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Rhedae (Rennes-le-Château)

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Henri Boudet (Curé de Rennes-les-Bains 1872-1914)

Rennes-le-Château (Texte de 1905)

Rennes-les-Bains aux XVIIIe siècle

 
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Page 6

 

(Suite 5)

 

COUIZA

 

COUIZA.

 

Cuvicianus; - Cousanus. – Couisan.

 

 

 

I.

 

Le Prieuré.

 

 

                L’abbaye de Lagrasse fondée en 788 créa, dès les premières années de son existence, des prieurés appelés Cellæ, - chapelles, - dans les nombreux Oppidums – villages – dont Charlemagne l’avait royalement dotée. Les moines de ce monastère étendirent ainsi leurs possessions jusqu’en Espagne, en affirmant leurs droits par la fondation de ces établissements religieux qui tenaient de l’orphelinat, de l’hospice, et de la ferme-école. Les nombreux villages qui entouraient Rhedae au huitième siècle, et dont la plupart étaient antérieurs à la création de cette ville, ainsi que nous le démontrerons dans le cours de notre récit, furent distribués aux abbayes de Saint-Polycarpe, d’Alet et de Lagrasse. Celle-ci, d’après le relevé qui figurait dans son livre d’or, avait obtenu le village de Covicianus – Couiza.

            Une charte de Charles-le-Chauve, datée du 25 octobre 876, confirme, en faveur de l’abbaye de Lagrasse, trois prieurés qu’elle vient de fonder dans le comté de Razès, savoir :

 

                                    à Covicianus. – Couiza.

                                    à Buziniacus. – Bouisse.

                                    à Palairacus. – Palayrac.

 

            Le prieuré de Couiza, composé comme toutes les autres chapelles d’une maison conventuelle et d’une modeste église, était habité par cinq religieux. Il fut établi sur le terrain qui avoisine l’église paroissiale du côté du midi, et ses dépendances s’étendirent aussi du côté du nord. L’on voit encore, de nos jours, encastré dans le mur du chœur de l’église, un portail en pierre de taille, qui était la porte d’entrée de la chapelle du couvent. C’est là tout ce qui reste de l’ancien prieuré, qui portait le titre de couvent de Saint-Jean-Baptiste de Covicianus.

            Quelques restes de substructions ont été mis à jour, il y a cent cinquante ans, lors de la reconstruction de l’église ; mais une découverte bien plus importante nous a donné des indications plus précises. Trois tombeaux mérovingiens ont été mis à jour. Ils consistaient en de grandes auges, en grès du pays assez tendre, affectant un ovale allongé, c’est-à-dire ayant la forme d’une baignoire. Le couvercle était d’une seule pièce, et recouvrait complètement l’orifice du tombeau. Il est hors de doute que, d’après leur forme, ces sarcophages remontent à une époque antérieure à l’adoption des sépultures wisigothiques si abondantes dans la contrée. Ce sont bien là les tombeaux monolithes qui avaient été adoptés dans la Septimanie et sur les autres parties du territoire de la Gaule, pour l’ensevelissement des dignitaires religieux ou laïques appartenant à la religion catholique, dans les premiers siècles du christianisme. Nous croyons devoir faire, à ce sujet, une remarque qui a une certaine importance.

 

?              Tableau de Nicolas Poussin

 

            A l’inverse du paganisme qui enseignait que, dans les destinées d’outre-tombe, les corps passaient à l’état d’ombres vaporeuses, la religion prêchée par le Christ et par ses disciples prescrivait un grand respect pour la dépouille mortelle de ses adeptes, en admettant, comme article de foi, la résurrection corporelle. De là vint, tout naturellement, l’idée de la conservation des corps, ou tout au moins de la conservation du squelette, et, comme conséquence de cette idée, l’abandon de l’incinération ou de la crémation usitée chez les païens. C’est afin de mettre en pratique ce besoin de conservation qu’on adopta l’usage d’ensevelir les morts dans les tombeaux d’une seule pièce en pierre ou en marbre, et de les inhumer à une certaine profondeur, afin de les mettre à l’abri de toute profanation.

            Or, ce genre de sépulture ne pouvait être qu’une exception en l’honneur de certaines personnes privilégiées, à cause de la dépense qu’elle occasionnait, à cause aussi des difficultés d’exécution. C’est ce qui explique pourquoi ces sarcophages, que l’on est convenu d’appeler des tombeaux mérovingiens, parce que leur usage s’applique à l’époque qui correspond au règne des rois de la première race, firent place plus tard aux tombeaux wisigothiques, qui furent adoptés dans la Septimanie à partir du neuvième ou dixième siècle, et qui se composaient d’un assemblage de dalles aquarries plus ou moins grossièrement.

            Si nous nous sommes livré à cette digression, c’est afin d’établir que la découverte des trois tombeaux mérovingiens que nous venons de signaler vient à l’appui de ce que nous avons avancé, en indiquant l’emplacement qu’occupait le prieuré de Covicianus.

            Une tradition locale nous a conservé le nom que portait dans l’antiquité ce monastère. On l’appelait le couvent de la Force, et le quartier dans lequel il était placé a conservé ce nom jusqu’à présent.

            Le couvent de la Force de Covicianus vit bientôt se grouper autour de lui quelques masures qui formèrent un modeste oppidum ou petit village. Le climat était agréable. Le sol, composé d’un terrain d’alluvion, était propre à toutes les cultures maraîchères et légumineuses le long des berges des deux rivières, tandis que les côteaux voisins se prêtaient à la culture de la vigne et de l’olivier.

            A partir du dixième siècle, tandis que d’un côté l’archevêque de Narbonne étendait ses possessions sur la rive gauche de l’Aude, en amont de Couiza, tandis que sur la rive droite les abbayes d’Alet et de Saint-Polycarpe possédaient la plupart des villages créés sur divers points, le prieuré de covicianus demeura indépendant, ainsi que Coustaussa, Arques et d’autres localités qui étaient placées sous la suprématie directe des abbés de Lagrasse. Les luttes que les hauts barons de la contrée soutenaient contre les puissantes abbayes, comme aussi les guerres que se faisaient entre eux ces seigneurs, toujours avides d’agrandir leurs possessions, n’exercèrent aucune influence sur les destinées des villages qui avaient ce rare privilège d’être protégés par les comtes de Rhédez sur lesquels les abbés croisés et mitrés de Lagrasse avaient toute influence.

            Cet état de choses dura jusqu’à l’invasion des troupes du roi d’Aragon dans le Rgedesium, vers la fin du douzième siècle. Nous avons raconté, dans notre notice sur Rhedae, les diverses phases de cette guerre qui eut  pour conséquence de reculer les frontières du royaume d’Aragon jusq’au cœur du Rhedesium, c’est-à-dire jusqu’aux bords de l’Aude, du côté du couchant, et jusqu’à la vallée de la Salz et du Réalsès, depuis Couiza jusqu’au dessus d’Arques, du côté du nord. La masse rocheuse qui s’élève sur l’extrême bord de l’Aude, en face du moulin de Couiza, et qu’on appelle le Roc de France, servit à marquer la séparation des deux royaumes de France et d’Aragon. Mais la conquête du roi d’Aragon, Pierre, n’eut pas une longue durée. Le seigneur de Termes qui soutenait le comte souverain de Carcassez et de Rhedez dont il était le vassal fidèle, occupait une grande partie des Corbières et les villages sur la rive droite de la Salz. Grâce à son concours et à l’aide des autres seigneurs de la contrée, qui se liguèrent avec lui contre l’étranger, le comte Raymond Roger put reconquérir le Rhedesium, et, quelques années à peine après leur conquête, les troupes du roi d’Aragon furent refoulées dans le Roussillon, et la contréefut délivrée du joug des Espagnols.

            Dès le début de l’invasion des troupes aragonaises, toutes les localités qui avoisinaient la cité de Redae avaient été mises en état de défense. Quillan, Campagne, Couiza avaient été garnis d’un mur d’enceinte. Ce n’étaient pas des remparts comme ceux qui entouraient la cité d’Alet, c’étaient de solides murailles, les unes en maçonnerie, les autres composées d’assises de grosses pierres reliées au moyen de terre glaise. Un large fossé extérieur longeait ces murailles dans lesquelles étaient ménagés des trous en forme de meurtrières, et qui étaient, sur certains points, couronnées par une plate-forme d’où l’on pouvait jeter sur les assaillants de l’huile bouillante, des quartiers de roches et autres projectiles.

            Cousan acquit une certaine importance, car les habitants de quelques petits villages voisins s’y étaient réfugiés. Aussi, à partir de ce moment ce ne fut plus une simple villaria, village ; il fut désigné dans les actes publics sous le qualificatif de Castrum de Cousano, c’est-à-dire bourg fortifié de Cousan.

            Il nous a été impossible de déterminer le tracé de la ligne de la muraille fortifiée qui défendait Cousan et qui, affectant la forme d’un croissant irrégulier, s’appuyait par ses deux extrémités sur les bords de la Salz.

            La croisade contre las Albigeois, cette guerre dont le premier mobile avait été la mise à exécution des décrets du concile d’Alby, qui avaient prescrit la destruction d’une hérésie religieuse, prit un caractère d’usurpation et de conquête territoriale, surtout dans le Rhedesium, du moment où les arméesde Simon de Montfort eurent obtenu quelques succès.

            Les troupes destinées à opérer dans la contrée dont nous esquissons le passé historique étaient placées sous le commandement d’un seigneur du nord, Pierre de Voisins, sénéchal ou principal lieutenant du chef de la croisade. Ce corps d’armée avait pour mission de s’emparer de la citadelle de Rhedæ et du château de Coustaussa que défendaient les soldats de Raymond Roger, comte de Béziers, de Carcassonne et de Rhedæ.

            Guillaume d’Assalit, viguier ou gouverneur de la citadelle de Rhedæ, Pierre de Vilars, seigneur de Coustaussa, et quelques officiers du comte Raymond Roger réunirent toutes les forces dont ils pouvaient disposer, et pour cela ils dégarnirent les deux places fortes dont ils avaient la garde. Voulant essayer, à tout prix, d’arrêter la marche des croisés, ils voulurent leur offrir la bataille, au lieu de les attendre derrière leurs remparts. C’était une folie héroïque ; car ils étaient bien loin d’être en force pour lutter efficacement contre un ennemi dix fois plus nombreux. La tradition locale, d’accord avec l’histoire, nous a conservé le souvenir de cette journée. C’était au commencement de l’an 1211. La rencontre des deux armées eut lieu dans la vallée de la Salz, à proximité du village de Cousanus, et aussi sur cette bande de territoire qui s’étend entre Couiza et Coustaussa et qui  forme une vallée supérieure où se trouve le chemin vicinal qui relie les deux communes. La lutte fut acharnée tant sur le haut plateau que sur les bords de la rivière. A diverses époques on a trouvé sur ces deux points des débris d’armes, des médailles et des monnaies qui marquent l’emplacement de la bataille. Il y a un peu plus de cent ans, en faisant des travaux de terrassement, on a découvert plusieurs tombeaux wisigothiques qui renfermaient probablement les dépouilles mortelles de quelqueschevaliers inhumés sur le lieu même où ils avaient trouvé la mort.

            Cette bataille de Cousanus fut favorable aux croisés qui s’emparèrent alors sans résistance de la citadelle de Rhedæ tout-à-fait dégarnie de troupes. Puis ils allèrent mettre le siège devant le château de Coustaussa, où s’étaient retirés les débris de la petite armée du comte Raymond roger, et ils s’en emparèrent par escalade, après plusieurs jours de siège. Cette victoire soumit au pouvoir de Simon de Montfort tout le Rhedesium, depuis Alet jusqu’à Quillan, depuis les bords de l’Aude jusqu’au centre des Corbières ou plutôt jusqu’au pays de Termes et de Pierre-Pertuze qui résistaient encore. Ces deux contrées ne furent soumises que deux ans plus tard.

            Tous les châteaux et villages du Rhedesium avaient été confisqués pour crime d’hérésie. Mais là ne se borna pas l’œuvre de Simon de Montfort ; il confisqua, aussi, divers prieurés et diverses églises. De ce nombre fut le monastère de Cousanus avec ses dépendances. Simon de Montfort qui s’intitulait comte de Toulouse, vicomte de Béziers et de Carcassonne, seigneur de l’Albigeois et du Rhedesium, voulut consolider sa conquête. Il créa des apanages pour ses principaux officiers, pour ceux qui exerçaient de grands commandements dans les armées de la croisade. Guy de Lévis, qui était le titre de maréchal, et Pierre de Voisins, qui avait été créé sénéchal, furent les mieux partagés. Pierre de Voisins obtint à titre de fief, outre le château de Couffoulens et d’autres terres situées dans le Carcassez, tout le Rhedesium ou pays de Rhedæ. L’institution de ce fief date de 1215.

            Les religieux du prieuré de Cousanus et de quelques monastères voisins essayèrent de résister à cette usurpation. Ils s’adressèrent à Guillaume, abbé de Lagrasse, qui entra en négociation avec Simon de Montfort. Il survint entre eux un accord, daté des calendes de septembre 1215. Aux termes de cette convention, super diversis castris, au sujet de bourgs fortifiés, il demeura arrêté que Simon de Montfort garderait en son pouvoir... castrum de Cousano... castrum de Coufoulencio.... les bourgs fortifiés de Cousanus, de Couffoulens, etc., etc. Cousanus demeura donc au pouvoir du chef de la croisade ou plutôt de Pierre de Voisins, puisque ce bourg était compris dans son fief.

            Trois ans après, le 15 juin 1218, Simon de Montfort mourut, et son fils Amaury lui succéda dans ses dignités et dans ses possessions. Mais il ne jouit pas longtemps de l’héritage paternel. Raymond Trencavel essaya de reconquérir le domaine de son malheureux père, le comte Raymond Roger. Après une longue guerre qui dura près de six ans, en 1224, il força Amaury à abandonner le petit royaume que Simon de Montfort s’était taillé dans la Septimanie. Une fois rentré en possession de ses vastes domaines, Raymond Trencavel se qualifia ainsi : Vicomte de Béziers, Seigneur de Carcassonne, d’Alby et de Rhedæ. Nous sommes autorisé à conclure de ce grand fait historique que le prieuré et le village de Cousanus avaient reconquis leur indépendance sous le gouvernement de l’héritier légitime des anciens comtes.

            Cette situation ne fut pas de longue durée. Malgré le concours et le dévouement des anciens seigneurs de la contrée, rentrés en possession de leurs domaines, malgré l’appui du comte de Foix, son cousin, avec lequel il avait fait, en 1227, un traité d’alliance qu’avaient signé, comme témoins, Boson, abbé d’Alet, et Arnaud Raymond, châtelain d’Arce (près de Limoux), Raymond Trencavel se vit bientôt dépouillé de l’héritage si péniblement reconquis. Amaury, après sa défaite, en 1224, s’était retiré à la cour de France, et avait fait au roi Louis VIII la cession de ses droits sur la Septimanie. (photo) Il retirait de cet acte un double avantage : il obtenait d’abord de grandes compensations et il se vengeait, en outre, de l’échec qu’il avait subi.

            D’un autre côté, deux ans plus tard, Sanche, roi d’Aragon et comte de Roussillon, qui pendant la croisade s’était allié avec Simon de Montfort, afin de conserver le pays de Fenouillèdes et le pays de Pierre-Pertuze qu’il détenait depuis la conquête qu’en avait fait Pierre d’Aragon, son père, imita l’exemple d’Amaury. Il fit la cession de ses territoires au roi Louis VIII qui le dédommagea largement de cet acte de soumission.

            Une fois maître de la Septimanie, le roi Louis VIII remit en possession de leurs fiefs les anciens lieutenants de Simon de Montfort. C’est ainsi, qu’en 1238, Pierre de Voisins reprit l’apanage qui lui avait été concédé, et redevint le maître du Rhedesium, et par conséquent de Cousanus.

            Nous croyons devoir donner ici la traduction de la charte en latin qui constate l’investiture de ce fief ou de cet assignat en faveur de Pierre de Voisins. Nous traduisons textuellement ce document si important.

 

            In nomine sanctæ et individuæ Trinitayis, amen. Ludovicus Dei gratia rex. Notum facimus nos vidisse litteras Cdonis dicti Coci, militis, quondam senescalli Carcassonæ. in hæc verba.

            “Noverint universi, etc. quod nos Odo dictus Coquus, moles et senescallus D. regis Franciæ in partibus Albigensium, de mandato et voluntate D. Adam de Miliaco, tune teneatis locum D. regis Franciæ in partibus istis, qui ex parte D. regis, vobis D. Petro de Vicinis (Pierre de Voisins), subdictam terram in assisiam vestram pro M. libris Malgor, emendis et expletis pro C. libris in hoc computatis, vobis tradiderat et assignaverat, repretiavimus et computavimus ipsam terram subdictam, et vobis tradidimus jura quæ D. rex ibi habebat in redditibus, emendis, et expletiis ; videlicet villam de Reddis pro XXV. libr. et IV. sol. VI. den. Malgor. et villam de Caderona pro X. libr. Cousanum pro VII. libr. Buguaragium pro XXI. libr. VI sol. V. den. Villarium in Reddesio pro XI. libr. et dimidia ; Quercum de Malet pro CXIV. sol. Montem-ferrandum pro X. libris, Constanticum in tallia eorum de Blanchaforti, pro L. sol. Sograviam pro XXXV. sol. Luctum pro XIX. libr. IV. sol. VI. den. Bellumeastrum pro XIX. libr. et dimidia ; villam de Cruce pro tallia VIII. hominum pro LX. sol. Albefuvum cum sua foresti, et cum foresti de Bello-Castro, et jus de foresti faiditorum de Archis, pro XI. et IV. sol. albergam de Effectu pro XVII. sol. VI den. exepta alberga marescalli, Coffolentium pro CC. libris, Limosum pro DXX. libr. XVII. sol. Item ad supplementum terræ vestræ, et assisiæ vestræ tradidimus vobis et assignavimus, de mandato D. Adam de Milliaco, Podium prope S. Ildarium pro VI. libr. villam de Dente pro XVII. libr. et xix. sol. leudam de Electo de fusta aquæ et de sale, pro XXVI. libr. et in leuda de Ponte de Avinione, ultra partem D. Lamberti, pro IV. libr. et illud quod D. rex habet in villa de Laurens, et Escalchens, præter assisiam Stephani Britoni, pro VII. libr. Ilæc omnia præuominata, scilicet jura D. regis, nos Odo senescalius prænominatus, vobis D. Petro de Vicinis in assisiam vestram, pro D. rege Franciæ, pro M. libris, emendis et expletiis pro C. libris computatis, de mandato D. Adam de Milliaco tradidimus et assignavimus, teste sigillo nostro. Actum Carcassonæ, anno D. MCCXXXI. mense Septembri.

 

            “Au nom de la Sainte et Indivisible Trinité : Ainsi soit-il.

“Louis, roi par la grâce de Dieu. Savoir faisons, et que nul ne l’ignore, que Nous Odon, chevalier, sénéchal du Seigneur Roi de France, dans l’Albigeois, de la part dudit Seigneur Roi, avons réestimé et supputé la terre ci-après énoncée qui vous avait été attribuée à vous, Seigneur Pierre de Voisins, à titre d’assignat, pour un revenu de mille livres melgoriennes, et vous transmettons les droits que le Seigneur Roi avait sur ces revenus rachetables et complets, savoir :

Villam de Redes (le château de Rennes) pour XXV livres et IV sols.

Caderonam (Caderone) pour X livres.

Cousanum (Couiza) pour VII livres.

Bugaragium (Bugarach) pour XXI livres, VI sols, V deniers.

Villariam en Redesio (Villar en Rhedæ) pour XI livres et demie.

Quercum de Malet (la Forêt de Malet) pour CXIV sol.

Montem Ferandum (Monferrand) pour X livres.

Constanticum pro tallia de Blancaforti, I sol, (Coustaussa pour la taille de Blanchefort), I sol.

Sograviam (Sougraigne) pour XXXV sols.

Luctum (Luc) VII livres, IV sols, VI deniers.

Bellum Castrum (Camps) pour XXIX livres et demie.

Villam de Cruce pro tallia VIII hominum pour LX sols (Village de Croix ou Croux pour le taillable de 8 hommes).

Albefuvum (Le Bézu) avec sa forêt, la forêt de Camps et les droits forestiers des feudataires d’Arques, pour X livres, IV sols.

Albergum de Effectu (L’Albergue ou Emphytéose de Fourtou) pour XXVII sols, VI deniers, non compris l’Albergue de Maréchal (De Levis).

Coffolentium (couffoulens) pour CC livres.

Limosum (Limoux) pour DCC livres, XVII sols.

“ Fait à Carcassonne, l’an MCCXXXI (1231), an, mois de Septembre.

 

            Le roi Saint-Louis appouva cet assignat par deux chartes, l’une de 1248, et l’autre de 1260.

            On remarque dans le dénombrement des localités qui forment ce fief, et dans la valeur du revenu partiel, que Cousanus est estimé à un revenu de sept livres seulement. Voici comment s’explique cette moins value à côté de la somme qui représente les lieux voisins, tels que Caderone et Monferrand. Quand fut dressé l’état de biens concédés par le roi à Pierre de Voisins, les moines du couvent de Cousanus firent valoir leurs droits, et en vertu d’un accord fait avec Odon, le sénéchal de Carcassonne, les terres de Cousanus furent divisées en deux parts. Le couvent garda en sa possession le bourg et les terres situées sur la rive gauche de la Salz. Le comte Pierre de Voisins obtint pour sa part le moulin et les terres situées sur la rive droite. Voilà pourquoi, dans l’apanage dont nous venons de donner le détail, Cousanus n’est évalué qu’à un revenu de sept livres ; car les terres comptaient pour peu de chose, le moulin seul avait une certaine valeur.

            A dater de ce jour, le bourg de Cousanus fut coupé en deux, la terre ecclésiastique d’un côté, la terre seigneuriale de l’autre. Cette combinaison eut ses inconvénients et aussi ses avantages. Le développement de ce centre de population fut entravé, parce que les éléments de prospérité firent défaut à cause de l’exiguité des deux territoires respectifs. Mais, d’un autre côté, le dualisme inévitable entre les religieux et le seigneur tourna au profit des vassaux. Aussi ceux-ci, grâce au rare privilège de leur situation exceptionnelle, ne connurent point ou presque point, pendant trois siècles, à dater de cette époque, les rigueurs du régime féodal.

            Pendant une période qui dura trois cents ans, l’histoire de Cousanus est double. Nous renonçons à mener de front ces deux histoires afin de conserver plus de clarté dans notre récit. Nous allons par conséquent continuer notre récit par la monographie du couvent et du bourg qui y était joint, et après l’avoir terminée nous passerons en revue les phases de l’histoire de la seigneurie.

            Nous aurons peu de chose à dire sur les destinées du prieuré de Cousanus qui, avec sa patite colonie, forma un établissement isolé dans cette partie de la province.

            Aucun document authentique ne se rattache à cette phase de l’existence de cette localité. La tradition locale est, aussi, complètement muette. Il y a tout lieu de croire, cependant, que cette localité ne prit aucun développement. Les religieux ne pouvant disposer que d’un territoire restreint, et possédant un établissement isolé à proximité des villes de Limoux, d’Alet et de Quillan qui avaient bien d’autres éléments de prospérité, ne pouvaient espérer d’attirer sur leur domaine un plus grand nombre d’habitants.

            Cet état de chose dura trois siècles, et ce fut au bout de cette période que le couvent disparut. De 1520 à 1530, beaucoup de monastères furent sécularisés. Les paroisses rurales furent organisées, et eurent chacune un recteur chargé du service du culte. Cette mesure fut appliquée au bourg de Cousanus. Le dernier prieur du couvent de la Force mourut en 1576, et après sa mort le couvent fut fermé.

            On remarquait encore, il y a cent cinquante ans, diverses pierres tombales dans la nef de l’église de Couiza. Deux de ces tombeaux, placés vers le centre de l’édifice, consistaient en une seule pierre de petite dimension et marquaient probablement la sépulture de deux anciens prieurs. Mais on remarquait surtout à la place d’honneur, c’est-à-dire au milieu de la partie haute de la nef et au bas des degrés qui la séparent du chœur, une large dalle en granit gris mesurant deux mètres de longueur sur un mètre de largeur. Une sculpture en demi-bosse placée au centre de la dalle représentait deux tours rondes liées. C’étaient probablement les armoiries du couvent. Une inscription latine en grosses lettres encadrait la dalle sur les quatre côtés.

            Cette inscription étant en grande partie effacée nous n’avons pu en relever que le fragment suivant : “ Johannes... obiit... Anno domini MDLXXVI...

            Cette dalle recouvrait très-certainement la dépouille du dernier abbé du monastère de Cousanus ; car c’est à l’époque correspondant à la mort de ce religieux que remonte la sécularisation du monastère. Cet abbé devait être un personnage marquant. Peut-être que, avant d’entrer au cloître, il avait porté un grand nom. Ce qui prouve que ce devait être un personnage de haute lignée dans le monde, et probablement aussi le chef illustre d’une corporation religieuse, c’est qu’à ses côtés reposent dans l’église de Couiza deux des membres les plus éminents des familles illustres qui ont possédé et habité le château de Couiza.

            Nous avons toujours vivement regretté qu’en faisant les travaux de reconstruction de l’église de Couiza on ait persisté, malgré nos réclamations, à recouvrir d’un vulgaire carrelage ces monuments du temps passé, consistant en trois pierres tombales en marbre ou en granit. Ce n’est qu’à grand peine que nous avons pu obtenir la conservation d’un fragment du tombeau du dernier prieur de Couiza avec une partie de l’inscription que nous avons citée. Ce fragment se trouve actuellement aux fonts baptismaux de l’église.

            Ainsi finit le prieuré conventuel de la Force qui fut le berceau du bourg de Cousanus, après une existence de neuf cents ans. Nous aurions voulu que sa monographie pût être retracée d’une manière plus complète ; mais les documents nous ont fait défaut. Nous allons maintenant remonter de quelques siècles pour écrire l’histoire de la seigneurie ou plutôt de la baronnie de Couiza.

 

 

III.

 

 

La Famille de Joyeuse.

 

 

            Dans les premières années du seizième siècle, la branche des Voisins, seigneurs de Couffoulens, s’était éteinte, et son héritage passa à Jean de Voisins, baron d’Arques et de Couiza. Jean de Voisins étant décédé laissa pour unique héritière, sa fille Françoise de Voisins. Françoise de Voisins, la noble orphetine, possédait plusieurs fiefs importants : la baronnie d’Arques et de Cousan, la seigneurie de Couffoulens, la seigneurie de Puivert et enfin celle de Latour dans le pays de Fenouillèdes. Son domaine était un domaine princier. Elle épousa, en 1518, le vicomte Jean de Joyeuse, digne descendant de Bernard de Joyeuse qui, au commencement du quatorzième siècle, était un des plus puissants seigneurs du Vivarais. Le vicomte Jean était un jeune et brillant seigneur, attaché à la personne de Charles II, duc de Bourbonnais, pair, chambrier et connétable de France qui, en 1515, avait été nommé, par le roi François Ier, gouverneur du Languedoc sous le patronage du puissant connétable. Le vicomte Jean de Joyeuse était déjà appelé à un grand avenir quand par son mariage avec Françoise de Voisins il devint un des plus riches seigneurs de la contrée. Il ajouta alors à son titre celui de baron d’Arques et de Cousan qui lui donnait rang dans les Etats de la province. Le vicomte Jean de Joyeuse avait un frère puiné, Guillaume IV de Joyeuse, qui était entré dans les ordres et avait été nommé évêque d’Alet. Ce fut probablement par son entremise que son frère épousa la plus riche héritière de son diocèse.

            Le vicomte Jean de Joyeuse obéissant à ses goûts personnels et aussi plein de déférence pour les désirs de la vicomtesse de Joyeuse – de Voisins, sa femme, qui toute jeune s’était plue dans son manoir seigneurial de Cousan, montra aussitôt après son mariage une prédilection marquée pour cette résidence. Depuis l’avènement de l’époque de la renaissance une transformation s’était opérée dans les goûts et dans les habitudes de la noblesse. Les anciens barons de la féodalité, toujours armés en guerre, toujours prêts à se retrancher derrière les murs de leurs forteresses, avaient fait place à une génération de gentilshommes plus disposés à revêtir le pourpoint de soie et de velours que l’armure des chevaliers du moyen-âge.

            Le vieux manoir de Cousan, la maison seigneuriale contigüe au moulin ne pouvait donc suffire pour l’installation de l’opulente maison de Joyeuse ; il fallait au vicomte Jean une demeure qui fut en rapport avec la haute position qu’il occupait dans la province. Il décida alors de construire le magnifique château de Couiza, ce spécimen si remarquable de l’architecture civile du seizième siècle. Bien des raisons le déterminèrent à choisir cet emplacement : il fut tenté par la beauté du site, par le riant aspect de cette partie de la vallée de la Salz. Enfin son frère, Guillaume IV de Joyeuse, était pourvu de l’évêché d’Alet qu’administrait pour lui, en commande, François de Lestang. Voilà tout autant de motifs qui expliquent le choix que le vicomte et la vicomtesse de Joyeuse firent de Cousan pour y établir leur résidence. Ce qui contribua aussi, puissamment, à leur faire adopter cette résolution, c’est que vers l’an 1520, il était déjà question de la sécularisation de plusieurs monastères, et que l’antique prieuré de Cousanus qui avait beaucoup perdu de son importance, car il ne comptait que trois religieux et ne recevait plus de novices, était dans la catégorie des maisons monastiques qui devaient être sécularisées. Or par suite d’arrangements survenus probablement entre le vicomte Jean de Joyeuse et le chapitre de l’église cathédrale d’Alet que présidait son frère, l’évêque, la suppression du prieuré de Cousan était facile, et le vicomte devenait seigneur du lieu de Cousan au moyen de la fixation de la mense qui revenait à ce chapitre. Ce fut, du reste, ainsi que les choses se passèrent. En 1520, le prieuré fut supprimé, seulement les trois religieux continuèrent de vivre en communauté dans leur maison conventuelle de la Force jusqu’à leur mort, sans avoir aucun droit de propriété sur les terres et les maisons du bourg de Cousan qui passèrent entre les mains du vicomte de Joyeuse. C’est à dater de cette époque que le bourg, par la volonté de la famille de Joyeuse, ne s’appela plus Cousan ; il prit le nom de Couisan.

            D’après les indications les plus exactes, c’est en 1540 que fut commencée la construction du château de Couisan. Le vicomte et la vicomtesse de Joyeuse avaient à cette époque une maison à Montpellier, où ils résidaient souvent à cause des affaires de la province, le vicomte faisant partie du conseil du gouverneur le connétable de Montmorency. Ils possédaient aussi une maison à Limoux, où ils résidaient, par intervalles, pendant la belle saison, quand ils n’habitaient pas leurs manoirs de Couisan, d’Arques ou de Couffoulens ; mais Arques et Couffoulens avaient peu d’attraits pour eux, et ils n’y faisaient que de rares apparitions.

 

 

IV.

 

Le château de Couiza ou château de la famille de Joyeuse

 

 

Le Château de Couiza.

 

 

                Le château de Couiza a été déjà décrit par les écrivains compétents et consciencieux. Nous n’hésitons pas, néanmoins, à en faire la description, d’abord, parce qu’une pareille étude rentre nécessairement dans le cadre de notre travail, et, en second lieu, parce qu’une connaissance approfondie de cette construction si remarquable nous permettra de fournir quelques nouvelles indications, et de compléter ainsi le travail de nos devanciers. Bien que ce monument ne date que de la Renaissance, bien que par ses formes architecturales et par ses dispositions intérieures il tienne plus du palais que de la forteresse féodale, néanmoins il avait aussi ses mystères et ses surprises, comme certains châteaux du moyen-âge. C’est ce que nous nous proposons de faire connaître.

            Le château de Couiza est construit sur les bords de l’Aude, à une petite distance de l’embouchure de la Salz. Il forme un bâtiment carré flanqué d’une tour ronde à chacun de ses angles. Quatre corps de logis relient entre elles les tours et servent d’encadrement, dans l’intérieur de l’édifice, à une cour d’honneur formant un quadrilataire régulier.

            Le château étant en parfait état de conservation et le gros œuvre n’ayant subi aucune altération, l’ensemble de l’édifice se présente aux yeux du visiteur tel qu’il est sorti, il y a trois siècles, des mains de l’architecte.

            La maçonnerie forme deux parties bien distinctes tant pour la façade extérieur que pour la façade intérieure ; ce qui prouve que le château n’a pu être terminé dans les conditions architecturales qui avaient présidé au début de sa construction. C’est ce qui frappe à première vue dès qu’on examine ce monument. On constate aussi avec regret que la partie supérieure de l’édifice est inachevée. Le faîte surbassé et dépourvu de corniche ne laisse aucun doute à cet égard ; mais cette lacune n’atténue en rien le mérite de l’édifice, et on n’en admire pas moins la beauté de son plan et sa masse grandiose. Occupons-nous d’abord de l’extérieur.

            La façade principale, qui regarde le levant, est percée à son centre d’une porte monumentale, dont les montants ou les pilastres ainsi que les vousseaux qui forment le cintre sont décorés avec beaucoup d’art. Un fronton triangulaire, finement travaillé et supportant une boule à son centre et à ses deux extrémités, couronne le cintre. C’était l’entrée d’honneur du château.

            Le parement extérieur du mur de cette façade est un calcaire très dur, taillé à l’ébauchoir en cubes réguliers, reliés entre eux au moyen d’un ciment tellement dur qu’il a complètement résisté à l’action du temps.

            Le même appareil a été employé pour la construction de la façade extérieure du corps de logis qui fait face au moulin et à l’usine. Les deux tours du levant et du nord ou Tour d’Aude sont également construites avec les mêmes matériaux, et il y a homogénéité complète entre ces diverses parties de l’édifice. Ces deux corps de logis et ces deux tours forment la partie du château qui fut construite dès le début, et sont la réalisation complète de la conception primitive.

            Il n’en est pas de même pour les deux tours du midi et du couchant et pour le corps de logis qui les relie. La construction de cette partie de l’édifice est en moëllons grossièrement équarris liés par un ciment qui paraît composé de chaux hydraulique. C’est une maçonnerie qui, par la régularité de ses assises et sa teinte générale, imite parfaitement l’élégance de la partie de l’édifice construite en pierres de taille.

            Quant au corps de logis qui fait face au cours de l’Aude, il est mi-partie en pierre de taille, mi-partie en maçonnerie, ayant subi par places des réparations importantes depuis la fondation de l’édifice.

            Les causes qui amenèrent ainsi d’importantes modifications dans l’exécution du plan primitif du château de Couiza sont faciles à comprendre. Dès 1550, les guerres de religion apportèrent un grand trouble dans la contrée, et le comte Jean de Joyeuse avait hâte de terminer la demeure seigneuriale dont il voulait faire sa résidence.

            Le corps de logis qui fait face au midi et qui suit une ligne parallèle à la Salz, est percé à son centre d’une porte à plein cintre dépourvue d’ornements. Cette porte, qui est dans les mêmes dimensions que la porte d’entrée monumentale, servait pour le passage des chars qui arrivaient chargés de provisions destinées aux habitants du château. Elle est surmontée d’un machicoulis qui servait à la défendre contre toute attaque.

            Une poterne basse et étroite, à peine suffisante pour le passage de deux hommes, est percée dans le mur qui fait face au moulin à côté de la tour du levant. Elle est surmontée d’un machicoulis.

            Enfin, une autre poterne existe sur les bords de l’Aude, et servait ainsi à mettre l’intérieur du château en communication directe avec la rivière. Cette poterne donnait accès dans le château par un boyau ou couloir étroit facile à défendre.

            L’établissement des poternes et des machicoulis n’étaient pas les seuls moyens adoptés pour prémunir le château contre toute attaque. Les tours étaient et sont encore garnies à leur base et à leur faîte de meurtrières largement évasées qui permettaient d’arquebuser les assaillants dans diverses directions. Sauf quelques jours de souffrance munis d’un fort grillage, il n’existe point d’ouvertures au rez-de-chaussée. Les rares fenêtres destinées à éclairer le premier et le second étage étaient garnies à l’exterieur d’une forte grille en fer scellée dans le mur, ce qui permettait de défier toute escalade. D’un autre côté, l’épaisseur des murs, qui est de deux mètres pour les tours et d’un mètre pour les autres parties du château, offrait une résistance suffisante contre l’artillerie de siège qui était en usage à cette époque.

            Enfin, le château était défendu d’un côté par les eaux de l’Aude qui baignaient les murs, et des trois autres côtés, par un fossé profond alimenté facilement au moyen du cours du fleuve. On ne voit point de trace de pont-levis aux deux entrées principales ; il est donc probable que, vis-à-vis de ces portes, on franchissait le fossé au moyen de deux ponts en maçonnerie ou en forte charpente, que l’on pouvait détruire facilement, en cas d’attaque.

Si la façade extérieure du château de Couiza se fait remarquer par un style d’architecture des plus sévères, en revanche, les façades intérieures qui encadrent la cour offrent un magnifique coup-d’œil. Le parement des murs se compose de magnifiques assises en pierre du pays, du grain le plus fin, et travaillées si délicatement qu’elles ont le poli du marbre. Les encadrements et les croisillons des fenêtres sont cannelés et chargés d’ornements de bon goût. C’est surtout dans la décoration de la partie de l’édifice qui domine la porte d’entrée que l’architecte s’est inspiré des idées de renaissance de l’art grec qui venait de détrôner le style ogival. Trois rangées de colonnes rondes superposées, les unes engagées dans le mur, les autres s’en dégageant presque entièrement, s’élèvent d’étage en étage avec leurs soubassements sévères et avec leurs chapiteaux délicatement travaillés et ornés des attributs décoratifs indiquant leur ordre architectural. Des frises ornées d’arabesques et de mascarons courent le long de la façade et séparent chaque assise de colonnes. Enfin, les frontons couronnant les pilastres des croisées se relient avec l’ensemble des décorations de cette gracieuse façade. Une première serie de colonnes toscanes engagées dans le mur s’élève au-dessus du sol. Le long de la paroi du premier étage s’aligne uneseconde rangée de colonnes striées ou canelées qui appartiennent à l’ordre ionique. Enfin, une troisième série de colonnes striées avec des chapiteaux corinthiens se dresse à l’étage supérieur.

Dès qu’on a franchi la porte d’honneur du château, un vaste péristyle s’ouvre de chaque côté du vestibule et, se prolongeant en retour sur la droite, forme sur deux côtés de la cour, un élégant portique, qui devait servir de promenoir. Le côté gauche du péristyle servait de logement au gardien de la porte. Au-dessus de chaque arcade de ce portique, on remarque une pierre ornée de frisures et de baguettes qui portait à son centre une sculpture représentant un objet symbolique. Sur les unes était gravé le monograme de la devise des Joyeuse. La lettre A, qui signifiait Alacriter (devise parlante qui se traduit par joyeusement). Sur les autres figuraient des fleurs ou des animaux. A-dessus des deux principales arcades formant les deux entrées dans la cour, étaient gravées les armoiries de la falille de Joyeuse et de la famille de Voisins liées sur le même écusson.

Lepremier écusson, à fond d’azur, est écartelé en quatre quartiers. La première section est palée de six pièces (c’est-à-dire divisée par six lignes perpendiculaires) chargées de deux hydres qui sont les armes des Joyeuse. La deuxième section porte trois losanges ou fusées, signe héraldique de la famille de Voisins. La troisième section a un lion debout, et la quatrième a un lion accroupi entouré d’une bordure chargée de sept fleurs de lis, qui étaient les armes de Batarnay.

Le deuxième écusson, terminé en pointe à sa partie inférieure, est parti et mi-coupé, c’est-à-dire divisé par une ligne horizontale en deux sections dont la supérieure est coupée par une ligne verticale. Au premier palé, figurent six pièces ou lignes perpendiculaires chargées de deux hydres. Au deuxième, on voit un lion debout. Au troisième, figurent deux fusées chargées d’un lambel. (Le lambel, en langage de blason, est une espèce de brisure, indiquant qu’il s’agit d’une branche latérale de la famille).

Ces écussons ont été complètement effacés pendant la révolution. Mais nous avons pu les reproduire parce qu’ils figurent encore, bien qu’à l’état fruste, sur l’entrecroisement des arêtes de la voûte de la chapelle du château et aussi sur le sceau de la famille de Joyeuse appliqué sur des actes dont nous possédons l’original.

A l’extrémité du portique dont nous venons de donner la description, on trouve, à côté de la Tour d’Aude, un escalier monumental en pierre de taille tournant en hélice, destiné à desservir les bâtiments du côté du nord et du couchant. C’est escalier, contigu à la cuisine, paraît avoir été plus spécialement affecté au service du château.

Un escalier tout-à-fait semblable, mais dont l’hélice se développe dans une tour à facettes placée dans l’angle opposé de la cour, paraît avoir servi d’escalier d’honneur pour les maîtres du château et leurs invités. Malheureusement le château est demeuré inachevé, et la spirale si élégante de ces deux escaliers s’arrête dans le vide.

La chapelle, dont on voit encore quelques restes, était placée au niveau du sol et communiquait avec la cour par une porte basse qu’on remarque à gauche de l’entrée principale. Elle prenait jour sur la cour par deux petites ouvertures dont l’une est en ogive un peu obtuse.

Au fond de la cour, un vaste rez-de-chaussée, exhaussé de trois marches, contenait d’un côté, une cuisine que l’on appelle les Fours, car il en existe encore deux qui sont presque démolis. De l’autre côté, une vaste pièce servait de buanderie et de bûcher. Ces deux pièces ont leur entrée séparée dans la cour et prennent jour sur la rivière.

A proximité de l’entrée de la chapelle, existe un puits très-profond qui, il y a quelques années, était garni de sa margelle, de deux pilastres et d’une traverse, le tout en pierre de taille.

Enfin, en face de l’entrée principale, s’ouvre une grande porte qui, par un escalier de quelques marches, donne accès dans les caves. Ces caves sont une des parties les plus intéressantes du château. Les murs et les voûtes sont d’une grande épaisseur et formés de puissantes assises de pierre de taille. Ces caves sont divisées en divers compartiments que séparent des murs très-solides, percés à leur partie centrale d’une porte assez large. On ne peut en visiter qu’une partie, parce que les crues fréquentes de l’Aude y ont déposé successivement des couches de limon qui ont exhaussé le sol et obstrué une partie des couloirs de communication. Il est présumer que ces caves ont leur prolongement sous les diverses parties du château et communiquent sous les quatre tours.

Comme le rez-de-chaussée, le premier étage des quatre corps de logis sur des voûtes. Ces bâtiments communiquent entre eux sans entrer dans les tours. Celui qui fait face au levant ne forme au premier étage qu’une vaste pièce qui était la salle d’honneur destinée aux grandes réceptions. Elle est en bon état de conservation : on l’appelle la Galerie. Elle est complètement isolée et ne communique avec les bâtiments voisins que par deux gracieux balcons en forme d’encorbellement. La même disposition est reproduite à l’étage supérieur.

Le premier étage des autres parties du château était distribué et aménagé suivant les nécessités des habitudes aristocratiques du seizième siècle. Mais aujourd’hui on ne remarque que de vastes salles, hautes de plafond et garnies d’immenses cheminées. La même disposition se retrouve au second étage. Voici l’explication de cette uniformité : dans les premières années de la Révolution le château était devenu une propriété nationale, les administrateurs du département reçurent l’ordre d’approprier cet édifice pour en faire un hôpital militaire destiné à recevoir les malades et les convalescents du corps d’armée qui opérait dans les Pyrénées-Orientales, sous les ordres des généraux Dugommier et Dagobert. Un groupe assez nombreux de militaires malades venant du théâtre de la guerre fut installé dans les salles nouvellement appropriées. Le service sanitaire fut organisé dans le château, et des médecins militaires soignaient les malades et les blessés. Mais cette guerre ayant été de courte durée, et les Espagnols ayant été bientôt refoulés au-delà de la frontière, ordre fut donné de suspendre les travaux d’appropriation; mais on ne rétablit pas les portes et les cloisons qui avaient été démolies pour créer de grandes salles. Il est donc presque impossible de reproduire par la pensée les dispositions intérieures de cette demeure seigneuriale, et cela est d’autant plus regettable que l’on ne peut, par conséquent, se rendre compte de la partie mystérieuse ou secrète qu’elle recélait, comme tous les anciens châteaux; car les architectes ne négligeaient jamais de ménager des retraites assurées en cas d’un siège ou d’une attaque. La seule chose que nous avons pu reconnaître ce sont les vestiges d’un escalier secret qui du côté du nord communiquait du premier au second étage. Nous avons aussi remarqué près de l’une des tours une cachette pratiquée à côté de deux tuyaux de cheminée juxta-posés.

Ainsi que nous l’avons déjà expliqué, les tours n’étant pas engagées dans la bâtisse principale, y sont reliées par un pan coupé que forment les quatre angles, pan coupé très-étroit consistant en une petite porte à chaque étage. Le bois n’entre pour rien dans la construction des tours, et chaque étage repose sur une voûte des plus épaisses. Les deux tours du midi et du couchant n’offrent rien de remarquable. Il n’en est pas de même des deux autres.

Celle du nord ou Tour d’Aude, construite dans le lit de la rivière qui la baigne de tous les côtés, renferme à son rez-de-chaussée la prison du château, où l’on pénètre par une porte solidement verrouillée qui est placée sur les premières marches de l’escalier du nord. Cette prison se compose d’abord d’une cellule suffisamment éclairée et ajourée. Puis on entre dans une seconde cellule qui est dans l’intérieur de la tour, et qui est un véritable cachot. On remarque encore un gros anneau de fer scellé dans le mur. Ce cachot ne prend jour que par une étroite lucarne grillée donnant sur la rivière. Au centre du sol s’ouvre une trappe par laquelle on peut, au moyen d’une échelle, communiquer avec un souterrain placé au-dessous du niveau des basses-eaux du fleuve. On présume que ce souterrain est ce qu’on appelait les Oubliettes. Il est obstrué en grande partie par une épaisse couche de vase. Cette tour servait de prison militaire au dix-septième siècle.

La tour du levant possède aussi un souterrain, dont la destination était différente, et auquel on aboutit par un étroit escalier en pierre. Ce souterrain se prolonge en dehors de l’enceinte du château par un chemin voûté, placé à une grande profondeur sous le sol. Cette voie souterraine est impraticable, car elle est obstruée par des amas de terre et de décombres. Elle aboutit à une grande bâtisse située à une distance de cent mètres environ, et qu’on appelait en langue du temps les Paillès. Cette dénomination s’est conservée jusqu’à nos jours; c’étaient les communs du château, c’est-à-dire les greniers, les magasins, les écuries et les bâtiments d’exploitation des terres de la seigneurie.

Telle est la description, aussi complète que possible, de cet édifice grandiose qui s’appelait le château de Couiza,  dont la construction fut commencée par le vicomte Jean de Joyeuse, et terminée par guillaume de Joyeuse qui, comme son père, avait une prédilection marquée pour cette résidence seigneuriale.

Entre le château nouvellement edifié et l’ancien manoir, contigu au moulin, s’étendait une cour extérieure, qui était en même temps la place d’armes du château. Le vicomte Jean de Joyeuse fit de l’antique demeure de la famille de Voisins une maison d’habitation pour son intendant général, ou pour mieux dire pour le bayle de sa baronnie. Puis, comme le château était un vrai palais, n’enfermant dans son enceinte aucun des bâtiments nécessaires, soit pour l’exploitation agicole d’un grand domaine, soit pour le service de ses écuries, et enfin pour servir de réserve ou de magasins destinés à recevoir de grands approvisionnements de toute sorte, il fit construire à côté de la maison destinée à son intendant-général une grande bâtisse qu’on appela les Greniers et les Paillès du château.

Cette construction transformée en usine, il y a environ 190 ans, est dans un état parfait de conservation. Du reste il ne saurait en être autrement, car l’action du temps ne peut se faire sentir sur un pareil édifice, et la main de l’homme aurait même de la peine à le démolir. Ce vaste bâtiments se compose de deux rangs de voûtes superposées et reposant sur des murs qui ont plus d’un mètre d’épaisseur. L’appareil de la maçonnerie, du côté du midi, est le même que celui qui a été employé pour la construction des tours principales du château. Ce sont des pierres cubiques d’un calcaire très-dur travaillées à l’ébauchoir et reliéespar un ciment insdestructible. Cette construction est une véritable forteresse, capable de résister à une attaque à main armée et à l’abri d’un incendie parce qu’il n’entrait pas la moindre parcelle de bois dans ses aménagements intérieurs. Si on fouillait profondément dans le sol des Paillès, on trouverait certainement des caves, aujourd’hui complètement comblées, et, dans ces caves, l’orifice d’une voie souterraine qui communique avec la tour du château la plus voisine, c’est-à-dire la tour du levant, au moyen du souterrain dont nous avons déjà parlé.

Du côté du levant, les Paillès sont adossés à une butte dans laquelle fut creusé ce qu’on appelle la Glacière. Cette glacière, qui existe encore bien qu’encombrée en grade partie de détritus de toute sorte, était-elle réellement destinée à contenir un grand approvitionnement de neige glacée pour les besoins du service du château? C’est bien possible, mais nous n’osons pas l’affirmer. Et, dans tous les cas, l’architecte du château avait été assez mal inspiré en choisissant pour y installer une réserve de glace un mamelon exposé en plein midi et que rien ne protège contre les ardeurs du soleil.

La Glacière est une construction souterraine se composant d’un mur circulaire supportant une voûte en forme de cône légèrement aplati. Elle affecte la forme d’une ruche ou d’une chaumière indienne. Le couvercle de la voûte n’est qu’à cinquante centimètres au-dessus du sol.

Comme le château, la glacière a sa légende ou plutôt son histoire qui nous a été conservée par la tradition locale. La glacière a très-bien pu servir de réservoir à des dépôts de neige pendant les hivers rigoureux, mais, à diverses reprises, elle a eu une tout autres destination. Bien des fois, quand à la suite des guerres de religion, des bandes armées parcouraient la contrée, pillant et rançonnant les nobles et les vilains, la glacière a été transformée en un grenier souterrain. Elle est devenue un de ces silos où les Arabes enferment leurs céréales, une de ces caches où les chasseurs et trappeurs des savanes du Nouveau-Monde (Canada) abritent leurs armes et leurs fourrures. Dès qu’un parti de routiers ou de malandrins était signalé dans la contrée les seigneurs du château et les habitants du bourg de Couisan s’empressaient de transporter dans la glacière tout ce qu’ils avaient de précieux, sans compter des provisions de toute sorte. Ce grenier souterrain était assez vaste pour contenir tout ce qu’on lui confiait. Et ce qui est remarquable, c’est que jamais le secret de cette cachette ne fut dévoilé, c’est que jamais un acte de trahison ne vint compromettre la sécurité et la prudence de ceux qui avaient confié au souterrain de la glacière leurs modestes épargnes et leurs provisions de l’année.

 

 

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