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Rhedae (Rennes-le-Château)

Rhedae (Rennes-le-Château) Suite 1

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Rhedae (Couiza)

Rhedae (Couiza) Suite

Rhedae (Montazels)

Rhedae (Espéraza, Caderone)

Nostradamus

Bérenger Saunière 1

Henri Boudet (Curé de Rennes-les-Bains 1872-1914)

Rennes-le-Château (Texte de 1905)

Rennes-les-Bains aux XVIIIe siècle

 
Clics 3432

 

Page 2

 

(Suite 1)

 

L'entrée Est du village de Rennes-le-Château

 

 

RHEDÆ

(Rennes-le-Château)

 

 

 

 

VI

 

            Aprè avoir esquissé le tableau qu’offrait, au VII ème siècle, la ville de Rhedae avec sa citadelle et son castellum ou forteresse, il nous reste à examiner quel fut le rôle de la capitale du Rhedesium pendant l’époque wisigothique.

            Le pouvoir des rois wisigoths, déjà bien affaibli par leur lutte contre Clovis, reçut le dernier coup quand le vainqueur de Tolbiac se fut rendu maître de Toulouse en 508. Son fils Childebert continua la guerre, mais il ne put refouler entièrement les vaincus au-delà des Pyrénées. Il ne put même tenter d’attaquer Carcassonne qui avait résisté à Clovis. Néanmoins les armées du roi frank cernaient les Wisigoths qui auraient fini par être complètement chassés de la Gaule, si après la mort d’Alaric II tué dans la fameuse bataille qui porte son nom, son fils Amalric n’avait été efficassement secouru par son grand-père, Théodoric, roi des Ostrogoths. Le mariage du jeune Amalric avec la princesse Clotilde, fille de Clovis, mit fin à cette longue guerre. De leur ancien royaume dans la Gaule narbonnaise, les Wisigoths ne conservèrent que la  province de Septimanie, et encore cette province fut-elle circonscrite dans d’étroites limites.

            C’est à cette époque (510) que la ville de Rhedae commença à jouer un rôle important. Les Franks avaient enlevé aux Wisigoths les cités de Toulouse et d’Uzès. Toulouse était la métropole de la province de Gothie en même temps que la capitale du royaume. Le fils d’Alaric II, après avoir transféré a Tolède le siège de la capitale, choisit Narbonne comme cité métropolitaine. Puis, comme il voulait que la province de Septimanie conservât sept cités diocésaines, il érigea deux nouvelles cités pour remplacer Narbonne et Uzès. Il choisit Elne et Rhedae ; mais, suivant un usage emprunté aux Romains, les noms des deux nouvelles cités furent changés dans l’édit d’investiture. Tandis que la ville d’Elne appelée jusqu’alors Helena prenait le nom de Civitas Elnensis, Rhedae fut appelée Civitas Attacensis, la cité du fleuve Atax ou du pays d’Atax.

            Les historiens n’ont eu qu’une vague intuition de ce changement de désignation, et, ne pouvant se mettre d’accord sur la signification du mot Civitas Attacensis, ils ont laissé le problème sans solution. Tel est l’avis de Catel et de Besse qui, discutant un passage de Scaliger, écartent tour à tour les diverses interprétations admises par leurs prédecesseurs. Ils reconnaissent qu’il ne peut-être question de Carcassonne qui était depuis longtemps cité de premier ordre, ni de Limoux qui n’était encore qu’un petit village, ni d’Alet qui était loin d’avoir une pareille ambition, mais ils s’abstiennent de conclure. Ils n’ont pas songé à Rhedae qui était de création récente ; et pourtant c’est bien la ville de Rhedae qui dans cet édit porte le nom de Civitas Attacensis. Nous appuyons cette assertion de diverses preuves.

            En premier lieu, Rhedae était le chef-lieu d’une vaste contrée qui portait son nom Pays de Rhédez. En outre, la cité de Rhedae devint à cette époque cité diocésaine, car le Pays de Rhédez fut désigné comme diocèse, terme emprunté à l’organisation administrative des Romains qui appelaient ainsi une section de province ayant un gouvernement particulier.

            Quand  le roi Reccared, après avoir abjuré l’arianisme, organisa les évêchés de la Septimanie, il fut question de placer un évêque à rhedae, mais le prélat qui occupait le siège de Carcassonne s’y opposa et obtint d’être maintenu comme évêque du Carcassez et du Rhédez. Seulement, on créa à Rhedae un archidiaconé qui était régi par un chanoine de Carcassonne.

            Néanmoins, cette idée de la création d’un évêché distinct à Rhedae se produisit plus tard. Dans le concile qui fut tenu à Narbonne en 788, l’évêque d’Elne, Wenedurius, prétendit que la ville de Rhedae étant cité diocésaine et chef-lieu d’un comté devait avoir son évêque particulier, au lieu d’être une dépendance de l’évêché de Carcassonne. Cette demande ne fut pas admise ; mais en vertu d’une décision de ce concile, le diocèse de Rhedae fut distrait de celui de Carcassonne et uni pour le spirituel à l’archevêché de Narbonnes à cause de la dignité du primat de la Gaule.

            L’évêque de Carcassonne avait été, du reste, bien inspiré quand sous le roi Reccared il avait insisté pour que le diocèse de Redae demeurât uni à celui de Carcassonne. En effet, sous le règne du roi Wamba, en 680, le siège épiscopal de Carcassonne fut occupé par un évêque arien soutenu par ce roi, et le prélat orthodoxe établit sa résidence à Rhedae d’où il administrait ses deux diocèses.

 

 

VII

 

            Nous venons de voir la situation de Rhedae au point de vue religieux sous les rois wisigoths. Il nous reste à axaminer sous quel régime administratif cette ville et son territoire se trouvèrent placés pendant la même période.

            Durant les premiers temps qui suivirent la fondation de cette cité guerrière, elle fut placée sous l’autorité du comte ou consul qui était à la tête du diocèse de Carcassonne et administrée par un vice-consul qui portait le titre de Vicarius, d’où vint plus tard le terme de Viguier.

            Quand cette ville eut été érigée au rang de cité par le roi Amalric, le pays de Rhedae prit le titre de comté et eut pour gouverneur militaire et civil un comte ou consul.

            Cette institution fut confirmée vers la fin du VIII ème siècle par le roi Wamba quand il réorganisa les diocèse de la Septimanie, et qu’il en fixa les délimitations. Le comté ou diocèse de Rhedae confrontait alors du côté du midi au diocèse d’Urgel, au levant il touchait aux diocèses d’Elne et de Narbonne et au nord au comté de Carcassonne. Du côté du couchant, il était pays frontière, car il longeait, sur les rives de l’Atax, le royaume des Franks.

            Il convient d’interpréter cette question de frontière entre les deux royaumes d’une façon plus large que ne l’ont fait quelques historiens. Ce n’était pas strictement le cours de l’Atax qui formait la séparation entre le territoire des Francks et celui des Wisigoths. M. Cros-Mayrevieille, dans son histoire du Comté de Carcassonne, nous apprend, en effet, que les limites qui séparaient le Carcassez de l’Aquitaine au nord et à l’ouest s’arrêtaient aux forts de Cabardès et de Montréal qui appartenaient aux Wisigoths. Nous avons tout lieu de croire que les châteaux wisigothiques d’Alayrac, Rouffiac et Cépie formaient aussi l’extrême frontière sur la rive gauche de l’Aude dans le comté de Carcassonne.

            Quant au comté de Rhedae, il était défendu sur la même rive du fleuve par les tours ou châteaux de Cornanel, Roquetaillade, Antugnac et Brenac que les rois wisigoths avaient construits pour se garder contre leurs redoutables voisins. A partir de la vallée de Brenac qui relie les bords de l’Aude avec le Pays-de-Sault, la frontière du territoire des Wisigoths se dirigeait vers l’ouest, franchissait les plateaux de Nébias et de Puivert, puis se dirigeant vers Belesta alait rejoindre en Espagne le royaume des Goths. Le Pays-de-Sault, le Donazan et le Capcir se trouvaient donc enclavés en entier dans le comté de Rhedae.

            Telle était la situation du diocèse de Rhedae quand l’invasion des Sarrasins vint mettre fin au règne des rois wisigoths dans la Septimanie, et changer les destinées de la cité de Rhedae.

 

 

VIII

 

            Nous passerons rapidement sur les destinées de Rhedae pendant la domination des Sarrasins. Tout fait présumer que la cité wisigothe fut condidérée par les nouveaux conquérants comme une place forte utile à conserver ; car elle gardait les marches des Pyrénées. C’était un point stratégique trop bien situé pour le détruire et l’abandonner, puisqu’il assurait les communications avec une longue ligne de frontières. Ce qui contribue à faire admettre cette opinion, c’est que les Sarrasins avaient construit au col de Saint-Louis, c’est-à-dire à une courte distance de Rhedae, une puissante forteresse dont on voit encore quelques ruines, portant le nom de Château des Maures, et qui gardait la voie militaire se dirigeant de la vallée de l’Aude dans le Roussillon. Du reste, l’historien Marca affirme que, pendant l’occupation sarrazine, les archevêques de Narbonnes, chassés de leur siège métropolitain, se réfugièrent dans la cité de Rhedae. Enfin, la tradition nous vient en aide pour établir que la cité dont nous nous occupons conserva, à cette époque, toute son importance ; car elle nous apprend que les Sarrasins fondèrent dans ses environs quelque villariae, et entre autres un centre de population aujourd’hui réduit à un modeste hameau peu distant de Rennes-le-Château, et qui s’appelle la Maurine.

            A travers ces guerres permanentes, qui, pendant le VII ème siècle, firent passer successivement le Rhedesium sous la domination wisigothe et sarrazine jusqu’au jour où Charlemagne s’en rendit le maître, la capitale de cette contrée dut conserver toute son importance.  Un fait caractéristique le prouve : c’est le dénombrement fait, en 782, des villages et terres du Rhedesium, appartenant à l’église Saint-Just de Narbonne, qui indique que cette contrée n’était plus cette thébaïde, presque déserte, qui, pendant les siècles précédents, ne comptait que de rares habitants dont les cabanes se groupaient sous les murs des forteresses. Or, la ville de Rhedae ne figure pas dans ce dénombrement, et, quelle que fût la puissance des archevêques de Narbonne, ils n’avaient pu faire entrer dans l’enclave de leur domaine ecclésiastique l’antique cité wisigothe sur laquelle ils n’avaient qu’un droit de juridiction épiscopale, droit qui fut consacré par une décision du concile tenu à Narbonne en 788. D’un autre côté, la transformation qui s’était opérée dans cette contrée par la création de nombreux centres de population prouve aussi en faveur de l’état florissant de la cité qui en était la capitale. Enfin, les longues guerres que durent soutenir Pépin et Charlemagne pour refouler les Sarrasins d’abord jusqu’aux pieds des Pyrénées, puis au-delà de cette barrière, rendaient nécessaire la conservation d’une place-forte qui était une sentinelle avancée sur la frontière d’Espagne. Aussi, quand la puissance du grand empereur eut été consolidée, quand il envoya des messagers royaux pour visiter les cités importantes de la Septimanie, ces missi dominici signalèrent Rhedae au rang des cités qui méritaient, pour ainsi dire, le titre de villes royales.

            Ce fut vers cette époque que le Rhedesium fut morcelé par suite d’une nouvelle organisation des diocèses situés sur les confins des Pyrénées et dans les contrées avoisinantes. Le pays de Fenouillèdes en fut distrait et forma un comté séparé. Le Rhedesium qui avait été un diocèse important fut réduit à l’état d’un modeste comté placé sous la dépendance des comtes de Carcassonne. Le Pagus rhedensis conserva son autonomie, mais il ne forma plus qu’un lambeau de territoire qui, dans les siècles suivants, fut encore morcelé.

            Néanmoins, toute la contrée conserva cette désignation générale de Rhedesium, mais le Rhedesium ne fut plut, à dater de cette époque, que ce que dans le language diplomatique moderne on a appelé une expression géographique.

 

 

IX

 

            Nous voici arrivé à une nouvelle phase de l’existence de Rhedae.

            L’antique cité wisigothe est devenue une ville comtale. Tantôt annéxée au comté de Barcelonne tantôt soudée au domaine des comtes de Carcassonne, elle occupe un rang important dans un de ces petits royaumes taillés dans le grand royaume. Puis, en  957, le Rhedesium forme un apanage distinct en faveur d’Odon, fils de la princesse Ermessinde. Pendant un siècle, les successeurs d’Odon ou Eudes furent comtes particuliers du pays de Rhedae, et cette période marque la phase la plus éclatante de l’existence de cette cité, qui était la résidence permanente d’un seigneur souverain. A cette époque, Rhedae joua un rôle presque aussi important que Carcassonne. Point de cité rivale qui pût, sur le territoire dont elle était la capitale, lui ravir la mondre part de son afluence. Limoux n’était qu’un modeste bourg nommé, par Pierre de Vaux-Cernai : “ Castrum Limosum in territorio Redensi “. Alet était le siège d’une abbaye importante, mais autour de laquelle ne se groupait qu’une villaria ou village. Quillan était aussi un petit village faisant partie du domaine des archevêques de Narbonne. La cité de Rhedae rayonnait donc comme un astre au milieu des châtellenies, des prieurés, des bourgs et des villages qui couvraient la contrée. Elle atteignit alors à l’apogée de sa gloire ; car, dans ses murs, c’est-à-dire à la cour de ses comtes, se réunissaient les seigneurs féodaux de Termes, de Pierre-Pertuse, de Castelpor, de Puylaurens, d’Aniort, les abbés mitrés d’Alet et de Saint-Polycarpe, les châtelains de Caderone, de Castillon, d’Arce, de Blanchefort, de Brenac, et tant d’autres qu’il serait trop long d’énumérer. C’est aussi dans Rhedae que se réunissaient fréquemment quelques riches vassaux qui aspiraient à devenir des seigneurs châtelains, les syndics des monastères de Cubières, de Saint-Martin-de-Lis, et enfin, les supérieurs des prieurés de Montazels, d’Espéraza, de Luc, d’Arques et de Couiza.

           

 

 

 

X

 

Au Sud de Rennes-le-Château, le plateau du Casteillas

 

Le CASTEILLAS après la bande rocheuse

 

            Le rôle de la cité de Rhedae s’amoindrit à partir du milieu du onzième siècle, comme s’amoindrit aussi le territoire auquel elle avait donné son nom. Raymond II le dernier des comtes particuliers du Rhedesium. Après sa mort, en 1062, le comté fut de nouveau réuni à celui de Carcassonne.

            Peu d’années après, le 6 des nones de l’an 1067, Ermengarde, fille de Pierre Raymond, comte de Carcassonne, et son mari Raymond Bernard, vicomte de Béziers et d’Albi, vendirent à Raymond Roger comte de Barcelonne et à Almodis, sa femme, le comté de Rhedae avec toutes ses dépendances. Voici comment s’exprime cet acte : “ Vendimus tibi totum commitatum de Rhedae eum omnibus suis pertinentibus, et ipsos ambos castros de Rhedez......

            Il y a dans cette vente une chose bien significative, et à laquelle ne se sont pas arrêtés les historiens et les chroniqueurs ; ce sont les mots, ambos castros de Rhedez, que l’on traduits par les mots les deux châteaux de Rhedae. D’après nous, cette interprétation n’a pas de sens. En effet, on remarque dans le texte si clair et si complet de cette vente qu’il n’est pas question, comme dans d’autres documents authentiques datant de la même époque, de la cité de Rhedae proprement dite. Cet acte, dans lequel tout est minutieusement détaillé, ne dit pas cependant en termes textuels : vendimus tibi civitatem de Rhedae. Or, une telle lacune ne peut pas exister.

            Par conséquent cette locution de civitatem de Rhedae, que l’on s’attend à trouver dans cette vente, est remplacée par cette autre locution plus explicite. “ ambos castros de Rhedez “.

            Voici l’explication de cette variante, de cette nouvelle désignation. Ces mots ambos castros de Rhedez, signifient les deux villes fortifiées de Rhedae, c’est-à-dire les deux cités jumelles, la ville haute et la ville basse, ainsi qu’on a pu le dire deux siècles plus tard, de la ville de Carcassonne. Nous n’insisterons pas plus longuement sur ce point capital qui jette un jour tout-à-fait nouveau sur la cité de Rhedae. Nous cherchions des preuves à l’appui de notre thèse sur la configuration de Rhedae, sur l’existence simultanée de la cité wisigothique bâtie dans la plaine et de sa forteresse bâtie sur le mamelon, et qui, enserrées toutes deux dans un ensemble de fortifications, formaient deux villes dans une seule ville. Cette preuve, la voilà. Elle est dans la vente de 1067.

            Mais cette vente contient bien d’autres choses. Elle est, pour ainsi dire, l’armorial de Rhedae, le signe de son importance ; car dans cet acte authentique qui transmet au comte de Barcelonne la propriété du Rhedesium, on ne cite nulle autre cité, nulle autre ville, pas même un bourg ayant assez d’importance pour être mentionné. Cetacte dit, après avoir désigné les deux villes fortes de Rhedae :

Vendimus totos alios castellos qui in iam dicto comitatu sunt, et totas illorum castellanias in super, et totas abbatias.... eum omnibus ecclesiis, villis, domibus et molendinis et molendariis......

            Cette  vente mentionne aussi en détail tous les droits seigneuriaux attachés au titre de comte de Rhedae. Ces droits étaient plus que seigneuriaux, ils étaient régaliens, et les comtes de Rhedez qui les exerçaient avaient pu marcher de pair avec les comtes de Carcassonne et de Barcelone.

            Enfin, l’acte que nous citons contient une clause finale relative aux confrontations du comté. En voici le détail :

            Au levant le comté de Narbonne.

            Au midi, les comtés de Roussillon, du Conflent et de la Cerdagne.

            Au couchant le comté de Toulouse.

            Au nord celuis de Carcassonne.

            Cela prouve que le comitatus Rhedensis, était bien plus important que le comitatus Carcassonnensis, car il enfermait dans son enclave le pays de Sault, le Donazan, le Pays de Fenouillèdes, le Pays de Pierre-Pertuze et le Pays de Termes. Seulement la plupart de ces territoires formaient des fiefs indépendants ou des domaines ecclésiastiques, et, sur divers points de leur petit royaume, les comtes de Rhedae n’avaient qu’un pouvoir honorifique. Ils avaient beau exercer des droits souverains, battre monnaie, établir des foires et des marchés, rendre la justice et la faire rendre à leurs vassaux par leurs officiers, leur puissance était souvent illusoire.

 

 

XI

 

            A la suite de cette vente de 1067, le Rhedesium ne fut plus qu’une annexe du comté de Barcelonne, et la cité de Rhedae ne fut qu’un simple fleuron d’une couronne comtale. A cette cause d’amoindrissement de la cité wisigothe, il convient d’en ajouter d’autres qui furent la conséquence des graves évènements qui survinrent dans la province vers la fin du onzième siècle. Plusieurs seigneurs ecclésiastiques refusèrent de se soumettre aux seigneurs séculiers. D’un autre côté, l’élément bourgeois se développait dans les centres de population un peu importants. Enfin certains châtelains puissants se liguèrent entre eux pour résister à l’autorité des comtes. Ces diverses circonstances favorisèrent, dans le Rhedesium, le développement de certaines villes qui commencèrent à jouer un rôle important au détriment de Rhedae. Ce fut en première ligne Limoux qui, de simple bourg, tendait à devenir la capitale de la contrée. Ce fut aussi Alet, qui, sous l’influence de ses abbés mitrés, se transforma en une ville offrant les avantages d’un site des plus agréables. Enfin Caudiès et Quillan n’étaient plus de modestes villages humblement groupés au pied des remparts des vieilles forteresses wisigothes. Rhedae perdait ce que gagnaient ces villes rivales mieux dotées sous le rapport du sol et du climat, à une époque où le goût du luxe et du bien-être se répandait dans la haute classe et dans la classe bourgeoise. L’ancien oppidum wisigothique assis sur un plateau sauvage n’offrait aucun agrément. Les eaux vives, les fleurs, les beaux arbres, les cultures potagères lui faisaient défaut. Rhedae commença dèslors à déchoir de son rang.

            Le pouvoir des comtes de Barcelone sur le Rhedesium fut de courte durée, et la comtesse Ermengarde rentra bientôt en possession du grand fief qu’elle avait aliéné. Dans la lutte qu’elle soutint pour reconquérir ses droits, elle fut énergiquement soutenue par ses vassaux. Les officiers qu’elle avait préposées à la garde des villes importantes se dévouèrent avec ardeur à sa cause, et l’histoire rapporte que, en 1080, Bertrand, fils de Pons, qui commandait pour elle dans la cité de Rhedae jura d’imiter la conduite du gouverneur de Carcassonne et de défendre fidèlement la cité de Rhedae, ses tours et ses forteresses. Quatre ans après, Bernard Aton, fils d’Ermengarde, prêtait serment de fidélité à sa mère pour les deux forteresses de Rhedae, pro ambis castris. Encore la même qualification que dans la vente de 1067. La cité de Rhedae n’était plus la résidence des comtes. Un gouverneur ou viguier, vicarius y commandait pour eux. Ce n’était plus le siège d’une cour, le point de réunion des seigneurs de la contrée, mais c’était toujours la capitale du Rhedesium, la plate-forte qui dominait la contrée, et à sa possession était attachée la possession de toute cette contrée.

            Pendant la première moitié du douzième siècle, Rhedae conserve son importance. Après Carcassonne, elle est toujours la première ville du domaine des vicomtes. Après la mort de Bernard Aton, à la suite d’un accord entre ses deux fils, le Rhedesium devint l’apanage du plus jeune des deux frères, Raymond Trencavel, vicomte de Béziers. Un nouveau traité intervint huit ans après, en 1150, et ce traité porte que Trencavel possèdera civitatem quoe dicitur Rhedas et omnem regionem Redensem cum omnibus castris et villis et fortitudinibus qui ibi sunt.

            Raymond Trencavel tenait à conserver Rhedae afin de s’assurer de l’obéissance des seigneurs de la contrée, afin que son pouvoir s’abritât dans cette région derrière les remparts de cette antique cité défendue par une nombreuse garnison. C’est de là que son autorité rayonnait sur les nombreux seigneurs châtelains du voisinage, sur les abbés d’Alet, si puissants et si influents. Il était à cette époque représenté à Rhedae par un viguier appelé Pierre Vilar, dont il récompensa les services, en lui faisant don du village de Coustaussa,

 

                                      Vue du des environs et du village de Coustaussa

 

 

placé en face de Rhedae, sur la rive droite de la Salz. La charte portant cette donation est datée de 1157. Elle s’exprime ainsi : “ Dono tibi et infantibus tuis meam villam quae dicitur Constantianum..... ad castellum ibi faciendum. “ Aux termes de cette charte, ce village était entouré de fortifications, et Pierre de Vilar devait y bâtir un château pour complèter les moyens de défense. Le viguier du comte exécuta cette condition. Le château fut construit, et, d’après les ruines  qui existent encore,

 

      Ruines du château de Coustaussa           Ruines du château de Coustaussa

 

 

 on peut faire une idée de ce qu’il était quand les travaux furent terminés. Pierre de Vilar se montra reconnaissant envers le comte Roger qui lui avait fait don de cet important fief ; car au village de Coustaussou était attaché un vaste territoire. Aussi quand le château qui était une forteresse eut été édifié, Pierre de Vilar le plaça sous la sauvegarde de plusieurs seigneurs, comme lui feudataires du Comte. Dom Vaissette cite un acte de serment, daté de 1172, par lequel Oton d’Aniort, Ugo de Caderone et Guillaume d’Arce jurent sur les saints Evangiles dans l’église de Limoux, de conserver et de défendre le château de Coustaussa, au profit de son seigneur Pierre de Vilar, viguier de Rhedae, et du comte Roger de Béziers.

            Le comte Roger avait reçu, à titre  de donation, en 1158, de son père Raymond Trencavel la ville de Carcassonne et la cité de Rhedae, civitas Rhedensis.

Cette donation fut confirmée par le testament de Raymond Trencavel. Ce testament est en langue romane. Nous croyons qu’on lira, avec intérêts, un fragment de cette pièce importante :

 

“ In nomine D.N.J.C.  Eu R. Trencavels (Raymond Trencavel) per la gracia de Deu vescoms de Besers, ei fag mon testamen sobre ma greu malautia, et ei laisada tota ma terra, et ma honor, et hereter de totas mas causas à Roihairet de Besers (Roger de Béziers) per tots temps. Et laissi per tots temps senescale, ( mentr’el o vella tener) d’Alby et d’Albejes, G. Peire de Berencs, et tratots aquels homes qu’el y volra mettre : Et laissi mais à G. Peire davant dig, quel prenga et aja trastot aco qu’en ei à Lescura, et qu’el prenga et aja las dous parts de las leidas et d’els taulatiés de la villa d’Alby, et la tersa part de les fisansas en aissi, ses part ab los autras seinnors esters, que tot aco del pug Amadenc ‘s tot nostre, et l’issida communal, els homes de la villa, si far nom Guillem Peire de Barenc, de tota aquella seinnoria que nos avem el castel de Janes, qu’eus ei remansuda del vescomte de Monclar ; so és à saber, qu’el deu hom tene de nos à feu franc et onrat, et nos deu hom rendre irats et pagats, et faromenatge et reconnoissement, et far segis et valensu tialmens de plag et de guerre. Els meners d’el argent son toit nostre de Janes. Et laissi sobre G. Peire, que lot aco qu’el fera en Abigez, sia fag per nos. Et daisso son testimonis Jean Esquius de Menerva, en Ratiers de Causada, en Bertrand de Saisach, en Pagas de Rocho, en Esteves de Servias, et Pontius notarius qui hanc cartam scripsit anno Domini M.C,LXX. (Archives du domaine de Montpellier, tit. particulier d’Albi, n. 15.

 

            Un an après, le comte Roger épouse Adélaïde, fille du comte de Toulouse, et lui assigne pour douaire le Rhedesium et sa capitale, ainsi que le bourg de Limoux : “ Dono tibi Reddam eum toto comitatu Reddensi et burgum Limosum eum suis partinentibus.”

“ In nomine, etc. Anno ab I. D. MCLXXI rege Ludovico regnante : Ego in Dei nomine Raymundus dux Narbonae, comes Tolosae, marchio Provinciae, dono et trado tibi Rogerio Biterrensi vicecomiti, filiam meam Adalaïsiam in uxorem legitimam, et dono tibi cum ea in dotem D. marchas argenti meri. Ego igitur Rogerius Biterrensis vicecomes, accipiens filiam tuam suprascriptam in conjugem, dono me sibi in virum, et dono et trado ei in donationem prpter nuptias, Reddam cum toto Reddensi comitatu, et Balaguerium cum territorio et omnibus quae ad ipsum pertinere videntur, et burgum Limosum cum omnibus quae ad ipsum burgum pertinent, et callem Vintronis, et vallem Amoris, cum omnibus quae ad ipsum burgum pertinent vel pertinere videntur. In comitatu Carcassensi dono tibi specialiter castrum de Confolent, cum territorio et omnibus quae ad ipsum castrum pertinent. Sciendum vero quod quae ex hinc inde dantur, quamvis quantitate et aestimatione disparia sint, alter utro in praemorienté superstiti in diem vitae suae utenda fruenda concedundur ; tali pacto ut post mortem illius qui lucrabitur, ad liberos vel haeredes praemorientis libere et absolute perveniant ; si tamen filii ex hoc matrimonio extiterint, ipsis conservanda sunt et reddenda. Facta sunt et laudata omnia superscripta iu praesentiâ domini Pontii Narbonensis archiepiscopi, et Bernardi Biterrensis episcopi, Guillelmi abbatis S. Tyberii, dominae Hermengardae Narbonensis vice-comitissae, Petri Carcassensis archidiaconi, Guillelmi de Sabrano, Guillelmi de S. Felicio, Aymerici de Rocaforti, Petri de Laurano, Ugonis de Romegos, Guillelmi de Pictavia, R. de Salis, Petri Raymundi de Narbona, Gaucerandi de Captite-Stagno.”

Cet acte est le dernier hommage rendu à la cité de Rhedae. Il constate, d’après nous, le décès de la capitale du Rhedesium. On ne l’appelle plus ambo castri de Rhedez, on ne la nomme plus civitas Rhedensis ; enfin elle ne porte plus ce nom de Rhedae qui avait acquis une signification particulière, car il était mis au pluriel comme désignant deux villes dans une même ville, la ville haute et la ville basse. On l’appelle Rheda, la ville, c’est-à-dire une seule ville.

            Après avoir lu cet acte on présume que l’antique cité wisigothe a été démembrée. Divers faits historiques, que nous allons grouper succinctement, prouvent que cette conjecture est fondée, que la ville basse, la grande cité construite dans la plaine, a disparu, et qu’il ne reste, de l’antique Rhedae, que sa citadelle, la ville haute.

 

 

XII

 

            Depuis que, en vertu de la vente consentie, en 1067, par la comtesse Ermengarde, le Rhedesium était passé au pouvoir de Raymond-Roger Ier et de sa femme Almodis, moyennant le prix de onze cents onces d’or, les comtes de Barcelone n’avaient jamais abandonné leurs droits sur ce territoire. Pendant près d’un siècle, ils ne purent faire valoir ces droits ; car le comté de Barcelone était séparé du Rhedesium par le comté de Roussillon, la Cerdagne et le Conflent. Or, les comtes de Barcelone et les comtes de Roussillon étaient souvent en lutte pour la possession du Vallespir, du Pays de Bézalu et d’une partie du littoral, et la conquête du Rhedesium aurait pu avoir cette conséquence, que cette contrée, au lieu d’agrandir le domaine des seigneurs de Barcelone, aurait pu tourner au profit de leurs redoutables voisins, les seigneurs de Roussillon. Cet état de choses dura jusqu’au jour où le roi d’Aragon, Alphonse II, qui était comte de Barcelone fut assez puissant pour revendiquer les droits qu’il prétendait avoir sur le Rhedesium.

Les annales du Roussillon ont conservé le souvenir de ce fait historique. Alphonse II devint comte de Roussillon, en vertu d’un testament en date du 4 des nones de juillet 1172, par lequel Gérard, fils de Gausfred III, seigneur de ce comté l’institua son héritier, bien qu’il n’eut pas des droits, ainsi que le déclarait le testateur. La barrière qui séparait le comté de Barcelonne du Rhedesium n’existait plus. Une fois maître du Roussillon, Alphonse II put réaliser ses projets ambitieux.

            Il était déjà en guerre avec Raymond V, comte de Toulouse, et dès le début de cette guerre il avait de gré ou de force, entraîné dans son parti Roger II, comte de Béziers, du Carcassez et du Rhedesium. On remarque une certaine confusion dans les récits des historiens au sujet de la part que prit celui-ci dans la lutte qui avait éclaté entre ses deux puissants voisins. Nous n’avons pas la prétention d’apporter la lumière dans ces ténèbres. Nous nous bornerons à constater qu’après avoir été, en 1167, l’allié du roi d’Aragon, le vicomte de Béziers dut prendre parti, peu de temps après, pour le comte de Toulouse, puisque deux actes important constatent le parfait accord qui existait entre eux en 1171. Le premier de ces actes est la promesse, sous forme de serment, par laquelle le comte de Toulouse s’engage à prêter aide et protection à Roger. Le second de ces actes est le mariage de Roger avec Adélaïde, fille du comte Raymond. Nous sommes donc fondé à croire que le roi d’Aragon avait déjà, à cette époque, tourné les armes contre le vicomte Roger et avait envahi le Rhedesium pour en faire la conquête. C’est de cette époque que date la destruction de Rhedae.

            C’est en 1170 ou 1171 que l’antique cité wisigothe succomba sous les coups du roi d’Aragon. Mais si la ville proprement dite complètement rasée, la citadelle demeura debout, dominant de sa masse imposante toute la contrée. Voilà pourquoi le vicomte Roger, dans les clauses de son contrat de mariage avec la comtesse Adélaïde, ne put lui assigner pour domaine que Rhedam, la citadelle, la ville fortifiée avec les terres qui en dépendaient. Nous n’avons pas à faire ici une nouvelle description de cette citadelle qui était à ce point fortifiée et placée dans une position tellement avantageuse qu’elle aurait pu résister plus tard aux attaques de Simon de Montfort, si elle avait été suffisamment garnie de troupes pour la défendre.

            Il paraît que le roi Alphonse II ne retira pas de sa conquête tous les fruits qu’il en espérait. Il avait bien pu ravager toute la contrée, il avait pu s’emparer de la cité de Rhedae et la détruire, mais son pouvoir ne put jamais se consolider dans le Rhedesium. Nous avons vu, en effet, qu’en 1171, le comte Roger assigna pour domaine à la comtesse Adélaïde Reddam cum toto comitatu Reddensi. Il protestait ainsi contre l’invasion espagnole, et se sentait soutenu par les seigneurs, ses vassaux.

            C’est à cette époque que Pierre de Vilar, qui n’avait pu défendre Rhedae parce qu’il n’avait pas des forces suffisantes, formait une ligne avec plusieurs puissants  seigneurs de la contrée qui juraient, sur les saints Evangiles, de défendre le château de Coustaussa, dont il était feudataire.

            Pons d’Amely, abbé d’Alet, se mettait sur la défensive en restaurant le château, cette ancienne forteresse wisigothe, et en entourant la ville de remparts et de fortifications.

            L’archevêque de Narbonne, qui possédait Quillan et divers autres bourgs ou villages qui l’avoisinent, résistait aux prétentions du roi d’Aragon.

            Le seigneur de Termes mettait en état de défense les châteaux d’Auriac, d’Albières et ses villages voisins du Rhedesium.

            Alphonse II était réellement le maître de la partie du Rhedesium qui avoisine le rousillon. Il occupait les châteaux de Pierre-Pertuse, de Quéribus et leurs dépendances. Il avait en son pouvoir les forteresses qu’avaient créées les Wisigoths, Castel-Fizel, Puylaurens, dans le Pays de Fenouillèdes, ainsi que le château de Fenouillet qui commandait ce comté. Il possédait, enfin, le territoire qui s’étend jusqu’à la vallée de l’Aude d’un côté et jusqu’à la vallée de la Salz de l’autre ; et c’est au confluent de ces deux rivières, sur le point qu’occupe actuellement le château de Couiza, que se trouvait la limite de sa conquête. Il existe, en effet, en face de ce château, une masse rocheuse formant un plan incliné dont la bas plonge dans l’Aude, et qui se redresse comme une arête colossale jusqu’au point culminant qui domine la vallée. Cette assise de marne rocheuse qu’on dirait taillée par la main de l’homme s’appelle le roc de France, et la tradition affirme que l’on voyait, autrefois, tracée, sur la surface rugueuse du rocher, une main gigantesque qui était, disait-on, un signe héraldique représentant les armes d’Aragon.

            C’est aussi de l’époque de la conquête d’une partie du Rhedesium que date la construction de tours guerrières ou tours de signaux que l’on remarquait autrefois dans la contrée et dont il reste peu de traces. Les auteurs catalans s’accordent à dire que ces tours, autrefois nombreuses sur certains points, étaient l’oeuvre des rois d’Aragon. Les unes, appelées tours guerrières, étaient placées dans la marches et défilés ; les autres, appelées tours de signaux, étaient placées sur les points culminants des montagnes. Quand Alphonse II détruisit la ville de Rhedae, il rasa les fortifications et ne laissa que deux des tours qui garnissaient l’enceinte du côté du midi et du côté du couchant. L’une fut transformée en moulin à vent par l’un des seigneurs de Rennes-le-Château à une époque relativement récente. L’emplacement de ces tours nous a servi à déterminer, approximativement, la surface qu’occupait la cité wisigothe.

 

 

 

 

 

 

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