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LES COULISSES DE LA FINANCE

 

 

Le 1 juillet 1883

 

Au moment où la Bourse avait une tendance à remonter, il est survenu une série de faits qui ont de nouveau jeté le désarroi sur le marché. Nous voulons parler de cette série de mesures dont la situation du Crédit général français a été le prétexte, et qui ne sont, selon toute apparence, que le commencement d’autres mesures plus graves encore.

         Il s’agit cette fois d’une banque qui a passé longtemps pour être solide, et qui avait à sa tête des banquiers bien posés, tels que les Erlanger, les Berthier, les Dreyfus. Le nombre des capitalistes qui avaient eu confiance dans cette Société était énorme. Elle avait établi dans plus de soixante villes de France des succursales, qui allaient jusqu’au fond des campagnes drainer les capitaux du public. Elle avait pour organe une feuille à bon marché qui patronnait toutes les valeurs, et un syndicat qui surélevait d’une manière factice le cours de ses titres. Lorsqu’elle était parvenue à placer dans le public le stock de ses valeurs, elle lâchait les cours qui alors retombaient de deux ou trois cents francs dans la semaine, et les titres devenaient invendables ;. Après s’être livrés à cet exercice deux ou trois fois par an, les directeurs de cette banque étaient parvenus à se faire de bonnes rentes, mais les pauvres diables étaient ruinés.

         Ce sont ces manœuvres que la justice est aujourd’hui chargée de poursuivre. Elle a saisi les livres de la Société au siège social ; elle a même fait des perquisitions jusque chez MM. Berthier et Erlanger lui-même. Une instruction est commencée : le bruit a même couru que les arrestations avaient été faites.

         Que sortira-t-il de cette instruction ? nous l’ignorons. Mais ces mesures entretiennent dans le public une défiance bien légitime, qui nuit aux affaires sérieuses, et qui retarde l’heure d’une reprise. On assure d’ailleurs que le Crédit général français est loin de clore la série, et que d’autres établissements sont sur le point de subir le même sort. S’il en est ainsi, il n’y a qu’à attendre : il est même à désirer que la justice prenne des mesures plus générales pour couper court au mal d’un seul coup. Quand le terrain aura été complètement déblayé, quand les banques véreuses auront disparue, et qu’il ne restera plus debout que des maisons de tout repos, les affaires reprendront alors infailliblement, et la confiance se rétablira d’elle-même.

 

Le  8 juillet 1883

 

         La lassitude est toujours à l’ordre du jour. On est à l’époque de l’année où tous les capitalistes clôtures leurs opérations et bouclent leurs malles, pour aller dans le voisinnages des montagnes ou sur les bords de la mer respirer un air nouveau.

         La température qui règne sous le péristyle de la Bourse, et les approches du choléra, dont on plaît à annoncer l’arrivée, suffiraient à eux seuls à justifier la stagnation des affaires. Mais le document que vient de publier le ministère des finances au sujet du rendement des impôts, n’est pas de nature à disposer les esprits et à égayer les impressions.

 

*

 

         L’instruction commencée contre MM. Erlanger et Berthier et les autres administrateurs du Crédit général français, poursuit lentement et silencieusement son cours. Des mauvaises langues prétendent que les instructions judiciaires sont toujours mal à l’aise dans le voisinage des millions, mais nous engageons nos illustres financiers à ne pas trop s’y fier. L’exemple des Féder et des Bontoux, et l’exemple non moins célèbre jadis de Mirès, sont là pour donner à réfléchir. Ce qui est probable, c’est que cette instruction sera fort longue, car elle ne comprend pas seulement le Crédit général français, mais encore les Mines de bingham, les Mines de Jemmappe à Auvelay, les Moulins de Corbeil, le Crédit Foncier d’Angleterre, la Métropole, l’Hippodrome et quelques autres entreprises qui ont enrichi les lanceurs, mais qui n’ont pas précisément fait la fortune des actionnaires.

 

 

*

 

 

Le 29 juillet 1883

 

 

         On commence à se préoccuper sérieusement, dans le monde officiel, de cette stagnation persistante des affaires, qui, en dépit de tous les efforts, ne paraît pas près de finir. La chute de l’Union générale n’a pas été un accident dans la vie financière de notre pays ; elle n’a pas été, comme on s’est plu à le dire, le résultat de la coalition d’intérêts rivaux. La crise qui l’a suivie avait son origine dans une organisation vicieuse du crédit public. Aussi, depuis deux ans que cette crise est ouverte, rien n’en fait encore prévoir le terme.

         Ce qui est certain, c’est qu’aujourd’hui, du haut en bas du monde financier, tout le monde désire une reprise des affaires.

         La maison Rothschild a de grandes opérations à lancer, qu’elle ne lancera probablement pas tant que le marché ne sera pas raffermi.  Les grandes institutions de crédit, telles que le Comptoir d’escompte, la Banque de Paris, la Société Générale, le Crédit industriel et commercial, le Crédit Lyonnais, regorgent de papiers et de valeurs qui dorment dans leurs caisses et qu’elles ont absolument besoin de repasser au public, si elles veulent échapper à une catastrophe prochaine. Les grandes Compagnies de chemins de fer, une fois en possession de l’approbation des Chambres, vont avoir besoin d’une campagne de hausse pour placer le milliard et demi d’obligations qui leur est nécessaire pour la confection de leurs nouvelles lignes. Il en est de même des grandes Sociétés industrielles, comme le Suez ou le Panama, dont les travaux vont nécessiter de nouveaux appels au crédit public. Tous ces grands industriels, tous ces grands financiers seront para lysés, tant que les esprits seront inquiets, tant que le public fermera sa bourse. Il n’est donc pas de moyens qu’ils n’emploient pour ranimer la confiance ébranlée, et pour ramener la vie et le mouvement sur le marché endormi.

 

*

 

         Eh bien ! nous croyons que, malgré tous les efforts coalisés, la haute banque et la haute industrie réussiront difficilement dans leur tentative.

         Les procès scandaleux qui ont eu lieu, les plaies que la justice a mis complaisamment à nu, les abus qu’elle a signalés et qui ont été encore grossis par des maladresses intéressées, tout cela a jeté un découragement profond dans la masse du public, qui a pris en dégoût les grandes comme les petites banques, et qui comprend dans un même ostracisme les affaires nouvelles, quels qu’en soient les promoteurs.

         Cette disposition de l’esprit est grave ; et si elle persistait, nous ne serions encore qu’au début des ruines. À la suite de la débâcle de l’Union générale, toutes les banques de quatrième ordre ont été atteintes et ont été obligées de suspendre leur fonctionnement. Après les banques  de quatrième ordre sont venues, celles de troisième ordre, puis celles de second ordre, entraînant avec elles les diverses Sociétés qu’elles avaient créées. Enfin, aujourd’hui, des banques qui passaient pour être de premier ordre, sont elles-mêmes à la veille de tomber. Pour éviter la faillite, elles prononcent elles-mêmes leur liquidation ou cherches à fusionner avec d’autres banques aussi malades qu’elles. C’est une véritable grève des capitaux qui semble s’organiser. Combien de temps durera-t-elle ?

 

 

 *

 

 

Le 26 août 1883

 

         Après les congés nous retrouvons la situation du marché au point où nous l’avons laissé. Chaleur sénégambienne, absence des principaux spéculateurs, stagnation du marché, et, comme conséquence, faiblesse des cours. Depuis quelques jours, un élément nouveau semble s’introduire dans les préoccupations de la Bourse : c’est l’élément politique. Depuis plusieurs mois, cet élément ne comptait pas, on ne voyait à l’horizon aucune complication dont on eût à se préoccuper.

         Mais, depuis huit jours, une certaine inquiétude envahit le monde financier. Les deux affaires de Madagascar et du Tonkin (Vietnam du Nord), qui ne semblaient qu’un incident, prennent de grandes proportions. L’affaire de Madagascar a pris plusieurs séances de la Chambre des communes ; les Anglais s’en occupent avec une véritable passion, et cette affaire cause au ministère Gladstone de sérieuses difficultés. Quant à l’affaire du Tonkin, elle commence à inquiéter. On pourrait bien se trouver  en face d’une véritable guerre. On redoute de grandes dépenses ; on se méfie de l’imprévu. Tout cela n’est pas de nature à rassurer les esprits déjà hésitants.

         En dehors des événements politiques, que personne ne peut prévoir, nous persistons à regarder la situation comme satisfaisante. Les éléments de reprise sont nombreux, et tout fait croire à une fructueuse campagne d’hiver.

 

*

 

Le 2 septembre 1883

 

         Nous avons laissé la Bourse de Paris, la semaine dernière, sous l’impression de deux faits, qui avaient refroidi l’ardeur de la spéculation. Nous voulons parler d’un échec subi par nos troupes au Tonkin (Vietnam du Nord), et des articles belliqueux des feuilles allemandes, qui prêchaient une nouvelle prise de boucliers contre la France.

         Cette semaine, nous assistons à un véritable changement de décors. La défaite du Tonkin se change en une victoire complète, et, ce qui vaut encore mieux, en un traité de paix qui met fin à la guerre. Les menaces des feuilles allemandes aboutissent à une ouverture pacifique du Parlement allemand, qui n’aura à s’occuper que d’un traité commercial avec l’Espagne.

         Sous l’empire de ces deux bonnes nouvelles, malgré la stagnation habituelle des affaires à cette saison, le marché s’est ranimé tout à coup, et une avance importante a été obtenue sur nos rentes. L’espoir est revenu dans le camp de la hausse, et tout le monde voit une importante reprise pour le mois prochain.

 

 

*

 

Le 9 septembre 1883

 

         Nous nous étions un peu pressés en annonçant, la semaine dernière, la fin des hostilités dans le royaume d’Annam (région Sud et Nord du Vietnam). Il paraît, aujourd’hui, que le fameux traité de paix que l’on croyait conclu, n’est nullement reconnu par la Chine, et qu’une nouvelle guerre, plus grave que la première, est sur le point d’éclater avec cette puissance.

         Il faut s’attendre à tout, avec ces pays de l’Extrême-Orient, et c’est parce que la Bourse de Paris s’est un peu trop laissée aller à la confiance, que cette semaine elle a été obligée de faire un pas en arrière. Nous avions recommandé à nos lecteurs de se tenir en garde contre les retours de la politique, et les événements ont prouvé que nous n’avions pas tort. La politique est la grande ennemie des affaires : lorsqu’elle s’empare de l’esprit d’un marché, on ne peut jamais compter sur un mouvement de longue durée ;

         En présence des nouvelles qui arrivent du Tonkin, le marché, un instant rassuré, retombe dans toutes ses incertitudes. Pour comble de malheur, le public habituel de la Bourse est très éclairci par les vacances ; les partisans de la baisse ont pu facilement exploiter les mauvaises nouvelles qui ont été transmises par le télégraphe. Cette situation va-t-elle s’améliorer ou s’aggraver ? C’est ce qu’il est impossible de prévoir. Nous devons cependant dire que les esprits plutôt mal impressionnés. On craint que cette entrée en scène de la Chine ne cache quelque piège, qui aura échappé à notre diplomatie. Il importe donc d’attendre quelques jours encore, avant de se prononcer dans un sens ou dans un autre.

 

*

 

Le 16 septembre 1883

 

         Nous retrouvons cette semaine le marché dans la même situation.

         Mais la politique extérieure est toujours là, qui contrarie les meilleures dispositions. On a cru un instant que les difficultés soulevées avec la Chine étaient arrangées, mais on n’a pas tardé à s’apercevoir combien ces espérances étaient prématurées. Paralysé par les nouvelles contradictions mises en circulation, le marché est en quelque sorte resté stationnaire.

 

*

 

Le 23 septembre 1883

 

         Décidément, les affaires du Tonkin prennent une tournure inquiétante. Le gouvernement français avait compté avoir raison des Annamites (Vietnamiens) en quelques semaines ; il avait pensé que l’envoi de quelques milliers d’hommes suffirait pour terminer la campagne ; et voilà qu’au lieu des troupes désorganisées de l’Annam il se trouve en face de la Chine, et qu’au lieu d’une expédition de quelques semaines, il se trouve engagé dans une campagne meurtrière, qui exigera peut-être beaucoup d’hommes et d’argent, et dont le dénouement est incertain.

 

 

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Le 7 octobre 1883

 

         La situation politique pèse lourdement sur les transactions.

         Malheureusement la baisse s’étend sans exception sur toutes les valeurs de la cote.

         Les complications se succèdent et malgré tous les efforts de la haute banque, la faiblesse s’accentue de plus en plus, et les minces progrès réalisés à la petite Bourse du soir sont complètement détruits le lendemain dès l’ouverture du marché officiel.

         C’est surtout de l’étranger et de la province qu’affluent les ordres de vente.

         Les spéculateurs allemands vendent à tour de bras et la contre-partie faisant défaut, les cours réactionnent sensiblement.

         Indépendamment de la situation générale qui, comme nous le disions, ne comporte pas la hausse, les baissiers ont exploité avec ardeur les derniers incidents politiques et ils triomphent facilement sur toute la ligne. Le peu d’écart des primes montre d’ailleurs que l’opinion générale compte peu sur une prochaine reprise.

 

 

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Le 21 octobre 1883

 

         A la veille de l’ouverture des Chambres et au lendemain des visites ministérielles en Normandie on espérait, conformément aux traditions, une hausse accentuée ; mais il n’en est pas ainsi, l’amélioration obtenue a été légère et elle sera très probablement perdue si un incident politique d’une certaine gravité vient à se produire.

         Aussi est-il absolument impossible d’asseoir avec quelque certitude des prévisions sur le sort de la liquidation qui restera entièrement subordonnée à la tournure et à l’issue des débats qui auront lieu à la chambre.

 

 

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Le 28 octobre 1883

 

         Le parlement a ouvert ses séances mardi dernier. À en juger par le langage des journaux intransigeants, la rentrée des Chambres devait être signalée par des débats orageux, par une lutte acharnée de l’opposition contre le ministère. On devait lui reprocher à l’extérieur son aventure du Tonkin et ses imprudences ; à l’intérieur sa politique de réaction, son aplatissement dans l’affaire espagnole, son refus de convoquer les Chambres, et les plus ardents parlaient même de mettre le président du conseil en accusation.

         Comme  il arrive souvent, lorsqu’on prédit les événements d’avance, la montagne a accouché d’une souris. Jamais rentrée de Parlement n’a été plus calme, nous dirons presque insignifiante.

 

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Le 18 novembre 1883

 

         La prochaine visite que l’empereur d’Autriche doit rendre au roi Humbert à Turin (Italie), et celle que le prince impérial d’Allemagne doit faire au roi d’Espagne, inquiètent vivement le marché qui attribue ces déplacements au plan d’une alliance politique de plus en plus étroite, dirigée contre la France.

         À cette préoccupation, vient se joindre celle bien naturelle qu’inspire le nombre toujours croissant des faillites et l’imminence d’un emprunt dans les circonstances aussi défavorables que celles que nous traversons.

 

 

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Le 25 novembre 1883

 

         Les dispositions paraissent sensiblement meilleures.

         On semble ne plus accorder aux bruits mis en avant par la spéculation à la baisse qu’une médiocre confiance, et on assure, en outre, qu’un syndicat des plus importants vient de se constituer pour donner la chasse au découvert, relever le niveau de la cote et faciliter ainsi le succès des émissions qui se préparent.

         Le gouvernement qui, dès le commencement de l’année 1884, aura à émettre un emprunt d’environ 350 millions, cherche, dit-on, à ramener le calme dans les esprits et à s’entendre avec la haute Banque pour réaliser le programme des conventions de chemins de fer qui comprend l’exécution de travaux, nécessitant une émission de 400 millions.

         Avec elle en cours de Crédit foncier de France, c’est près d’un milliard qui sera demandé à l’épargne à bref délai.

         Apportera-t-elle à le souscrire l’empressement qu’elle a montré jusqu’à présent ?

         Il est permis d’en douter, surtout si l’affaire du Tonkin déjà très préoccupante, vient à s’aggraver, et si l’hostilité de la Chine se manifeste ouvertement.

         Autant que personne nous souhaitons la reprise des affaires, mais une longue expérience ne nous permet pas de confondre nos désirs pour la réalité.

 

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Le 2 décembre 1883

 

         Politique : Une discussion très intéressante a eu lieu cette semaine à la Chambre sur la question du cumul. Un certain nombre de députés, mécontents de voir quelques-uns de leurs collègues cumuler diverses fonctions salariées, avaient formulé un projet de loi pour mettre un terme à ce qu’ils considéraient comme un abus.

         En principe, ce projet de loi avait sa raison d’être. Il est certain que les fonctions de député, pour être consciencieusement remplies, exigent à Paris la présence de ceux qui en sont investis. S’ils sont présidents d’un tribunal en province, ou ambassadeurs à l’étranger, ils ne peuvent remplir à la fois ces fonctions et celles de député, et il y en a toujours une qui est sacrifiée à l’autre. L’indépendance du député s’accommode d’ailleurs fort mal avec d’autres fonctions salariées par l’État. Par cela même qu’un député est fonctionnaire du gouvernement, il n’est plus maître de ses votes, et sa situation subordonnée l’oblige à être le très humble serviteur du ministère. À ce point de vue, il y avait une réforme à faire, et on ne peut qu’approuver la Chambre de l’avoir entreprise.

         Mais si le député ne doit pas remplir en même temps plusieurs fonctions salariées par l’État, il n’en saurait être de même pour les fonctions auxquelles l’État est étranger. On a donc eu tort, selon nous, de vouloir étendre l’incompatibilité jusqu’aux administrateurs des Sociétés industrielles et financières. Vouloir interdire à un ingénieur qui est administrateur d’une Compagnie de chemins de fer ou à un financier qui administre une Société de crédit, le droit d’être député est une de ces absurdités qui ne tiennent pas debout. Il faut qu’une Chambre, appelée à légiférer sur toutes choses, contienne des, spécialités en tous genres. Si elle ne renfermait que des avocats, des journalistes ou des médecins, les questions d’affaires seraient traitées avec une légèreté et une incompétence qui porteraient les plus graves préjudices aux intérêts du pays. Il faut des commerçants pour traiter les questions commerciales, des banquiers pour traiter les questions financières, des ingénieurs pour traiter les questions industrielles. L’administrateur d’une grande compagnie, qui serait forcé d’opter entre des fonctions qui lui donnent cent mille francs par an et celles de député qui lui en donnent neuf mille, n’hésitera pas un seul instant. Il préférera renoncer au mandat législatif, et le Parlement, privé du concours des hommes spéciaux, ne deviendra bientôt qu’une collection de médiocrités qui feront des lois impraticables.

         Nous croyons que dans cette question on doit apporter le moins d’entraves possibles à la liberté des électeurs. Si le suffrage universel est réellement la base de notre état politique, on ne doit pas trop limiter son action et lui laisser en définitive la responsabilité du choix de ses mandataires. Il est probable que le Sénat s’inspirera de ces considérations dans l’examen de cette loi dont il est actuellement saisi.

 

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Le 23 décembre 1883

 

         C’est encore à notre conflit avec la Chine et le Tonkin que doit être attribuée, pour la plus large part, l’effondrement qui lundi, a précipité nos fonds publics à 74 15 et 104 20.

         Il a suffi d’une dépêche du Standard annonçant la mort à Hué, du roi Miep-Hoà empoisonné par les mandarins à l’instigation de la Chine, et un prétendu soulèvement contre les Français, pour que le marché, en proie à une véritable panique, perdît entièrement la tête.

         Le désarroi était général et malgré le bon marché des reports, la liquidation a été si difficile qu’il a été procédé à des exécutions de spéculateurs à la hausse, parmi lesquels il s’en trouvait quelques-uns dont le crédit semblait être à l’abri de toute discussion.

         Cette circonstance a contribué, dans une certaine mesure, à accentuer et à généraliser la chute des cours.

 

 

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Le 6 janvier 1884

 

Politique : L’année 1884 s’ouvre donc, pour la France, sous des couleurs assez sombres. Et nous ne parlons pas de la situation commerciale et financière, qui est loin, elle aussi, d’être rassurante.

         Nous ne nous occupons que de la question politique. Il faudra au gouvernement une prudence et une habilité consommées, et aux Chambres un patriotisme éclairé, pour échapper aux difficultés qui nous attendent. Si quelque chose pouvait nous consoler et nous donner confiance, c’est que les autres pays de l’Europe sont entourés de dangers et d’obstacles, qui ne cèdent en rien aux nôtres.

         L’Allemagne, malgré les deux guerres heureuses, qui lui ont permis d’étendre son territoire et de proclamer son unité, est loin d’avoir la sécurité qu’elle affecte. Sa suprématie, due tout entière au succès des armes, menace d’être passagère comme les causes qui l’ont amenée. On la craint en Europe, mais on ne l’aime pas ; elle a peut-être des flatteurs, mais elle n’a pas d’amis. Le militarisme allemand est aujourd’hui un danger universel. La force brutale a présider à la naissance de l’Empire d’Allemagne, et les éléments qui constituent son unité sont hétérogènes. Tant que la main du grand chancelier sera là, l’édifice restera peut-être debout ; mais on pressent qu’au premier revers, un craquement se fera sentir, et l’empire, si péniblement élevé, s’écroulera en un instant. C’est ce qui explique pourquoi M. de Bismarck s’attache avec tant de persévérance à chercher des alliances : son but est moins d’attaquer la France, que de l’empêcher de l’attaquer elle-même.

         La Russie, dont le territoire est si vaste, a aussi ses difficultés intérieures. La puissance des czars a perdu de son prestige, et les abus du despotisme ont fait naître un besoin de réformes, qui, dans un  moment donné, pourrait bien se transformer en révolution. Le gaspillage règne du haut en bas de l’administration ; ses armées sont désorganisées ; elle manque de chemins de fer et de télégraphes, et ses finances sont dans un état déplorable. Depuis la mort de l’empereur Nicolas, ce vaste empire est travaillé par un mal intérieur, qui ne cessera que par l’enfantement d’un régime nouveau.

         L’Autriche, depuis la dissolution de la Confédération germanique, n’occupe plus, en Europe, le même rang qu’autrefois. Battue successivement à Solférino et à Sadowa, elle s’est vue peu après rejetée vers l’Orient, où un choc prochain se prépare entre elle et la Russie. Ses populations sont composées de races différentes, qui se détestent mutuellement, et qui ne sont attachés que par de faibles liens au pouvoir central. Elle a constamment à lutter contre des insurrections partielles ; après avoir dominé l’Allemagne, elle est aujourd’hui réduite au rôle d’obligée vis-à-vis de la Prusse.

         L’Espagne, que la politique de M. de Bismarck a cherché à entraîner dans une ligue contre la France, est actuellement en proie à une agitation qui est l’indice sûr d’une révolution prochaine. Tandis que le pays aspire vers la liberté, et qu’il réclame les réformes politiques les plus radicales, le jeune monarque, entraîné du côté opposé par des influences néfastes, se déclare partisan d’une politique rétrograde, et arbore franchement le drapeau de la contre-révolution. Un choc paraît inévitable entre le peuple et la monarchie, et les prochaines dépêches annonceront peut-être que la guerre civile est commencée. Ce n’est plus qu’une question de jours.

         L’Italie et l’Angleterre ne sont pas plus que les autres pays à l’abri des préoccupations de l’avenir ; Les idées républicaines gagnent du chemin en Italie, et diverses provinces, telles que la Toscane et les Deux-Siciles, ne sont pas sans regretter quelquefois l’époque où elles étaient indépendantes. Depuis la proclamation de l’unité italienne, les impôts ont triplé en Italie, et les Italiens s’aperçoivent un peu tard que tout n’est pas bénéfice pour un peuple lorsque, pour être mis au rang de grande puissance, il est obligé d’entretenir une armée de 1.200.000 hommes.

         Quant à l’Angleterre, elle est en ce moment, aux prises avec deux grosses questions qui troublent son sommeil. C’est d’abord l’Irlande qui est sans cesse en révolte, et le fénianisme qui a de nombreuses ramifications jusqu’au centre même de la capitale, où la dynamite a fait son apparition. Il y a ensuite l’Égypte, dont la pacification  coûte des sommes énormes, et la guerre du Soudan, qui va exiger, selon toute probabilité, l’envoie d’une nouvelle armée. De quel côté que l’on tourne ses regards sur la carte de la vieille Europe, on ne voit partout que des nuages noirs, que des causes de troubles et d’inquiétude. L’état de malaise n’est pas inhérent à la France seule. À tout prendre, la situation de la France, si difficile qu’elle soit, n’a rien à envier aux autres ; et si quelque chose peut nous consoler  des préoccupations  et des soucis qui nous assiègent, c’est de songer que nos voisins n’en ont pas moins que nous.

 

         Jules Brisson

 

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