cascabel, à Limoux, à Quillan les ponts sur l’Atax consistaient en des ponts qui avaient pour tabliers des poutres et des madriers reposant sur des bancs de rochers ou sur des piles informes, ici nous remarquons que les piles et les culées aussi bien que les arches sont en pierre de taille reliées par un ciment de premier choix. On remarque surtout que le pont, au lieu d’être placé sur l’axe de la rivière, est construit en faux équerre et en diagonale, ainsi que le prouvent les amorces des arches, et que la tête du pont sur la rive droite, au lieu d’être dirigée vers Alet, suit une direction opposée. Cela ne prouverait-il pas que l’oppidum d’Alektha n’avait alors que peu d’importance?

            Le pont une fois construit, les Romains jugèrent à propos d’y établir des moyens de défenses qui devaient protéger les chemins stratégiques débouchant dans la vallée. Ils firent d’Alektha un de ces postes militaires appelés Mansiones, c’est-à-dire station d’étapes, qui étaient semés le long des voies prétoriennes. Le créateur de ce poste militaire avait encore un autre but, celui de pourvoir à la sécurité des riches familles gallo-romaines qui fréquentaient les thermes de l’ancien oppidum.

            Quelle a pu être l’importance d’Alektha pendant le cycle Romain? Cette question a divisé les chroniqueurs et les annalistes. Nous n’hésitons pas à nous ranger parmi ceux qui pensent que l’ancien village gaulois demeura un simple village quand les Romains eurent conquis la Gaule Narbonnaise, et voici quels sont les éléments de notre appréciation. Dans sa géographie historique Pline ne fait aucune mention d’Alektha en parlant des villes de cette province. Après cet éminent historien les chroniqueurs du moyen-âge appellent Alet vicum, bourg. D’un autre côté, aucun monument, aucun édifice civil ou religieux d’origine romaine n’a été découvert à Alet, qui soit de nature à faire croire que l’antique oppidum eût été transformé soit en cité soit en simple ville. On a cru retrouver à Alet les vestiges d’un ancien temple de Diane sur l’emplacement qu’occupent les ruines de l’église cathédrale de Sainte-Marie ; mais rien ne prouve que cette assertion soit fondée. On a voulu rattacher à l’existence de ce temple païen la découverte d’un cippe ou autel vitif trouvé à Alet, et sur lequel figure l’inscription suivante :

 

MATRI DEUM //

CN. POMP. PROBUS

CURATOR TEM //

PLI. V. S. L. M.

 

            Nous ferons remarquer qu’il y a une grande similitude entre cette inscription et celle qui figure sur une autre plaque de grès découverte aux bains de Rennes, il y a plus d’un siècle, dans un pan du vieux mur avoisinant la source de la Reine.

 

C. POMPEIUS QUARTUS. P. A. M. SVO.

 

            La contexture presque identique de ces deux inscriptions nous amène à croire qu’elles sont l’oeuvre du même personnage, et que Cneius Pompeius était simultanément fermier des thermes de Rennes et des thermes d’Alet. D’un autre côté, nous savons que les Romains avaient l’habitude de créer, à proximité de toutes les stations balnéaires, un petit temple, souvent même un simple sacellum, dédié à la déesse Hygie ou à la nymphe Thermona qui présidait aux eaux minérales.

            Nous résumons donc notre opinion sur cette phase de l’existence historique d’Alet de la façon suivante : Les Romains, après avoir, suivant l’usage qu’ils avaient adopté, changé le nom d’Alektha en celui d’Aletha, créèrent dans cette localité un poste militaire et un établissement balnéaire avec adjonction d’un petit édifice religieux, spécial à ces sortes d’établissements publics. Sous leur domination, l’oppidum gallo-celtique n’augmenta pas d’importance et demeura ce que les Romains appelaient une villaria, un village.

Nous croyons devoir compléter cet exposé de la situation d’Alet, sous les Romains, en relevant l’erreur commise jusqu’à ce jour par divers historiens qui prétendent que le nom primitif de cette ville fut Electa. Nous nous croyons fondé à soutenir que le vétitable nom donné par les Romains à cette ville fut Aletha, et nous pouvons invoquer à l’appui de cette opinion un passage de Catel et une citation de Scaliger, qui, commentant les anciens auteurs, appellent Alet tantôt castrum Aletense, c’est-à-dire château et bourg fortifié d’Alet, et tantôt civitas Aletensis, ville d’Alet ; car on donnait, quelquefois, au moyen-âge, le nom de civitas à toute localité ceinte de murailles, et ce fut le cas du bourg d’Alet, sinon du temps des Romains, ce qui est très douteux, du moins sous la domination wisigothe, quand le bourg d’Alet eut été fortifié. Ce ne fut que sous le règne de Charlemagne, quand l’abbaye d’Alet eut acquis plus d’importance, que les religieux de cette abbaye adoptèrent pour le bourg qu’ils possédaient le nom de Vicum Electum, d’où est venu le nom de Electa, qui a duré jusqu’au jour où la langue française ayant détrôné le latin barbare du moyen-âge, on vit reparaître dans les documents officiels l’appellation primitive d’Aletha francisée et traduite par Aleth.

 

II.

 

Alet au temps des Wisigoths

 

            Quand les Wisigoths furent les maîtres de la Gaule Narbonnaise, ils fréquentèrent, comme les Romains leurs prédécesseurs, les thermes d’Alet. Puis, lorsqu’ils furent refoulés sur la rive droite de l’Aude, ils firent d’Alet un de leurs points de défense dans ce pays de frontières. A cet effet, ils construisirent sur les bords d’un profond ravin qui, du levant au couchant, coupe la plaine en deux parties presque égales, une forteresse dont on peut encore reconnaître les vestiges. Lorsque, quatre siècles plus tard, la ville d’Alet fut entourée de la ligne de remparts, qui sont encore en partie debout, le château wisigoth servit de défense à la porte principale qui donnait accès dans la ville. Cette porte faisant face au nord existe encore. Elle porte le nom de Porte de Cadène, et l’on peut remarquer qu’elle est flanquée des restes d’un château-fort, ainsi que le prouvent des pans de murs percés de meurtrières, et dont l’épaisseur et la solidité ne laissent aucun doute sur leur origine. Du reste, une simple inspection suffit pour prouver que l’arrangement, la coupe et la pose des pierres diffèrent dans la construction du château et dans celle des remparts. Le château est donc bien antérieur aux murailles de la ville.

            Les forteresses wisigothe avaient sous leurs murs un établissement religieux qu’on appelait Cella, chapelle. C’était une maison conventuelle habitée par trois ou cinq religieux, et renfermant un édifice public consacré au culte catholique. Ce monastère et cette église n’étaient jamais renfermés, au septième siècle, dans l’enceinte des châteaux-forts, parce qu’ils étaient destinés à devenir le centre d’une agglomération, la première assise d’une villaria qui ne tardait pas à se développer sous la protection de la forteresse. Les religieux de ces prieurés, tout en attirant des habitants autour de leurs pieuses retraites, exerçaient leur ministère dans l’enceinte du fort, et y prodiguaient, en même temps, leurs soins aux malades. Ils étaient, à la fois, les chapelains, les médecins, les infirmiers et les maîtres d’école dans le village et dans le château-fort.

            Sur plusieurs points du Rhedesium la forteresse wisigothe devint, au neuvième et au dixième siècles, un manoir féodal qui absorba le monastère, et finit par le faire disparaître, dépouillant ainsi les établissements religieux de leurs terres et de leurs revenus, et leur enlevant les villages qu’ils avaient fondés. Il n’en fut pas ainsi d’Alet, où le monastère, avant même de devenir une puissante abbaye, absorba la forteresse, et en fit à son profit un moyen de défense.

            Dans son histoire des ducs de Narbonne, Besse reproduit un document qui nous fait connaître quelle était la situation d’Alet au huitième siècle. Il cite un acte de 796 portant que, antérieurement à cette époque, les moines du monastère d’Alet avaient restauré les fortifications et rétabli le mur d’enceinte qui, à une époque déjà reculée, protégeaient le village. Ce document prouve que dans le courant du septième siècle le château-fort existait déjà, et que le monastère et le bourg d’Alet étaient, en outre, défendus par un mur d’enceinte tel qu’on les construisait à cette époque, et consistant en un assemblage de blocs de pierre énormes reliés entre eux, sans ciment et sans mortier, et surmontés d’un épaulement en terre durcie.

 

III.

 

Alet Abbaye

 

 

                C’est sous le règne de Louis-le-Débonnaire, en 813, que le comte Béra I er et la comtesse Romille son épouse transformèrent le monastère d’Alet, qui depuis près d’un demi-siècle avait été érigé en abbaye. Béra, qui était comte de Razès et marquis de Gothie, fut secondé dans cette oeuvre pieuse par de riches espagnols réfigiés de ce côté des Pyrénées.

La charte d’investiture porte que ce monastère sera uni à l’église Saint-Pierre de Rome, sous la condition d’une redevance consistant en une livre d’argent payable tous les trois ans. Dans le même acte le comte Béra sollicite du pape Léon III le don d’un fragment de la vraie croix en faveur de la dite abbaye. Cette relique lui fut accordée, et elle prit place dans le trésor de l’église. La formule de soumission et d’investiture porte cette mention : Vicum Electum et monasterium santæ Mariæ.

            Nous croyons devoir faire remarquer que cette locution “ Vicum electum “ Bourg choisi, fut employée alors pour la première fois, en remplacement du nom de Aletha, qui fut repris seulement au seizième siècle. Les religieux, en désignant Alet sous cette qualification de bourg d’élite, bourg privilégié, faisaient, probablement, allusion au privilège que leur avait conféré la cour de Rome en dotant leur église d’une relique très-précieuse. Quoi qu’il en soit, ce qualificatif devint, à dater de cette époque, et pendant six cents ans, le nom sous lequel fut désigné le village d’Alet. Du reste, ainsi que cela avait eu lieu sous la conquête romaine, le changement de nom des villages fut fréquent pendant le moyen-âge, car les corporations religieuses tenaient à effacer tous les souvenirs du paganisme.

            En plaçant l’établissement religieux d’Alet sous la domination directe du pape, le comte Béra se prémunisait contre les atteintes des abbés de Lagrasse et de l’archevêque de Narbonne toujours avides d’annexions. D’un autre côté, en dotant richement cette abbaye, et en lui concédant de grands privilèges, il consolidait son pouvoir dans cette vallée de l’Aude qui mettait en communication le pays de Carcassonne avec les Pyrénées et une partie des Corbières.

            Les religieux de l’abbaye d’Alet suivaient les règles de Saint-Benoît. Ils remplissaient avec zèle la mission complexe que s’imposaient les moines de cet ordre célèbre. A l’étude, à la prière et à la prédication ils ajoutaient les soins de l’hospitalité à donner aux voyageurs. Ils étendaient leur sollicitude aux malades qui venaient chercher un remède à leurs maux dans les eaux bienfaisantes des piscines romaines.

            Leur maison était bien réellement un lieu de refuge et d’assistance. Dans ce temps de prosélytisme chrétien ils mettaient d’autant plus d’ardeur à la propagation du dogme catholique que leur ministère s’exerçait dans une contrée où existaient des vestiges de pratiques religieuses d’origine diverse. Dans l’esprit de cette population mélangée les rites druidiques avaient survécu et se confondaient avec des restes du polythéisme romain et des croyances sarrasines ; et ce n’était pas une œuvre peu importante et peu méritoire que de moraliser et civiliser des êtres simples, farouches, tristes épaves, pour la plupart, des bandes armées qui, depuis quatre siècles, avaient constamment piétiné ce sol.

            A peine transformée, l’abbaye acquit une grande importance. Quelques années après que le comte Béra l’eut si libéralement dotée, son fils Willemont unit à cette abbaye celle de Saint-Polycarpe. C’était le meilleur moyen à employer pour couper court aux prétentions des abbés de Lagrasse qui depuis longtemps convoitaient ce monastère. L’union d’Alet et de Saint-Polycarpe, séparés par une très-petite distance, était dictée par leur situation topographique. Elle répondait aussi au vœu de quelques riches espagnols qui, réfigiés dans le Rhedesium, pour échapper à la tyrannie des Sarrasins maîtres de leur patrie, consacraient une partie de leur fortune à l’entretien des établissements religieux, et qui témoignaient une préférence marquée pour Saint-Polycarpe, fondé par un de leurs compatriotes, et pour Aletha qui devait en partie sa splendeur à des émigrés de leur nationalité.

            Une des causes qui contribuaient aussi au développement de la puissance de l’abbaye d’Alet consistait dans l’immense étendue de territoire qui dépendait, et qui dépend encore de cet ancien oppidum gallo-gothique. Fondé à une époque où la contrée était presque déserte, Alet put se tailler un immense domaine, qui couvre une superficie d’environ quatre mille hectares. Nous trouvons là une des preuves les plus concluantes en faveur de l’ancienneté très-reculée d’Alet. Aussi, dès que le monastère eut pris rang dans la province, les prieurs de cet établissement eurent le soin d’affirmer leur possession et d’éviter les empiètements des seigneurs terriers du voisinage, en créant des ermitages et des églises champêtres sur le territoire de la communauté, afin d’y former ce qu’on est convenu d’appeler de nos jours des sections de commune. C’est ce qui explique pourquoi la commune d’Alet compte aujourd’hui trois hameaux assez importants, et vingt-deux métairies, et c’est ce qui explique aussi l’existence, sur divers points de ce vaste territoire, de ruines très intéressantes, qui sont les restes de diverses chapelles champêtres.

            Avec de pareils éléments de prospérité l’abbaye d’Alet ne tarda pas à se rivaliser avec celle de Lagrasse, et à occuper une place des plus marquantes parmi les dix-neuf monastères existant dans la Septimanie, et dont le dénombrement fut fait, en 817, dans le statut rédigé par le concile d’Aix-la-Chapelle, que le roi Louis-le-Débonnaire avait convoqué pour s’occuper de la réforme du clergé séculier et régulier.

            Les données que nous possédons sur la phase que traversa l’abbaye d’Alet, pendant les premières années du cycle carolingien, sont assez vagues. Cette époque nous apparaît entourée de légendes et de récits poétiques qui ne sont pas, à proprement parler, de l’histoire. L’un des ouvrages les plus complets que nous possédons, l’Histoire du Languedoc, de Dom Vaissette, ne nous éclaire que très-imparfaitement à ce sujet. Les documents authentiques, puisés dans les annales du neuvième siècle, établissent même une certaine confusion au milieu de laquelle il est difficile de se reconnaître, quand on étudie le passé historique des abbayes de Lagrasse, d’Alet, de Saint-Polycarpe, et de Saint-Martin-de-Lis, situées dans le Rhedesium. Les rois Charle-le-Chauve, Carloman, et Eudes avaient délivré, en faveur de chacun de ces monastères, des chartes ou des diplomes confirmant les dons et privilèges concédés antérieurement, mais sans préciser en quoi consistaient ces privilèges et ces possessions. D’un autre côté, les comtes suzerains de Carcassonne, de Rhedæ, et de Barcelone, comme aussi les archevêques de Narbonne, ne tenaient pas toujours compte des actes émanant de la puissance royale. Ainsi, pour ce qui concerne Alet, ce n’est qu’avec beaucoup de difficultés que nous sommes parvenu à reconstituer son passé à cette époque tourmentée pendant laquelle elle fut en rivalité et en lutte avec l’abbaye de Lagrasse. Cette lutte éclata, surtout, à l’occasion de l’union du monastère de Saint-Polycarpe à l’abbaye d’Alet.

            Lorsque le comte Villemond, fils de Béra, délivra aux abbés le droit de possession de Saint-Polycarpe il se fonda sur deux considérations. En premier lieu il croyait agir dans la plénitude de ses pouvoirs de seigneur suzerain du Rhedesium, et en second lieu il prétendait exécuter une décision du roi Charlemagne. Les abbés de Lagrasse, qui avaient dans leur dépendance le monastère de Saint-Polycarpe, refusèrent de se dessaisir de cet établissement, en prétendant qu’il était compris dans l’assignat consenti en leur faveur par le grand empereur.

            La lutte dura plus de deux siècles, et ne prit fin que lorsque, par une Bulle en date de 1117, le pape Paschal II ordonna que l’abbaye de Lagrasse restituerait à l’abbaye d’Alet le monastère de Saint-Polycarpe dont lui avait fait don l’empereur Charlemagne, et que les moines de Lagrasse avaient usurpé. Cette Bulle constatait aussi que la donation faite par cet empereur avait été confirmée par une charte du roi Charles-le-Chauve.

            La rivalité des moines de Lagrasse n’avait pas entravé, pendant le dixième et le onzième siècles, le dévelppement de la puissace de l’abbaye d’Alet, qui avait obtenu des comtes suzerains et des riches seigneurs du Rhedesium des bénéfices considérables. C’est pendant cette période que les moines d’Alet fondèrent divers prieurés et plusieurs églises. Ils résistèrent efficacement aux tentatives d’usurpation de quelques barons terriers qui voulaient agrandir leurs domaines aux dépens de l’abbaye.

 En 1059, un évènement des plus graves vint rompre la bonne harmonie qui existait entre l’abbé d’Alet et le comte de Razès. Béranger, vicomte de Narbonne, et Guifred, archevêque de cette ville, avaient pris les armes et luttaient pour se disputer la possession de quelques fiefs. Pierre Raymond, comte de Razés, avait pris parti pour l’archevêque. La Trêve de Dieu qui avait été décidée dans une assemblée tenue à Toulouges, petit village du Roussillon, vint suspendre la lutte. Cette trève fut violée par le comte Pierre-Raymond, qui enleva de l’église de Notre-Dame d’Alet deux chevaliers qui y avaient cherché asile, et qui étaient innocents. Après quoi, il fit pendre l’un d’eux qui était proche parent du vicomte de Narbonne. Ce fait est consigné dans la plainte qui fut portée, la même année, devant un concile. Le vicomte de Narbonne fit ressortir dans son plaidoyer cette circonstance aggravante que l’église abbatiale d’Alet offrait un asile d’autant plus inviolable qu’elle renfermait un fragment de la vraie Croix, “ mirificum lignum dominicum. “ Nous croyons devoir faire remarquer, à propos de cette pieuse relique, que les bénédictins d’Alet avaient tenu à avoir une église qui fût digne de la contenir. Aussi, en 1013, quand l’abbaye, déjà très-florissante, eût été encore enrichie par les libéralités que lui avait values le redoublement de piété provoqué par la crainte de la fin du monde, prédite pour l’an mil, les religieux ne purent se contenter de leur ancienne maison conventuelle et de l’église qui en dépendait. C’est à cette époque que fut construite la magnifique église dont on admire encore les ruines. Dans les siècles suivants cet édifice religieux fut modifié dans quelques-unes de ses parties. Le sanctuaire, notamment, accuse, par ses conditions architecturales, une création qui date du quinzième ou seizième siècle, mais c’est, comme nous venons de le dire, au commencement du onzième siècle que fut érigé le monument grandiose dont les ruines sont encore de nos jours un juste sujet d’admiration.

            A la suite de la bulle du pape Paschal II une autre bulle de son successeur, Calixte II, vint, six ans plus tard, en 1173, confirmer en faveur de l’abbaye d’Alet la possession des églises, châteaux et villages, dont voici le dénombrement :

            Le monastère de Saint-Polycarpe avec toutes ses dépendances.

            Le monastère de Saint-Paul-de-Fenouillet.

            Eglise de Sainte-Colombe-sur-l’Hers.

            Eglise de Villeneuve (Cassaignes).

            Eglise de Payra.

            Eglise de Castelreng.

            Eglise Sainte-Marie d’Espéraza.

Les deux églises de Verzeillz.

Le village de Flacian.

Le château et le village de Cornanel.

Le château et le village de Blanchefort.

L’église de Notre-Dame d’Orbieu (aujourd’hui chapelle des Busquets dans la vallée de Lagrave, près d’Auriac).

Le monastère de Saint-Papoul avec toutes ses dépendances.

Ce qui contribua à accroître la puissance des abbés d’Alet, c’est qu’ils trouvaient un appui dans la politique des comtes de Razés, lesquels avaient tout intérêt à user de l’influence religieuse pour résister aux empiètements des barons de la contrée, toujours turbulents et ambitieux. Ainsi, c’est grâce à l’appui du clergé que le vicomte Bernard Aton parvint, en 1124, à soumettre les nobles rebelles du Razés. Le pape Calixte II, avec juste raison, limé les dents de ces lions, en leur enlevant des parcelles de leurs fiefs indûment agrandis au détriment des abbayes d’Alet, de Saint-Polycarpe et de Saint-Papoul.

Du reste, les restitutions dont bénificia le monastère d’Alet ne furent pas un acte isolé de la part de la cour de Rome. Le Pape Calixte II travailla activement à reconstituer le domaine de l’église, en luttant contre les usurpations des barons terriers. Cette doctrine fut inaugurée au concile de Reims, en 1119 ; mais ce fut au concile œcuménique de Latran, en 1123, que furent décrétés les canons destinés à consolider les conquêtes de l’église. Il est à remarquer que dans ce concile le nombre des abbés fut plus considérable que celui des évêques.

Soutenus dans leurs luttes contre la féodalité par le pouvoir supérieur des comtes suzerains de Razés, les abbés mitrés d’Alet pouvaient compter, aussi, sur l’appui de la cour de Rome. En 1196 le pape Urbain II, après avoir visité Toulouse et Carcassonne, se rendit à l’abbaye d’Alet où il arriva le 18 juin, et le lendemain il officia pontificalement dans l’église de Notre-Dame. En quittant Alet le pape se dirigea sur Saint-Pons sans visiter les autres abbayes de la contrée. Cette visite du souverain pontife prouva combien les abbés d’Alet étaient puissants à Rome.

L’abbaye d’Alet parvint à l’apogée de sa puissance sous la direction de l’abbé Pons d’Amély qui, vers 1160, fit clore de murs la ville d’Alet. Les fortifications qu’avait fait élever Gayraud, deuxième prieur de ce monastère, en 796, étaient demeurées inachevées et n’avaient pas été entretenues avec soin. Pons d’Amély prit si bien ses mesures et il disposait de ressources telles qu’il put entourer sa ville d’une ceinture murale garnie de tours et de bastions. Une partie de ces remparts existe encore, et sur certains points ils sont dans un tel état de conservation, qu’ils nous offrent un spécimen très remarquable de l’architecture militaire de cette époque. L’ancien château wisigoth servit de défense à la porte principale qui fait face au nord et qu’on appelle en patois – Porto de Cadèno – porte de chaînes. Une poterne appelée Porte d’Aude s’ouvrait aussi du côté de nord, sur les bords de la rivière. Deux autres portes étaient placées du côté du midi : l’une, appelée Porte Sainte-Marie, existe encore ; l’autre, désignée sous le nom de Porte de Roumanou, a disparu depuis quelques années. (1880)

Sauf la trouée qui a été faite pour le percement de la route et qui a supprimé les portes d’Aude et de Roumanou, la ligne de circumvallation d’Alet n’offre pas de solution de continuité. Le mur est écrêté, démoli en partie sur certains points. Les meurtrières sont bouchées. Mais l’ensemble des remparts existe encore après sept cents ans, et lorsque depuis deux siècles on n’a rien fait pour leur conservation. La forteresse wisigothique devenue le château-fort de la ville pendant le moyen-âge est conservée en partie. On remarque encore de nos jours à côté de la porte de Cadèno cette imposante masse qui servait de défense à cette porte principale. Les murs d’une grande épaisseur sont conservés en grande partie, et on peut encore visiter une ancienne salle d’armes voûtée qui a été transformée en remise ou magasin.

En mettant en défense sa ville abbatiale, Pons d’Alély n’avait pas eu la prétention d’en faire une place forte et d’adopter un système complet de fortifications comme il en existait à Carcassonne et à Rhedae. D’un autre côté, il n’avait pas voulu se borner à faire une simple clôture en maçonnerie comme il en existait autour de plusieurs bourg et villages de la contrée qu’on appelait des bastides. Il prit un terme moyen et il adopta un ensemble de fortifications qui mettait la ville à l’abri d’un coup de main et qui la protégeait contre les bandes de routiers qui infestaient la province. Elle pouvait même résister à une armée qui n’aurait pas été munie des engins de siège qu’on employait à cette époque.

Le comte Raymond Roger, à peine instruit du projet qu’avait l’abbé d’Alet  de fortifier sa ville, mit tout en œuvre pour s’y opposer. Mais Pons d’Amély résista à son suzerain et il fut soutenu par le comte de Foix. Il prétendit avec juste raison qu’il ne faisait qu’exercer un droit acquis ; attendu que dans le courant du VII ème siècle, la ville d’Alet possédait une ceinture de murailles qui furent détruites par les sarrasins, et qu’il ne faisait que rétablir en les complétant les anciennes défenses de la ville. Il fit valoir, surtout, que s’il entourait sa ville d’une ceinture de remparts c’était pour la mettre à l’abri des atteintes du roi d’Aragon qui venait de s’emparer du pays de Fenouillèdes, et qui convoitait le pays de Rhedae. Les évènements donnèrent raison à l’abbé d’Alet. Quelques années plus tard les troupes du roi d’Aragon s’emparèrent de la ville basse de Rhedae et vinrent jusqu’aux portes d’Alet. La paix qui survint en 1192, entre le roi d’Aragon et le comte Raymond Roger mit fin à cette guerre et préserva la ville d’Alet.

La ligne des remparts qui entoure Alet de tous les côtés offre un aspect des plus pittoresques. Les assises de moellons de calcaire et de grès fortement cimentées ont une teinte jaunâtre qui tranche vivement, en été, au milieu des arbres verdoyants. En voyant l’antique cité d’Alet encadrée de ses jardins baignés d’un côté par les eaux du fleuve et de l’autre escaladant avec ses remparts, la crête de la butte ou du mamelon auquel elle est adossée, on croit voir une de ces villes de l’Herzégovine qui ont conservé encore de nos jours leur antique physionomie de cités guerrières.

 

IV.

 

Le Couvent.

 

 

A l’époque où Pons d’Amély fit restaurer l’antique château et entourer de fortifications la ville d’Alet, il élargit considérablement du côté du levant et du midi la ligne de circumvallation qu’embrassait la muraille de défense qui protégeait la ville à l’époque mérivingienne, et qui avait été détruite pendant l’invasion des Maures (habitants de la Mauritanie). La ville avait plus d’étendue et bien plus d’importances. La maison religieuse dont il était le supérieur avait pris alors tout son développement, et cet édifice était l’un des établissements monastiques les plus importants de la Septimanie. On ne peut aujourd’hui que se faire une faible idée des dimensions grandioses de cette construction. Les nombreuses donations faites pendant le onzième et le douzième siècle aux maisons religieuses avaient permis aux Bénédictins d’Alet de consacrer des sommes considérables à l’agrandissement de leur résidence et à la reconstruction de l’église qui en dépendait.

Le monastère avait la forme et l’aspect des établissements religieux  que l’on trouve encore dans l’Asie mineure. C’était plutôt une forteresse qu’un couvent. Il occupait une grande partie de l’emplacement qui couvre aujourd’hui la petite ville. Longeant du côté du couchant le cours de l’Aude et du nord un profond ravin, il se reliait de ce côté au château, à cette ancienne forteresse wisigothe que les moines avaient conservée et entretenue en bon état de défense. Au levant et au midi de hautes murailles servaient de clôture, et dans cette enceinte ainsi protégée on trouvait une église, des chapelles, des jardins et de nombreux bâtiments ayant chacun leur destination.

La partie centrale du couvent, c’est-à-dire le préau, entouré de toutes parts par les galeries du cloître, était placée au nord de l’église. On peut encore se rendre compte de sa situation par un reste de portique encore debout, consistant en une rangée de pilastres supportant quatre arceaux à plein cintre qui, quoique recouverts de badigeon, ont conservé leur caractère primitif et formaient en partie la galerie du côté du levant. Comme dans toutes les maisons monastiques le cloître était en communication directe avec l’église sur cette partie des ruines que l’on appelle encore le cloître. C’est autour du cloître que se trouvaient la salle capitulaire, les salles de conférence, les cellules et le réfectoire des moines.

Du côté du nord et du levant le cloître se reliait à une cour intérieure réservée aux frères et aux domestiques. Puis, au-delà de cette cour privée existaient, du côté du nord, les magasins, les granges, les étables entourant une vaste cour commune pour le service extérieur de la maison. Ces bâtiments et leurs dépendances s’étendaient jusqu’au rempart et, par conséquent, jusqu’à la Porte d’Aude placée sur cette partie des fortifications qui avoisinaient la rivière. Puis, formant retour du côté du couchant, ces bâtiments longeaient le mur de défense bâti le long de l’Aude, et se rattachaient aux jardins du couvent qui formaient terrasse le long de l’eau.

Du côté du levant, il est difficile de préciser la ligne de démarcation du couvent et de ses annexes. Tout ce qu’on peut affirmer c’est que le couvent, ne communiquant que de ce côté avec la ville, c’est là que se trouvait la grande porte d’entrée de la maison religieuse ouvrant par une rue qui communiquait avec l’extérieur de la cité par les deux portes appelées Porte d’Aude et Porte de Roumanou. Dès avoir franchi le grand portail du couvent, et avant d’arriver aux bâtiments destinés à la vie claustrale, on trouvait les salles des hôtes, le réfectoire et les logements destinés aux voyageurs et aux indigents ; car les maisons religieuses exerçaient une large hospitalité, surtout lorsque, comme Alet, elles comptaient une nombreuse clientèle.

Le pont qui reliait Alet avec la rive gauche de l’Aude avait sa tête à la porte d’Aude, et était situé à une très petite distance en amont du pont actuel, qui ne date que du siècle dernier.

Lorsque Alet fut devenu le siège d’un évêché, le couvent et ses dépendances furent modifiés pour être appropriés à leur nouvelle destination, et une partie de la maison monastique fut transformée en palais épiscopal. Néanmoins, comme le chapitre ne fut sécularisé que deux siècles plus tard, le couvent des bénédictins conserva, encore, jusqu’à un certain point, sa physionomie et son caractère primitifs.

Que reste-t-il aujourd’hui de l’antique abbaye d’Alet? Une partie de la galerie du cloître que nous avons signalée, quelques pans de murs, les débris des pilastres d’une porte cintrée avec leurs chapiteaux sculptés ; en un mot, quelques lambeaux de ruines. Ce sont-là, avec la désignation  de cloître que portent ces ruines, tout autant de jalons épars qui peuvent aider à reconstruire, par la pensée, le magnifique établissement qui servait de retraite aux bénédictins.             

 

V.

 

L’église abbatiale de Sainte-Marie.

 

 

 

La construction de l’Eglise abbatiale paraît remonter au onzième ou douzième siècle, et elle dut être terminée quand l’abbaye fut parvenue à l’apogée de sa puissance. Les restes de cet édifice nous offrent les caractères principaux de l’architecture romane parvenue au plus haut degré de sa perfection. On peut en juger par la richesse des ornementations et par leur exécution correcte.

C’était une basilique à trois nefs. La nef centrale était séparée des bas-côtés par d’élégants piliers soutenant des arceaux à plein cintre. On peut voir encore debout une partie de ces arceaux et de ces piliers dans un état de conservation suffisant pour qu’on puisse se rendre compte de la grandeur et de la majesté de cette construction. Les assises sont formées de ce magnifique grès quartzeux d’Alet, dont le grain est si fin et dont la couleur jaunâtre prend sous l’action du soleil une magnifique teinte dorée.

Les murs collatéraux sont conservés en grande partie. Leur architecture est simple, et comporte peu d’ornements, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.

Deux tours étaient placées latéralement, encastrées dans le mur du nord qui touchait au couvent. Elles correspondaient avec le milieu de la nef.

 L’une de ces tours est rasée au-dessus du premier étage. L’autre qui était encore debout il y a une quarantaine d’années, s’écroula, en partie, vers 1840 ou 1841. Par une nuit d’hiver toute la paroi du côté du midi se détacha tout d’une pièce avec un bruit terrible, depuis le faîte jusqu’à la base, et laissa debout l’autre moitié. On dirait que, à l’instar du rocher de Rolland, cette tour a été partagée par le tranchant de Durandal, l’épée légendaire du preux chevalier, neveu de Charlemagne. La partie demeurée debout se soutient par un miracle d’équilibre, et on peut ainsi se rendre compte de l’architecture des deux tours. Elles étaient carrées, et chacun des angles était garni de colonnettes avec des chapiteaux de feuillages. Comme toutes les tours accolées aux églises du style roman, elles étaient couronnées par une pyramide en charpente à quatre pans et très obtuse. Une porte sobre d’ornementation, et placée près des tours, mettait l’église en communication avec le couvent.

Sur le mur collatéral, faisant face au midi, s’ouvrait une autre porte avec une archivolte couverte de sculptures. On remarque encore les vestiges de deux lions qui accompagnaient cette archivolte.

Enfin, du côté du couchant se trouvait l’entrée principale, ainsi que cela existe généralement dans les églises ayant la forme d’une croix.

L’abside, placée du côté du levant, était la partie la plus remarquable de cet édifice. On peut encore admirer ses belles proportions et son style riche ; car elle est dans un état de conservation suffisant pour faire apprécier son mérite, bien qu’elle soit masquée à l’extérieur par les constructions qui la séparent de la route. Elle est ornée de quatre colonnes de grès gris, uni et fin comme de la pierre ponce. Les chapiteaux feuillus qui les surmontent supportent une corniche élégante qui, malheureusement, tend à se délabrer de jour en jour. Quelques auteurs semblent disposés à admettre que cette église aurait été construite sur les ruines d’unancien temple de Diane ; mais c’est encore une de ces erreurs si communes dans une contrée où la légende fantaisiste a souvent pris la place de l’histoire. L’érection d’un temple païen à Alet n’aurait pu être amenée que par la création d’une ville d’origine hellénique ou romaine. Or, malgré les recherches les plus actives, aucun historien n’a pu trouver à Alet la trace d’un établissement fondé par les Grecs ou les Phéniciens du littoral Méditerranéen. D’un autre côté, aucun auteur latin, ni aucun chroniqueur du moyen-âge n’ont fait mention d’aucune ville romaine à côté des thermes d’Alet. Nous n’hésitons pas, par conséquent, à admettre que l’église de Sainte-Marie d’Alet fut édifiée par les Bénédictins sur les ruines d’un ancien édifice religieux qui n’était autre que l’église primitive du couvent. En effet, le premier soin des moines d’Alet fut certainement de bâtir un édifice consacré au culte catholique en même temps que l’on posait la première pierre du monastère. Après trois ou quatre siècles l’abbaye ayant acquis plus d’importance, et s’étant enrichie par les donations pieuses du clergé et de la noblesse, et d’un autre côté le village d’Alet étant devenu une ville assez peuplée, l’église primitive devint insuffisante. Elle dut donc être démolie, et l’on éleva sur son emplacement la basilique dont nous venons d’essayer de faire la description.

 

 

VI.

 

Alet après la Croisade contre les Albigeois.

 

 

La croisade contre les Albigeois porta un rude coup à l’abbaye d’Alet.Pons d’Amély étant mort en 1197, les religieux se montrèrent divisés sur le choix de son successeur. Les uns, dévoués aux intérêts du jeune fils de Roger II, vicomte de Béziers, de Carcassonne et du Razès, à peine âgé alors de douze ans, tenaient pour Boson. Les autres, en majorité, élevèrent à la dignité abbatiale Bernard de Saint-Ferréol, syndic du monastère de Saint-Polycarpe.

Bertrand de Saissac qui, d’après le testament de Roger II, était le tuteur du jeune Raymond Roger ne voulut pas ratifier ce choix. La majeure partie des moines ayant résisté à ses injonctions, Bertrand de Saissac se rendit à Alet avec une troupe d’hommes d’armes, chassa de son siège Bernard de Saint-Ferréol, et le tint en prison pendant trois jours. Puis il fit procéder à une nouvelle élection en présence du cadavre de Pons d’Amély, qu’il avait fait installer sur sa chaire abbatiale, et Boson fut proclamé abbé.

Boson demeura fidèle à Raymond Roger, et quand les croisés se furent emparés de Carcassonne, il se mit sous la protection du comte de Foix. Le cardinal Conrad porta plainte contre lui au Concile du Puy, et les prélats réunis dans ce concile donnèrent raison au légat. On décida que Boson serait dégradé, et que les moines d’Alet seraient chassés de leur monastère, et remplacés par des prêtres séculiers. En outre, l’abbaye avec toutes ses dépendances passait au pouvoir de l’église de Saint-Just de Narbonne. Le Pape confirma cette sentence.

Les Bénédictins d’Alet n’acceptèrent pas cette condamnation imméritée, et ne se résignèrent point à la spoliation dont ils étaient victimes. Ils entamèrent en cour de Rome un procès qui dura plus de dix ans. Enfin, en 1233, à la suite d’une enquête ordonnée par le Papa Grégoire IX, et qui prouva, entre autres choses, que la mesure violente décrétée contre les moines d’Alet avait causé une grande irritation dans le comté de Razès, la sentence d’excommunication fut levée. L’abbaye d’Alet fut reconstituée et les Bénédictins rentrèrent en possession de leur monastère ; mais leur domaine fut considérablement réduit. La cour de Rome les obligea à céder une partie de leurs biens à la cathédrale de Narbonne. D’un autre côté, ils perdirent les monastères de Saint-Polycarpe et de Saint-Papoul. Enfin, ils furent dépouillés de quelques prieurés et de plusieurs villages au profit des lieutenants de Simon de Montfort.

Voici, au sujet de cette spoliation, un détail qui offre un certain intérêt. Après avoir perdu les plus beaux fleurons de sa couronne la corporation d’Alet fut dépouillée d’une partie de ses revenus mobiliers, et notamment de la leude sur le sel et du droit de péage sur les radeaux – fustæ aquæ – qui passaient sous les murs de la ville. Le bénéfice de ces taxes fut donné par Simon de Montfort à l’un de ses sénéchaux.

L’abbaye d’Alet se trouva donc bien amoindrie, et considérablement appauvrie ; car la plupart de ses feudataires, petits gentilshommes ou bourgeois, avaient été pressurés et quelques-uns même ruinés par les armées des croisés. Sa puissance se trouva aussi diminuées dans le comté de Razès, par suite de l’affermissement des prérogatives royales. Dans cette situation, le prieur et les religieux sous ses ordres ne formèrent plus qu’une modeste corporation. Enfin, le dernier coup fut porté à la célèbre abbaye lorsque après la mort de Simon de Montfort, le pape Honoré confirma son fils Amaury dans tous ses titres, biens et dignités. Celui-ci éleva Limoux au rang de cité, de simple bourg fortifié qu’il était jusqu’alors, et en fit la capitale du Pays du Razès, titre auquel avait droit la ville d’Alet après la chute et la destruction de la cité de Rhedae.

C’était en 1218 que la ville d’Alet avait subi un aussi triste sort. Ce fut en 1318, un siècle après, qu’elle fut appelée à de nouvelles destinées. Une bulle du pape Jean XXII créait un évêché dont Alet était le siège, et dont la juridiction acclésiastique s’étendait sur tout l’ancien comté de Razès, et embrassait cent onze paroisses. (86)

Le premier évêque fut l’abbé en exercice, Barthélemy, qui fut choisi par les moines de l’abbaye auxquels s’adjoignirent pour cette circonstance solennelle les religieux du monastère de Saint-Paul-de-Fenouillet, qui était demeuré une dépendance de l’abbaye.

Un document authentique nous donne la mesure de l’importance qu’avait à cette époque la ville d’Alet. A l’assemblée des Etats du Languedoc, qui fut tenue en 1304 pour accorder au roi les subsides nécessaires pour la guerre des Flandres, les consuls des communautés ou paroisses chargés de la répartition de l’impôt sur le tiers-état, taxèrent chaque ville à raison d’une quotité déterminée suivant le nombre des feux. Alet comptait cinq cents feux taillables, et dut payer un subside de 280 livres tournois.

La ville d’Alet avait le rang de cité depuis la fondation de son abbaye, c’est-à-dire depuis le règne de Charlemagne. Elle devint ville royale dès qu’elle fut érigée en siège épiscopal.

Cinq siècles se sont écoulés depuis que le dernier prieur de l’abbaye d’Alet fit place au premier évêque d’un nouveau diocèse, et rien, sauf quelques vestiges de ruines, ne semble rappeler aux générations nouvelles l’ère si longue de prospérité de l’un des établissements monastiques les plus florissants de la province de Septimanie. Cependant les Bénédictins d’Alet ont laissé un double souvenir qui s’est conservé, à travers les âges, après l’extinction de leur maison conventuelle.

On ne saurait oublier, en effet, que les abbés d’Alet firent de larges concessions à leurs vassaux, et se montrèrent toujours prêts à résister aux excès et aux empiètements du régime féodal. Ils en furent récompensés lorsque, frappés d’excommunication après la guerre des Albigeois, ils furent soutenus dans leur lutte contre Rome et contre Simon de Montfort non-seulement par la bourgeoisie, mais encore par la population entière de leur domaine ecclésiastique. D’un autre côté, les historiens les signalent au même rang que les abbés de Lagrasse comme étant demeurés étrangers aux querelles ardentes de la scolastique qui passionnèrent certains esprits dans le clergé, au onzième et douxième siècles, et comme ayant approuvé et pratiqué la doctrine de l’abbé Suger, l’habile ministre du roi Louis-le-Jeune, en ce qui touche la conduite des peuples et l’organisation de la société.

Dans un autre ordre d’idées, il existe dans l’ancien diocèse d’Alet un souvenir qui se rattache à l’exercice du culte, et qui remonte peut-être jusqu’à ces dernières années a été en vigueur dans l’ancien diocèse d’Alet? Quoi qu’il en soit, et que l’honneur de cette création doive revenir aux anciens prieurs de l’abbaye, ou bien à l’un des premiers évêques qui leur succédèrent, nous croyons devoir consigner ici l’impression qui est demeurée dans l’esprit des populations de la contrée. Cette impression se traduit par un sentiment d’admiration pour certains chants du rituel de l’ancien diocèse. Si nous devons admettre l’opinion de Châteaubriand sur l’origine de quelques-uns des chants de l’église catholique, et qui, d’après cet éminent écrivain, auraient été inspirés par le mode rithmique employé dans les chœurs de l’antique tragédie grecque, il faut reconnaître que le rituel d’Alet était de ceux qui semblent se rattacher le plus à cette intéressante source. C’est surtout dans les nocturnes, que l’on chantait dans les cérémonies funèbres, que l’on retrouve un caractère émouvant et grandiose traduisant les accents les plus expressifs de la douleur humaine.

 

 

VII.

 

 

Alet Évéché.

 

 

L’histoire d’Alet  ne nous offre rien de bien remarquable pendant les premières années qui suivirent l’institution de l’Evêché.Si la ville ne perdit pas de l’importance qu’elle avait acquise sous l’administration des religieux, elle n’augmenta pas en population ni en puissance. La plupart des évêques ne résidaient pas dans le diocèse et n’y faisaient que de rares apparitions. D’un côté, le pouvoir royal se consolidait et, surtout, se manifestait d’une manière de jour en jour plus efficace dans le Languedoc. D’un autre côté, la bourgeoisie prenait corps et se montrait quelquefois peu soumise, quand on portait atteinte à ses droits et à ses prérogatives. Dans le courant du quinzième siècle un conflit éclata entre cette bourgeoisie et le pouvoir épiscopal. L’évêque dut renouveler en faveur des bourgeois et manants d’Alet les droits et les privilèges que leur avaient concédés, antérieurement, les bénédictins.

Nous croyons devoir relever ici une singulière erreur accréditée dans la contrée. On rattache l’époque où florissait la ville d’Alet à cette phase de son histoire où elle était  devenue le siège d’un évêché. Nous tenons à rétablir l’exacte vérité et à démontrer que ce fut, surtout, au douzième siècle, c’est-à-dire sous l’administration des bénédictins, qu’Alet avait acquis le droit de cité, et joua un rôle marquant dans la province. Sous ses évêques Alet avait un titre officiel retentissant, comme chef-lieu d’un évêché ; mais, dans le fait, son lustre et son importance n’en furent point augmentés.

Il n’en fut pas de même pour le territoire qui formait le diocèse. L’action prépondérante des évêques produisit sur cette vaste étendue de pays une heureuse influence en réprimant l’action toujours envahissante du pouvoir féodal. Tel châtelain puissant ou tel petit gentilhomme qui était tenté d’exercer une autorité trop despotique sur ses vassaux, n’osait résister à l’évêque comte d’Alet quand il intervenait, et il intervenait souvent, pour faire rendre justice aux malheureux vassaux. 

 

 

VIII.

 

 

La Guerre des Calvinistes.

 

 

Vingt-quatre évêques avaient occupé le siège, les uns dans la plénitude de leurs fonctions, quelques autres en commande, quand les guerres de religion vinrent porter la désolation dans la contrée. Les Calvinistes des Cévennes et du pays Castrais franchirent la Montagne-Noire, et se réunirent à leur co-religionnaires du Bas-Razès et du Haut-Razès, pour se répandre dans le diocèse d’Alet. Ils comptaient de nombreux partisans dans la contrée et, à deux reprises, en 1573 et en 1577, ils s’emparèrent de la ville d’Alet. Les membres du clergé et les catholiques laïques furent chassés. Plusieurs maisons furent incendiées. La ville garda toujours les traces de la dévastation dont elle fut victime à cette époque. Une partie des remparts fut démolie, et la ceinture murale d’Alet, l’œuvre du célèbre abbé Pons d’Amély, subit de nombreuses brèches, fut écrêtée et réduite à l’état de délabrement où on la voit de nos jours. Les quatre portes qui fermaient l’entrée de la ville furent brûlées, et les bastions qui les défendaient fortement endommagés. Toutes les églises furent détruites, ainsi que le couvent et le palais épiscopal. la belle cathédrale de Santa-Maria Electensis attira surtout la rage des démolisseurs, et sa ruine fut aussi complète qu’elle l’est aujourd’hui.

La seconde église, l’église de Saint-André, ne fut pas plus respectée que la cathédrale, mais elle fut reconstruite peu de temps après, et il est probable que l’architecte la rétablit dans son style primitif. Ce qui prouverait, du reste, que la dévastation de cet édifice religieux fut presque complète, c’est que pendant quelques années l’une des grandes salles voûtées de l’ancien couvent, servant de salle du chapitre, dut être transformée en église cathédrale pour la célébration des cérémonies du culte.

Les historiens racontent que, lors de la première attaque dirigée contre Alet, les catholiques vaincus par les religionnaires quittèrent la ville et se réfugièrent dans un moulin fortifié, où ils se défendirent avec un grand courage. Ce moulin était situé sur la rive droite de l’Aude, en aval de la ville, et à une distance d’environ deux kilomètres. On remarque encore ses murs garnis de meutrières qui ont résisté aux plus fortes crues de la rivière.

Les ruines d’Alet ont eu cette bonne fortune, fort rare de nos jours, d’avoir conservé intacte la physionomie qu’elles avaient il y a trois siècles. Si on n’a rien fait pour en assurer la conservation, d’un autre côté on n’a rien tenté pour les supprimer ou pour les défigurer en les utilisant. La ville a gardé son caractère historique, son cachet d’antiquité. On dirait une cité qui s’est endormie dans sa ceinture murale le lendemain de ce grand désastre qui démolit, en grande partie, ses remparts et ses monuments. Elle apparaît, de loin, comprimée entre le fleuve et les montagnes qui la cernent, et comme noyée dans un lac de verdure. Rien de pittoresque comme ces pans de murs crénelés escaladant le mamelon auquel elle est adossée, et transformés en clôtures de jardins ornés de fruitiers en espalier et de cordons de vignes. On ne peut se défendre d’un sentiment de tristesse et d’admiration devant le squelette de la haute tour à moitié démolie.

Après ces malheureuses guerres de religion qui, pendant la seconde moitié du seizième siècle, avaient porté la désolation dans le diocèse d’Alet et dans sa capitale, l’évêché fut possédé par cinq évêques commanditaires qui, pendant leurs visites dans le diocèse, résidaient au château de Cornanel. Un seul d’entre eux, Pierre de Polverel, se fit remarquer par sa piété et sa charité.

Enfin, en 1637, le siège épiscopal fut confié à Mgr Nicolas de Pavillon, le saint évêque dont la mémoire, après plus de deux siècles, s’est conservée avec des sentiments de profonde vénération dans la contrée. Sous sa paternelle administration, la ville d’Alet sembla, pour ainsi dire, renaître de ses cendres. Il fit réparer l’église de Saint-André qui devint la cathédrale. Il fit construire le nouveau palais épiscopal. Il dota Alet du magnifique canal d’irrigation et d’alimentation qui amène dans la ville les eaux du Théron, après avoir arrosé les jardins potagers qui couvrent toute la petite plaine. Enfin, c’est à Mgr de Pavillon que l’on doit le bassin de captation de la source thermale appelée les Eaux-Chaudes, aujourd’hui détruit en partie et qui sert de lavoir public. Mais là ne se bornent pas les œuvres du pieux prélat. Il siégeait à titre de comte, titre attaché à la dignité épiscopale d’Alet, aux Etats de la province, et il défendait avec soin les intérêts de son diocèse. Appelé à présider souvent, en l’absence du commissaire royal, l’Assiette du diocèse, il donna une vigoureuse impulsion aux travaux publics. C’est à lui, notamment, que l’on doit la construction du chemin d’Alet à Quillan par Espéraza qui, entre autres travaux d’art, comptait le pont sur l’Aude à Couiza. Le pieux prélat qui, pendant sa longue carrière, donna tant de marques de sollicitude aux habitants de son diocèse, semble encore les protéger et les bénir après sa mort, car il repose au milieu de ses anciens administrés, et on vénère encore de nos jours son tmbeau qui est placé au milieu du cimetière de la ville dont il fut si longtemps le pasteur.

Six prélats succédèrent à Mgr Pavillon jusqu’à la Révolution. L’un d’eux, Nicolas de Fontaines, fut le modèle des vertus chrétiennes, et mourut en 1708.

Le dernier évêque fut Mgr Charles de Lacropte de Chantérac qui s’intéressa vivement à son diocèse et qui y fit beaucoup de bien. C’est sous son administration que fut construite la partie de la route de Paris à Montlouis qui traverse le diocèse, ce qui amena le percement des gorges d’Alet sur la rive gauche de l’Aude et la construction du pont d’Alet.

 

 

IX.

 

 

Les Thermes d’Alet.

 

 

Pour compléter notre étude sur la ville d’Alet, après avoir passé en revue ses monuments historiques, nous devrions retracer les phases historiques de ses thermes que nous avons signalés au début de cette notice comme ayant été fréquentés pendant l’occupation romaine. Mais la tradition locale est à peu près muette sur cette question. Quelle a été l’importance de la station balnéaire d’Alet pendant le moyen-âge? C’est ce qu’il est très difficile d’apprécier. Nous sommes cependant disposé à croire que les eaux d’Alet, comme celles de Rennes-les-Bains et de Campagne, ont été bien délaissées, non-seulement pendant le moyen-âge et la renaissance, mais encore pendant le siècle dernier. La source dite Las Escaoudos n’offre aucune trace de constructions, à part les débris des thermes gallo-romains que nous avons signalés. On remarque, il est vrai, de nos jours, les restes d’un travail de captation ou de concentration consistant en un bassin circulaire qui a dû être une piscine ; mais actuellement ce bassin est devenu un simple lavoir. Quant à l’établissement de bains actuel, il consistait naguère en une modeste construction qui ne paraît pas avoir de passé historique. Ce n’est que du moment où les sources sont passées entre les mains du propriétaire actuel que la station d’Alet a acquis une importance bien justifiée. Rien n’a été négligé pour que les baigneurs trouvent dans cet établissement tout le confort et tous les agréments qu’ils peuvent désirer.

Mais si dans cette revue rétrospective des siècles passés nous n’avons rien à dire sur les thermes d’Alet, il n’en est pas de même en ce qui concerne la ville. Ses antiques monuments ont à peu près disparu, mais elle offre encore un intéressant sujet d’étude, quand on l’examine en détail.

Après avoir franchi les portes de Cadène et de Calvière, on s’engage dans un labyrinthe de rues étroites. Puis à chaque pas ce sont des restes d’architecture ancienne, tantôt une porte dont le linteau est orné de sculptures, tantôt une croisée avec ses meneaux finement travaillés. Plus loin on trouve une rangée d’arcades, aujourd’hui bouchées avec de la maçonnerie, et qui faisaient partie d’une galerie servant de promenoir. Il n’est pas rare de retrouver des maisons en torchis dont chaque étage fait saillie avec ses poutrelles ouvragées et qui s’avancent sur la voie publique.

Si on examine l’intérieur de certaines maisons, on est tout surpris de trouver dans une demeure, souvent très modeste, un magnifique escalier en pierres de taille avec sa rampe en fer. Beaucoup de logis renferment encore de vastes salles garnies de hautes boiseries. Certaines habitations sont séparées de la rue par une petite cour complantée d’arbustes ou garnies de beaux arbres baignant leurs pieds dans un mince filet d’eau ; car c’est encore l’un des agréments de la ville d’Alet que d’avoir l’eau courante dans les rues, grâce à la bienfaisante source du Théron. Aussi, quand on parcourt cette ville, qui a su conserver son ancien caractère, qui ne s’est pas encore modernisée, on croirait se trouver dans une antique cité espagnole, tant il y a de noblesse dans ses édifices déchus.

En examinant ces fières demeures qui semblent vouloir conserver leur passé historique, on pense à cette ancienne bourgeoisie d’Alet qui, vivant côte à côte avec un pouvoir ecclésiastique très-puissant, sut toujours défendre et conserver ses privilèges. Reconnaissants des droits et immunités que les Bénédictins leur avaient concédés, les habitants d’Alet soutinrent énergiquement ces religieux, en 1228, dans leur lutte contre la cour de Rome quand l’abbaye avait été mise en interdit.
Plus tard, après l’institution de l’évêché, la bourgeoisie d’Alet sut, au quatorzième siècle, obtenir la confirmation des droits et privilèges considérables que les moines leur avaient concédés. Enfin, à une époque plus récente, quand la division créée par les guerres de religion eut pris fin, la bourgeoisie d’Alet prit une part active aux tentatives que fit le Tiers-Etat pour conquérir sa place dans la direction des affaires du diocèse.

 

Nous bornons là le résultat de nos recherches historiques sur la ville d’Alet. Nous n’avons d’autres ambition que d’exhumer des limbes du passé les origines et les destinées des monuments qui ont un caractère historique, et de conserver le souvenir de ces témoins du passé et de la ville dont ils sont l’ornement.

Aussi, pour remplir autant que possible le programme que nous nous sommes tracé, nous croyons devoir signaler les ruines d’un ancien prieuré qui était situé sur le territoire d’Alet, et qui dépendait directement de l’abbaye et plus tard de l’évêché.

Nous voulons parler de l’église de Sainte-Croix.

 

 

X.

 

 

L’Église de Sainte-Croix.

 

 

A une courte distance en amont d’Alet, près des roches de Cascabel, existait au moyen-âge une église avec un petit prieuré desservi par les bénédictins. Cet édifice religieux s’élevait sur la rive gauche de l’Aude, dans un petit vallon fertile, fermé de tous côtés par de hautes montagnes, et baigné du côté du levant par la rivière. On l’appelait l’Église de Sainte-Croix. Un petit hameau s’élevait à côté de l’église, qui était une chapelle votive rattachée à l’église abbatiale d’Alet. C’était, selon toute probabilité, un lieu de pèlerinage, comme il en existait tant à cette époque, et comme on en voit encore de nos jours, surtout dans le Roussillon. Un pont, dont il reste encore quelques vestiges, reliait cette église champêtre avec le chemin qui, sur la rive droite, se dirigeait vers Alet.

Lorsque, en 1577, les calvinistes, maîtres d’Alet, s’emparèrent des villages qui l’environnaient, ils n’épargnèrent pas Sainte-Croix. Un document authentique, qui figure dans les archives de la commune d’Antugnac, nous apprend qu’après avoir inutilement assiégé l’église d’Antugnac, défendue avec succès par les catholiques de la localité, un parti de religionnaires se dirigea sur Sainte-Croix et détruisit complètement l’église et les habitations qui l’entouraient.

Il ne reste aujourd’hui de cet édifice religieux que quelques débris de maçonnerie épars sur le sol.

Le pont qui reliait Sainte-Croix avec la route fut également détruit, et les piles furent rasées à fleur d’eau. On a utilisé les fondements de ces piles pour construire une passerelle destinée au service du chemin de fer. Le tracé de la ligne passé entre les ruines de l’église et la tête du pont.

A une très-petite distance de cette église on découvrit, il y a cent cinquante ans, plusieurs tombeaux de l’espèce dite tombeaux wisigothiques, composés de dalles grossièrement équarries posées de champ et recouvertes entièrement d’une autre dalle posée à plat. Ces tombeaux, que nous avons pu visiter, ne contenaient aucun objet symbolique, aucun attribut soit religieux, soit profane. Nous n’hésitons pas à croire que ce sont tout autant de sépultures où reposent les restes des religieux bénédictins qui desservaient l’église de Sainte-Croix.

Là, comme sur d’autres points de la contrée, nous avons reconnu que les tombeaux dits wisigothiques, qui étaient une imitation des tombeaux mérovingiens, ont été le mode de sépulture spécial et exclusif adopté pour les religieux de divers ordres dans notre contrée, pendant le moyen-âge et la renaissance.

A part les ruines de Sainte-Croix, les hameaux dépendant du territoire d’Alet n’offrent rien de remarquable au point de vue historique et archéologique. Ces hameaux ou sections de commune sont au nombre de trois. Le plus important, le hameau de Vézara, possède une église et a été érigé en succursale.

Le voyageur qui visite les environs d’Alet se demande ce que signifie ce massif de maçonnerie situé vis-à-vis la pointe de l’île, entre la route et la rivière, et qui a la forme d’une pile d’un pont. Ce pilastre à pans réguliers, avec revêtement en pierres de taille, percé d’une petite fenêtre à sa face nord, est tout ce qui reste d’un édifice très-ancien, qu’on appelait l’ermitage de Saint-Benoît. C’était peut-être la maison des champs des religieux de l’abbaye, ou tout au moins un lieu de paisible retraite pour les prieurs et les officiers du monastère. L’histoire ni la tradition ne nous apprennent rien sur la destination réelle de cet édifice.

 

 

XI.

 

 

Droits et Coutumes d’Alet.

 

 

Alet, comme ville royale et chef-lieu d’un diocèse, avait le droit d’être représentée aux Etats de Languedoc par son premier consul. Le diocèse était, en outre, représenté à cette assemblée provinciale par un député élu à tour de rôle par diverses villes ou bourgs de la région, dont nous aurons l’occasion de parler.

Le diocèse avait aussi son assemblée particulière qu’on appelait l’Assiette du diocèse, et qui tous les ans se réunissait à Alet, sous la présidence de l’évêque ou de son grand-vicaire. Le consul de la ville faisait, de droit, partie de l’Assiette et y figurait immédiatement après les députés nobles.

Alet était le siège d’une cour bannerette, chargée de juger les affaires civiles et criminelles du ressort. Or, ce ressort ne comprenait que la ville et ses dépendances et un petit nombre de paroisses des environs. Ce nombre qui était de neuf fut réduit à six quand Espéraza fut devenu un siège de justice. Néanmoins, la cour d’Alet conserva ses privilèges dont le plus remarquable était le droit pour ses membres de figurer en corps dans les cérémonies publiques, en se faisant précéder d’une bannière armoriée. Cette cour était composée d’un juge-mage, d’un procureur juridirectionnel, d’un greffier, et de deux assesseurs du juge.

L’administration municipale de la ville se composait du viguier ou juge-mage de la cour et de quatre consuls, dont le premier avait le titre de maire. Ces consuls étaient choisis dans les diverses classes de la société. Ils étaient assistés d’un conseil communal composé de douze membres.

Les coutumes et privilèges d’Alet étaient considérables. Les Bénédictins avaient fait aux habitants de grandes faveurs et des concessions de diverses sortes : Droits de voirie, droits d’affouage et de forestage, etc. Une charte de l’un des prieurs ou abbés appelé Bertrand et délivrée après la croisade contre les Albigeois portait confirmation de tous les droits et privilèges concédés par ses prédécesseurs.

A côté de la justice locale et du corps municipal fonctionnaient les agents du roi et l’autorité diocésaine. L’Evêque était en même temps seigneur et comte d’Alet, et, à ce titre, il avait une large part dans l’administration  de la ville et du diocèse. Cette organisation complexe ne pouvait qu’amener assez souvent des froissements et même des conflits ; mais il faut rendre cette justice aux consuls qu’ils ne laissèrent jamais amoindrir les droits et les privilèges de leur bonne ville d’Alet. D’un autre côté, les prélats qui furent placés tour à tour à la tête du diocèse, se montrèrent généralement de bonne composition, et ne cherchèrent pas à abuser de leur pouvoir et de leur influence.

Pendant les premières années de la révolution, la ville d’Alet devint chef-lieu de canton. Ce dédommagement lui était bien dû, comme une faible compensation du rôle imortant qu’elle avait joué jusqu’alors. Mais bientôt Alet perdit ce titre par suite de la suppession de plusieurs justices de paix dans le département.

Les armoiries d’Alet sont :

D’azur, à la croix pâtée, accotée de deux étoiles et posée sur une vergette, le tout d’or ; la vergette brochante sur un vol abaissé d’argent, soutenue d’une foi de même (deux mains étreintes). L’écu accolé de deux palmes de sinople liées d’azur.

L’armorial général de D’Hozier, dressé en vertu de l’édit de 1696 et déposé en manuscrit à la Bibliothèque nationale (Bibliothèque de France), a été publié, en 1878 à Carcassonne, par M. A. C. P., pour la partie du Languedoc qui se rapporte à notre département. Nous y trouvons les nouvelles armes qui, aux termes de cet édit, étaient concédées à la ville d’Alet :

 

“La communauté des habitants du lieu d’Alet”

“ De sable à un sautoir d’or accompagné de quatre losanges d’argent. ”

 

Les consuls d’Alet n’adoptèrent pas, à ce qu’il paraît, ce nouveau blason et tinrent à conserver leurs antiques armoiries.

 

 

 

 

 

 

                                                                                   II.

 

                            BLANCHEFORT

 

 A l’entrée de la vallée pittoresque qui des bords du Réalsés  (Rialsesse) conduit à Rennes-les-Bains, on remarque d’un côté la montagne dite le Cardou qui domine toute la contrée, .....

 

                        Le Pic de Cardou

 

......et en face du Cardou on voit une masse rocheuse de couleur blanchâtre appelée le Roc de Blanchefort. Il y a quelques années à peine on remarquait aux abords de ce rocher des vestiges de maçonnerie que le temps a émiettés et dispersés. C’était tout ce qui restait du château de Blanchefort.

 

                             Le Roc de Blanchefort

 

 Ancienne forteresse wisigothe chargée de garder les approches de la cité de Rhedae, Blanchefort fut inféodé, au onzième siècle, à l’an des grands vassaux des comtes de Rhedez. Le village qui dépendait de ce château était bâti du côté du midi, sur un large plateau légèrement ondulé.

  Les seigneurs de Blanchefort ont leur place marquée dans l’histoire du Rhedesium. Au commencement du douzième siècle, Bernard de Blanchefort se met avec d’autres seigneurs de la contrée en révolte ouverte contre Bernard Aton, vicomte de Rhedez.

  Comme plusieurs autres châtelains les seigneurs de Blanchefort possédaient un château relevant du domaine des vicomtes, mais le village avait été fondé par des moines bénédictains de Saint-Polycarpe, et les terres avoisinantes avaient été mises en culture par ces religieux. L’abbaye d’Alet, qui exerçait les droits de l’abbaye de Saint-Polycarpe, revendiqua la possession de Blanchefort, et une Bulle du Pape Calixte II, datée de 1119, confirma, en faveur de l’abbé d’Alet, la possession de Blanchefort, castrum de Blancafort.

 

                                         Le Roc de Blanchefort vu du village de Coustaussa

 

Bernard de Blanchefort refusa de se soumettre à cette décision et, aidé de plusieurs autres seigneurs, il eut recours à une lutte armée contre l’abbé d’Alet et contre le comte Bernard Aton pour conserver son domaine. Il y réussit, et c’est à cette condition qu’il déposa les armes, en 1124.

Quand l’armée des Croisés envahit le Rhedesium le seigneur de Blanchefort lutta en loyal chevalier sous la bannière du comte Raymond Roger. Après la défaite, il subit le sort de la plupart des châtelains de la contrée. Son château fut détruit, et ses biens confisqués passèrent entre les mains de Pierre de Voisins. La destruction du village date de la même époque.

Une légende du pays attribue à la reine Blanche la fondation du château de Blanchefort. Il suffit pour prouver la futilité de cette tradition de constater que l’antique forteresse était détruite depuis assez longtemps quand cette princesse se rendit aux thermes de Rennes. (Les-Bains-de-Rennes ou de Règne).

Une autre légende aussi fantaisiste nous apprend que les souterrains de ce château renfermaient une partie du fameux trésor des Wisigoths. Pour expliquer l’origine de cette fable nous allons citer un passage des Mémoires de l’histoire du Languedoc par Catel, conseiller au parlement de Toulouse.

 

 

 

 

                                                           III.

 

                                      LE BEZU

 

                                                                                   Albedunum

 

Roc où se trouve le château de Bezu

 

Le château du Bezu dont on peut encore admirer les ruines majestueuses était comme Blanchefort une forteresse wisigothe. Il défendait le chemin stratégique qui allait de Rhedae en Espagne. Rhedae au couchant et le Bezu au levant gardaient la vaste plaine de Lauzet qui a dû être le terrain de bien des luttes.

Le château du Bezu qui s’appelait au moyen-âge tantôt Albefuvum et tantôt Albudunum est désigné par Dom Vaissette sous le terme de Albedum.

Le Bezu fut inféodé par l’un des comtes de Rhedez à un seigneur dont nous ne connaissons pas le nom. C’était un simple chevalier à qui son suzerain donna la forteresse. Il a prit le nom et s’appela : Dominus de Albedunum. Nous voyons figurer les châtelains du Bezu dans plusieurs actes et l’un d’eux fit partie des nobles qui se révoltèrent contre Bernard Aton.

Dom Vaissette rapporte, mais sans entrer dans aucun détail, que le château appelé Albedum fut assiégé par l’une des armées de Simon de Montfort qui parvint à s’en emparer et le détruisit complètement. Les ruines de ce château féodal, qui ne fut jamais reconstruit, sont très-intéressante à visiter.

 Le village du Bezu et sa petite église, abritée derrière un pli de terrain à une petite distance des ruines du château, sont placés dans une situation des plus pittoresques.

 A une petite distance des ruines de la forteresse du Bezu on remarque, du côté du levant et le long de l’ancienne voie romaine, un manoir du quinzième siècle ayant appartenu au seigneur de Rennes. Ce manoir, appelé le château des Tipliés, fut détruit en partie par les Calvinistes en 1573. On n’y trouve que quelques pans de murs et des restes de deux tourelles.

 

 

 

                                                                                           IV.

 

                                                                               Armes du village de Bugarach (Aude)

 

                                     BUGARACH 

 

   Il n'est de secret, que le temps et la terre, ne révèle et ne restitue un jour.

 

 

                             Le Pic de Bugarach et son village

 

                                                                                 Le PIC de BUGARACH

         

                                                                                      BUGARACH

       

                                                                                          Bugaraggium

 

 

La fondation de Bugarach remonte à une haute antiquité. Tout nous porte à croire que, comme le hameau de Parahou qui l’avoisine, Bugarach fut un oppidum gallo-celtique établi au pied du fameux pic qui, avant la conquête romaine servait de limite entre la Gaule Narbonnaise et le pays des Sardons devenu plus tard le Roussillon. Il est fait mention pour la première fois du lieu de Bugarach dans le cartulaire de l’abbaye de Saint-Polycarpe, vers la fin du neuvième siècle. On lit en effet dans une charte du roi de France Eudes ou Odon, datée du mois de juin de l’an 889 que nous avons déjà citée, que ce prince, confirmant en faveur des abbés de Saint-Polycarpe les donations faites par les rois ses prédécesseurs, leur garantit la possession de divers villages parmi lesquels figure Bugarach : “ Et in Burgaragio terras cultas et incultas sicut in corum continentur cartulis. “ (Les terres cultes et incultes de ce village telles qu’elles figurent dans leurs titres.)

 Bugarach était donc un ancien oppidum remontant à une époque antérieure à la conquête romaine, et qui, à travers les diverses phases de la des tinée du Rhedesium, était devenu une dépendance du domaine ecclésiastique.

 Lorsque pendant le moyen-âge tant d’autres villages devenaient des fiefs au profit des seigneurs feudataires des comtes de Rhedez, Bugarach demeura attaché à l’abbaye d’Alet qui avait absorbé celle de Saint-Polycarpe, et grâce à cette situation exceptionnelle les habitants de cette commune conservèrent les droits et privilèges que leur avaient concédés les prieurs de l’abbaye, privilèges qu’ils eurent le soin de revendiquer toutes les fois qu’ils furent menacés de les perdre.

 Après la guerre des Albigeois Bugarach fut confisqué, comme tant d’autres villages, au profit du vainqueur, et figura dans l’assignat de Pierre de Voisins. Il échut à Perrot de Voisins dans le partage des biens de son père. A peine furent-ils placés sous la mouvance de leur nouveau seigneur que les habitants de Bugarach revendiquèrent les droits et privilèges que leur avaient concédés depuis plusieurs siècles les moines de Saint-Plycarpe. Perrot de Voisins résista comme avait résisté son frère Janot vis-à-vis des tenanciers d’Arques. Mais une rébellion éclata à Bugarach, et Perrot de Voisins dut faire droit à la requête de ses vassaux, ainsi que le constate la transaction passée à Caderone en 1307. Il paraît que cette transaction ne fut pas fidèlement exécutée par les héritiers de Perrot de Voisins ; car à diverses reprises les habitants de Bugarach se mirent en état d’hostilité ouverte contre leur seigneur.

 Le conflit qui existait entre le seigneur de Bugarach et ses vassaux était tellement grace que ceux-ci obtinrent des privilèges de la plus grande importance. Ils avaient le droit de chasser le lapin et de pêcher dans la rivière appelée la Blanque.

 Enfin chaque tenancier taillable de la commune avait le droit de vote pour l’élection des consuls et ce vote comptait pour autant de suffrages qu’il y avait d’individus mâles et valides dans son groupe de famille pourvu qu’ils eussent atteint l’âge de seize ans. On remarque à Bugarach les ruines d’un château féodal sur un plateau que couronne le village. Ces ruines se composent des restes de leurs deux tours rondes reliées par des fragments de maçonnerie. La construction de ce château remonte au XVI ème siècle, comme celle du château des Tipliés (ruines d’un château des Templiers, situé entre le Bézu et Bugarach à vol d’oiseau). Vers 1350, à la suite d’un partage de famille entre les petits-fils de Perrot de Voisins, Bugarach devint le centre d’une seigneurie séparée qui comprenait, outre cette localité, quelques villages et domaines voisins. Le nouveau seigneur dut se créer alors une résidence et fit construire le manoir de Bugarach.

 D’après le recensement fait à cette époque pour la levée des subsides, le revenu de ce seigneur était de cinq cents livres tournois. Deux siècles plus tard, en 1529. quand fut dressé le rôle du ban et de l’arrière-ban de la noblesse qui fut convoquée à la montre ou revue passée à Caunes en Minervois, le seigneur de Bugarach, Sougraine et Coustaussa figura pour un hommes d’armes.

 Le château de Bugarach n’eut pas une longue durée. Pendant la seconde moitié du XVI ème siècle, les guerres de religion amenèrent de grands désastres dans les Corbières. Après s’être emparés de la ville d’Alet, en 1573, les Calvinistes pénétrèrent dans les Corbières et s’emparèrent de plusieurs châteaux et villages et notamment du château de Bugarach qu’ils ne purent conserver. Quelques années après, en 1586, les religionnaires qui avaient dû abandonner le château de Couiza envahirent de nouveau les Corbières ayant à leur tête le duc de Montmorency. Ils se présentèrent en force devant le château de Bugarach qui était en bon état de défense, mais qui tomba en leur pouvoir après un siège meurtrier.

 Le château de Bugarach ne fut pas reconstruit. Quelques fragments de ses tours et de ses murailles sont demeurées debout comme pour rappeler le souvenir attristant des haines religieuses.

 A partir du XVII ème siècle, Bugarach dépendit de la seigneurie de Saint-Just et ne posséda plus de manoir seigneurial.

 Bugarach fut érigé en chef-lieu de canton dès les premières années de la Révolution, mais il perdit ce titre peu de temps après.

 D’après le livre de M. A. C. P., extrait de l’armorial de D’Hozier, le blason de Bugarach porte : “ D’or tranché d’Azur. “

 

 Ecusson du village de BUGARACH : Or tranché d'Azur

 

 ARSONVAL : Or tranché d'Azur, à la comète à huit rais de l'un en l'autre, à la croisette de gueule

 Ecusson de Jean VIII d'Arsonval, évêque de Chalon-sur-Saône et Confesseur, Educateur et Maître d'école du Dauphin Louis, Duc de Guyenne fils de Charles VI , roi de France. 

 

 

 

                                                V

 

                                        Armes du village de Rennes-les-Bains (Aude)

 

                          RENNES-LES-BAINS

 

                                                                   STATION THERMALE

 

 

On a beaucoup écrit sur Rennes-les-Bains, et l’un des derniers venus parmi les écrivains qui se sont occupés de cette station thermale est M. le docteur J. Gourdon qui, dans son livre intitulé : Stations thermales de l’Aude, nous a laissé une étude assez complète sur ce sujet intéressant.

            Les fontaines enfermées dans l’enceinte du Cromleck de Rennes-les-Bains sont fort nombreuses : trois sont thermales à des degrés divers de température. La source dite du Bain-Fort, possède une température de +51 degrés centigrades, tandis que les deux autres, dites de la Reine et du Bain-Doux, atteignent +41 et +40 degrés centigrades.

            Il est facile d’apprécier la profondeur extême du siphon amenant à la surface du sol cette eau minéralisée et élevée à ces degrés de chaleur. On sait généralement que la température varie d’une manière fort sensible dans l’intérieur de la terre, suivant les différentes profondeurs auxquelles on peut atteindre.  En prenant pour point de départ les caves de l’Observatoire de Paris, qui sont à vingt-huit mètres au-dessous du sol, et où le thermomètre marque constamment +11 degrés centigrades, on trouve en moyenne un degré de plus de chaleur pour chaque trente mètres de profondeur, en pénétrant plus avant dans l’intérieur de la terre. L’eau du Bain-Fort marquant +51 degrés centigrades, qui se réduisent à 40, puisqu’il faut retrancher les onze degrés constants marqués par le thermomètre à vingt-huit mètres au-dessous du sol, dans les caves de l’Observatoire de Paris, le point de profondeur extême du siphon serait à peu près à douze cent trente mètres, abstraction faite cependant de toute déperdition de chaleur produite par des causes secondaires et accidentelles. Quant aux sources de la Reine et du ain-Doux, leur degré de température accuserait neuf cent trente et neuf cents mètres de profondeur.

            Ces eaux thermales ont pour principes minéralisateurs l’oxyde de fer, des carbonnates de chaux, de magnésie ; des chlorures de soude, de magnésie, et des sulfates de soude, de magnésie, de chaux et de fer.

            En dévoilant les principes minéralisateurs des eaux thermales ferrugineuses de Rennes, nous sommes à nous demander, quels en sont leurs effets pour notre usage. C’est donc au moyen de réactifs, qu’il fallut les séparer, les disjoindre, les obliger à prendre des combinaisons qui soient connues et qu’on puisse aisément distinguer. Avant leur séparation forcée, quelle était la combinaison réelle des acides et des bases dans ces eaux minérales, quel principe secret leur donnait l’efficacité remarquée en elles? Il nous paraît impossible qu’on le définisse avec certitude. On peut seulement formuler des conjectures et des suppositions que les effets viendront souvent contredire. L’observation des résultats acquis par l’usage des eaux est un guide plus sûr et plus fidèle, auquel on doit se fier avec quelque assurance. C’est aussi par les résultats obtenus dans la guérison des rhumatismes, que les eaux thermales de Rennes-les-Bains attirent chaque année tant de malades. Sans doute bien d’autres infirmités humaines peuvent disparaître sous l’influence de ces eaux salutaires ; mais en général, on y voit accourir des rhumatisants à tous les degrés et sous toutes les formes affectées par les rhumatismes musculaire et articulaire.

            Cette qualité, cette propriété des eaux thermales et minérales enfermées dans le cromleck de Rennes-les-Bains, était-elle connue dans l’antiquité? Quelle pouvait être la source fréquentée dans ce temps? Le terme escatados, appliqué au terrain compris entre le Bain-Doux et le Bain-fort ne nous apprend rien de certain ; car ce mot signifie seulement eaux chaudes. L’appellation de la Reine, distinguant la source thermale située entre le Bain-Fort et le Bain-Doux, pourrait bien faire supposer que c’était la source la plus estimée, la vraie fontaine des Redones (tribu gauloise) – Rennes ou Reine - , sans nous dire la vertu curative de ces eaux, d’après la pensée des gaulois de la région. Cependant, on admettra difficilement que les effets obtenus par l’immersion dans l’eau thermale et minérale, aient échappé à leur perspicacité. Les douleurs rhumatismales ne devaient pas être rares parmi les vieux guerriers celtes, à cause de leurs fatigues continuelles, à cause aussi de leurs blessures multipliées ; ils ne se retiraient guère du combat sans porter les traces de la résistance opposée par l’ennemi. Est-il croyable que, possédant un remède si efficace, si propre à leur donner une vigueur nouvelle par l’apaisement de la souffrance, ils l’aient négligé ou méprisé?

            Il est déplorable que les noms celtiques des sources minérales, chaudes et froides, ne soient pas arrivés jusqu’à nous par la tradition. Un seul a été conservé, et il s’applique à une des sources ferrugineuses froides du cromleck. Cette fontaine, placée sur la rive droite de la Blanque, se trouve à la distance d’un kilomètre à peu près au sud de la station thermale. On la désigne depuis une centaine d’années sous le nom de la Madeleine ; mais son nom celtique reproduit dans le cadastre, est celui de fontaine de la Gode. L’eau de cette source, émergeant avec abondance de la faille inférieure d’une grande roche de grès, est très ferrugineuse, et d’un goût atramentaire fortement prononcé.

 

Source de La Magdeleine ou de la Gode

 

            A quelques mètres de cette fontaine, sur le même plan, coule une seconde source, peu abondante et saturée d’un sel de fer qui est le sulfate de peroxyde de fer. On retrouve ce sel chimique déposé sur le sol, desséché par évaporation sous l’action de l’air et produit par l’eau suintant le long des roches de grès sous lesquelles cette fontaine prend naissance. Ces roches de grès contiennent abondamment des parcelles de sulfure de fer. Il est facile de voir le travail de décomposition du sulfure de fer, dans une large roche dont la base plonge dans l’eau de la Blanque, et située sur le côté droir de la fontaine. A certains points, la roche se sépare aisément par écailles, et on aperçoit le sulfure de fer changé en sulfate de fer d’une belle couleur verte ; sur d’autres points, on voit encore le sulfate de peroxyde de fer tout formé, présentant l’aspect d’un sel blanc grossièrement cristallisé.

            Ces deux sources ferrugineuses froides ont reçu des Celtes le nom de Gode. Lorsqu’on donne à une eau minéralisée par le fer, un nom pareil, c’est que les propriétés en sont parfaitement connues, et que l’on sait à n’en pas douter, dans quels cas précis de maladie, on doit faire usage de cette eau pour aiguillonner, exiter, animer l’économie tout entière.

 

Source du Cercle

 

            On ne peut assez regretter que les noms des sources du Pont, et du Cercle et des eaux chaudes, soient complètement perdus : ils nous auraient sûrement renseignés sur le degré de sciences médicale des Druides, en ce qui concerne l’action thérapeutique des eaux minérales dont ils faisaient usage. Les eaux des deux fontaines de la Madeleine ou de la Gode n’ont point encore été analysées ? Elles doivent se rapprocher beaucoup de la nature de celles du Cercle et du Pont.

            A l’occasion des fontaines du cromleck de Rennes-les-Bains, nous voudrions donner, dans un ordre d’idées bien différent, un exemple frappant de l’avantage précieux que nous offrent les noms celtiques des fontaines, pour découvrir bien des faits perdus par la tradition et cachés dans l’obsurité des histoires locales.

 

 

 Les bains de Rennes, où sont exploitées cinq sources minérales, dont trois thermales et deux froides, étaient jadis connus sous le nom de Bains de Montferrand. Là s’élevait probablement autrefois la cité de Redda ou Redae ( non pas à Montferrand, mais à Rennes-le-Château, à quelques kilomètres de là ), qui a donné son nom à la région environnante, le Reddesium ou Razès. A l’époque qui nous occupe, un groupement qui dut même avoir une certaine importance. Les menus objets, indices certains d’une occupation gallo-romaine : monnaies, fragments de tuiles et d’amphores, débris de poteries diverses, etc ., y ont été recueillis en grand nombre, ainsi que divers objets en métal, des statuettes et deux roues de char, en bronze, à cinq rais, conservées actuellement au musée de Toulouse.

 Outre les débris d’une maison romaine, écrasée par l’éboulement d’une masse rocheuse détachée de la montagne, et qui furent découverts en 1841, on a reconnu, sur plusieurs points du village actuel, des substructions et des débris de mosaïques, appartenant à des édifices divers, ayant dû faire partie d’une ville assez étendue. L’inscription suivante, gravée sur un autel en marbre :

 

                                                                              C. POMPEIVS

                                                                                 QUARTVS

                                                                                     I. A. M.

                                                                                       SVO

 

....n’était peut-être pas sans rapport avec les thermes, car “ elle avait été tirée des anciens bastiments qui étaient autour de la fontaine des bains de Regnes “.

L’édifice thermal a disparu complètement, à la suite de travaux divers de canalisation, d’adduction et de nivellement, mais des textes anciens permettent d’en avoir une certaine idée. ( La majeure partie des débris provenant de Rennes-les-Bains a été déposée aux musée de Carcassonne et de Narbonne. Divers fragments de constructions anciennes : vasques, chapîteaux, fûts de colonnes, etc..., avaient été groupés auprès de la fontaine voisine de Rennes-les-Bains, dite la Source du Cercle. Que sont-ils devenus ?... on ne le sait. ). 

 

                                 

 

 

Il s’élevait sur l’emplacement de l’établissement actuel appelé le Bain de la Reine, et l’on en découvre encore quelques rares vestiges dans les substructions des bâtiments, lorsqu’il est nécessaire de creuser un peu profondément. Le curé Delmas, dans un mémoire manuscrit écrit en 1709, disait avoir vu à cet endroit les vestiges d’un édifice ressemblent aux thermes dont on retrouve les vestiges à Rome. Un autre mémoire de M. Sage, lu en 1746 à l’Académie des Sciences de Toulouse, donnait quelques détails plus précis : “ On distingue encore à la source de la Reine les marques des petites chambres qui formaient sans doute des appartements. On y a trouvé desrestes de canaux de plomb. On y découvre encore, de temps en temps, des petites pièces de marbre blanc et noir, qu’on y a infailliblement transportées, car il n’y en a point dans le pays... On y découvre d’autres espèces de pierres rondes de huit pouces de circonférence, qui se partagent aisément en quatre portions égales, et que l’on croirait destinées à faire des compartiments. On y remarque des coquillages de plusieurs espèces, incrustés sur des murs, à peu près comme nous faisons dans nos jardins pour la construction des grottes. “

 En 1799, on découvrit, sous une voûte en pierre écroulée, un bassin pavé de marbre blanc et revêtu sur son pourtour de lames de schiste noir dur et poli. Un autre bassin, bâti en ciment et fondé sur le roc, existait encore à la même époque, et, tout auprès, on apercevait les restes d’un conduit qui servait à élever les eaux et à les porter dans le bassin.

 

                                   

 

Le docteur Gourdon a signalé l’existence, dans le lit de la rivière, près de la source du Pont, comme celui que l’on trouve vers la Source de La Gode (Source de la Magdeleine), d’une série de trous creusés dans le roc et régulièrement alignés sur deux rangs distants d’environ deux mètres. Ces trous ont-ils servi à fixer les pilotis d’un double barrage, pouvant-être d’une utilité quelconque au point de vue d’un approvisionnement en eau douce? On ne le sait, car on n’a, paraît-il, aucun indice sur l’âge et l’origine de ce travail.

 

Un seul point est demeuré  obscur pour M. le docteur Gourdon comme aussi pour les historiens ou commentateurs qui l’ont précédé. Nous voulons parler du nom primitif de Rennes-les-Bains, et c’est vers ce sujet que nous avons cru devoir porter nos investigations. Cet écrivain, d’accord sur ce point avec d’autres auteurs, constate qu’il n’existe jusqu’à présent aucune indication précise à cet égard. Néanmoins, il admet, non sans quelque hésitation, que cette localité est l’antique Redda ou plutôt la primitive Redda, dont le nom fut attribué plus tard, dit-il, à l’oppidum construit sur la montagne voisine (Rennes-le-Château).

Aucune charte, aucun diplôme n’applique ce nom de Redda aux thermes de Rennes, pas plus qu’au village de Rennes-les-Bains. Cette localité est désignée dans les titres seigneuriaux tantôt sous le nom de Villaria de Balneis, tantôt sous celui de Bains de Montferran, du nom du village de Monferrand qui est contigu. Mais ces désignations sont d’origine relativement récente puisqu’elles étaient employées au XI èmes et au XII èmes siècle. Ce n’est qu’au XVI ème siècle que les thermes de Rennes qui ne formaient pas encore un village, mais un simple hameau dépendant de la communauté de Montferrand, subirent un changement. La châtellenie de Rhedae ou de Rhedez fut morcelée et partagée entre les descendants de Perrot de Voisins (Pierre). L’un d’eux, représentant la branche aînée, eut  dans son lot une seigneurie composée des villages de Rhedae, le Bezu, Saint-Just, Monferrand et les Bains (de Regnes). C’est à cette époque que les thermes dont nous esquissons la monographie reprirent leur nom primitif, le nom qu’ils portaient à l’époque gallo-romaine, et ce nom, qui s’est conservé jusqu’à nos jours, est celui de Rennes qu’on écrivait Règnes ou Reynes (en patois Reynés). Voici sur quoi repose notre opinion. Les sources thermales dans ces temps reculés étaient toutes désignées par un nom composé dans lequel figurait comme premières lettres ou comme terminaison le monosyllabe ès, qui en langue celtique et plus tard en langue wisigothique signifiait eaux. Ainsi nous pouvons citer Caldiès ou Caudiès, Thuès, Reunès, Espyra dans les Pyrénées-Orientales, Escouloubre dans l’Aude, qui étaient autant de sources thermales. Les sources de Rennes reçurent donc, dans ces temps primitifs, comme la source similaire située au pied des Albères dans le Roussillon, le nom de Reynès qui signifiait eaux royales, comme Réalsès ruisseau ou source royale. Il nous reste maintenant à expliquer comment le nom primitif de Rennes ou, d’après nous, Reynès, a été rétabli à une époque relativement récente et a été conservé depuis lors.

Dans le dénombrement des seigneurs qui figurèrent le 25 mai 1529 à la revue passée à Caunes en Minervois par le connétable Anne de Montmorency, se trouvait Gaufred ou Godefroi d’Hautpoul, baron de Rennes, qui est ainsi qualifié : “ Le seigneur de Reynes et le Besum, un homme d’armes et deux archers. “ Le nom de Rennes était créé ou plutôt retiré d’un long oubli.

Tous les écrivains qui se sont occupés de recherches sur les thermes de Rennes s’accordent à signaler les résultats de nombreuses découvertes faites sur deux points de cette commune. D’après un mémoire lu en 1746 à l’Académie des Sciences de Toulouse, on avait déjà constaté depuis plusieurs années l’existence aux abords de la source de la Reine des restes d’une piscine en marbre. (celle d’aujourd’hui a été construite un peu près au même emplacement, tout en conservant l’ancienne – voir Stations thermales de Rennes-les-Bains) .

 

        Piscine à côté des Bains de la Reine

 

 

D’un autre côté, on a découvert, à diverses reprises, dans la petite plaine qui s’étend entre le village et le hameau du cercle des débris de sculpture et des matériaux d’architecture qui pourraient bien être des restes d’un temple. On a recueilli sur le même point deux statuettes, des vases, des lampes en terre cuite, comme aussi beaucoup de médailles de types variés avec les éffigies de divers empereurs. De l’ensemble de ces découvertes on a conclu que les thermes de Rennes avaient acquis une certaine importance sous la domination romaine ; mais nous pensons qu’on a été trop exclusif, et qu’il convenait de faire part aux Wisigoths dans la possession et l’usage de ces divers objets de collection. Le voisinage de la cité de Rhedae nous prouve que les familles marquantes de cette nation devaient fréquenter les thermes de Rennes. D’un autre côté, on a retrouvé dans les ruines des châteaux d’Arques et du Bezu des objets pareils à ceux que les fouilles faites à Rennes ont mis à jour. Enfin, personnes n’ignore que les Wisigoths possédaient en quantité des médailles romaines d’or et de bronze.

 

        Le Château d'Arques (Aude)

 

Mais avant les Wisigoths et avant les Romains les souces chaudes de Rennes existaient, et les Gaulois Atacins ont dû connaître et fréquenter ce territoire, après lui avoir donné un nom, le nom de Reynès. Nous en trouvons la preuve dans un travail de recherches auquel nous nous sommes livré dans ces derniers temps.

Il existe sur la rive gauche de la rivière au-dessus de la source de la Reine un amas de cendres mêlées de détritus de diverse nature que l’on avait cru jusqu’à présent être un amas de décombres provenant de la démolition d’une maison romaine écrasée par la chute d’un énorme rocher. Mais nous avons constaté que nous nous trouvions en présence d’un tumulus remontant au temps des Gaulois. Voici en quoi consiste ce tumulus de l’espèce appelée motte ou éminence. Des travaux de tranchée opérés en face de l’Hôtel de la Reine sur le flanc de la montagne ont mis à jour, presqu’au niveau de la route, une couche de cendres pétries de charbons, d’ossements de poulets et de lapins, d’arêtes de poisson, et d’écailles d’huîtres de l’Océan. Parmi ces débris de substances alimentaires figuraient quelques briques à crochet et quelques fragments de poterie. Cette couche cendreuse a quatre mètres environ de largeur sur une épaisseur uniforme de quarante ou cinquante centimètres. Elle forme une tranche horizontale tassée entre deux couches de terre végétale. La croûte supérieure de cette terre a une épaisseur de près de deux mètres et est couverte d’un bois en taillis de chênes.

 

                         

 

 

Parmi les trois sources thermales de Rennes, la plus célèbre au point de vue historique, la seule dont nous avons à nous occuper, est celle que l’on appelle le Bain de la Reine. Une vieille chronique, passée à l’état de légende, nous apprend que ce nom lui fut donné par une reine du nom de Blanche. Nous devons constater que, d’après les recherches auxquelles nous nous sommes livré, nous avons acquis la certitude que la légende est ici de l’histoire. La princesse de sang royal qui a donné son nom à la source de la Reine, est Blanche de Bourgogne devenue reine de Castille par son mariage avec Pierre-le-Cruel. La reine Blanche ayant fait un long séjour dans le château de Pierre-Pertuse, son histoire se lie plus intimement avec celle de ce château qu’avec celle de Rennes ; et c’est dans notre monographie de Pierre-Pertuse que nos lecteurs trouveront une notice sur cette malheureuse princesse et le récit de sa station à Rennes-les-Bains.

 

                   Le château Cathare de Pierre-Pertuze (Aude)

 

A part sa fréquentation au temps des Romains, dans des conditions qui nous sont presque inconnues, le village de Rennes-les-Bains n’a pas d’histoire. Ce n’est guère que depuis un peu plus d’un siècle que cette station balnéaire, trop peu connue jusqu’alors, a acquis une importance qui va grandissant de jour en jour et qui est amplement justifiée.

On remarque sur le territoire de Rennes-les-Bains les hameaux de Montferrand et de Lavaldieu, auxquels se rattachent quelques souvenirs historiques.

A proximité de Rennes est le village de Sougraigne, l’antique Sogravia, qui appartenait aux moines de Saint-Polycarpe. La Salz (Sals), ou rivière salée, prend sa source au-dessus de Sougraigne.

Armoiries de Rennes-les-Bains, d’après d’Hozier : “ De gueules, à une croix alésée d’or. “

 

            RETOUR 

 

            SUITE 



"> Rhedae (Rennes-le-Château) Suite 3
Votre message -->

Classement
par date
croissante.
décroissante.
Vous
inaugurez
ce forum,
félicitations.
Pseudo Le 28-3-2024. Titre

 

Total des visiteurs  :    284025   dont aujourd'hui :   72    En ligne actuellement :  1      Total des clics   442895