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 Par Denise FLOIRAS

Jeanne de Saint-Remy de Valois - comtesse de La Motte

Jeanne de La Motte

(auteur de l'escroquerie du collier de la reine)

 

A la veille d'être arrêtée, elle dînait à Clairvaux (Aube)

 

 

Jeanne de La Motte de Valois 

 

Jeanne de La Motte de Valois

 

Avant de lire les aventures de Jeanne de la Mothe-Valois de Saint-Rémy, nous croyons devoir prévenir les cyber-lecteurs, que dans le Bar-sur-Aubois (Aube), il existe deux familles différentes de « de la Motte » ; l’une, dont le mari de la Comtesse, est  une famille honnête, mais bourgeoise, et point du tout alliée à l’autre ; la seconde, dont la noblesse très-ancienne se perd dans l’obscurité des temps, était autrefois établie à Braux-le-Comte. MM. de la Motte en étaient Seigneurs ; ils possédaient encore les Terres de Trannes, de Jessains et d’Arsonval , (Aube), avec plusieurs autres fiefs considérables. Autant distingués par leur mérite personnel, que par leur naissance et les hautes alliances qu’ils avaient contractées, ils ont toujours cru devoir suivre le parti des armes ; ils ont perdu une partie de leurs biens au service. Un rejetton de cette ancienne maison aujourd’hui peu fortunée, est maintenant Officier au Régiment d’Artois, Infanterie, sous le nom de « de la Motte d’Arsonval », et dont la branche a fait souche jusqu’à notre époque, en la famille DARSONVAL, branche vivante actuelle de la Haute-Marne.

             La branche aînée s’est retirée sur les limites de la Lorraine ; elle réside à Enfonvelle, près Bourbonne-les-Bains. C’est afin que l’on ne confonde point les deux familles ensemble, que nous vous faisons part de ce paragraphe. (Voir la généalogie dans le site généalogique de Jean-Claude d’Arsonval.)

 

 ***

 

Un certain soir d'août 1785   

 

          Quelques années avant la Révolution, les religieux de Clairvaux, devenus riches propriétaires et qui ne pratiquaient plus l'ascétisme cher au fondateur, se comptaient tout juste au nombre d'une soixantaine.

          A cette époque, le père abbé, Dom de Rocourt, s'ennuyait loin de l'agitation de Versailles. D'apparence fort agréable, Marie-Antoinette, n'avait-elle pas murmuré, lors de sa présentation à la Cour : "Ah, quel beau moine". Dom Rocourt ne brillait pas par des qualités d'intelligence particulières. Mais il savait recevoir, et invitait beaucoup dans la grande salle à manger du monastère.

          C'est ainsi qu'il accueillit à la veille de la Saint-Bernard et à l'occasion de cette fête, une comtesse devenue tristement célèbre, Jeanne de La Motte, originaire de Fontette (Aube), qui avait acquis un luxueux hôtel à Bar-sur-Aube. Cela n'est pas par hasard que la vie de cette femme a inspiré de nombreux écrivains ou historiens : elle fut plus extraordinairement que le plus passionnant des romans.

          Donc Madame de La Motte arriva à Claivaux, en compagnie d'un ami, également convié par Dom Rocourt, Jacques-Claude Beugnot, jeune avocat, enfant de Bar-sur-Aube.

          Or, c'est ce soir là, au début du dîner, que la rayonnante comtesse tomba de son piédestal, en apprenant de la bouche de l'abbé Maury arrivant de la capitale, l'arrestation de son amant, le cardinal de Rohan, qu'elle avait embarqué, à son insu, dans l'affairedu collier de la reine, la plus grande escroquerie

de tous  les temps.                                                                                      

          Le lendemain, la comtesse était appréhendée à Bar-sur-Aube et emprisonnée.

 

Ainsi commence ce récit : 

 

          Dans la région Baralbine (Bar-sur-Aube - Champagne), et particulièrement dans l'Est-aubois, le mois d'août ne dispense pas toujours le chaud soleil dont rêve la France en vacances.

Il arrive qu'en cette période, symbole de jeux d'été, la pluie assombrisse les journées. Et parfois même, la température est si fraîche, le matin si brumeux, que, par ici, les gens déclarent volontiers :

       - Tiens, voici déjà le temps des vendanges qui s'annonce...

          Mais il est aussi, heureusement, des août triomphants  secs, à peine rafraîchis par une agréable brise crépusculaire, annonciatrice de nuits lumineuses et de feux d'artifice d'étoiles filantes.

          J’aime à imaginer un de ces soirs splendides, un beau soir bleu marine et or, pour composer le décor de l’ultime scène jouée dans l’Aube par la comtesse de La Motte, vivant ses dernières heures de liberté.

          Sur la route qui relie Clairvaux à Bar-sur-Aube, dans une luxueuse voiture marquée aux armes des Valois, tirée par quatre chevaux, avec dux laquais assis derrière la caisse, et, à côté du cocher, un noir en costume chamarré dont la tâche consiste à abaisser le marchepied quand Mme descend, Jeanne de La Motte, installée auprès d’un jeune homme, Jacques-Claude Beugnot, demeure silencieuse et tendue. Ses mains qui tremblent un peu traduisent sa nervosité. Pour elle, la journée s’achève moins agréablement qu’elle n’a commencé.

 

          Que lui importe, tandis que la voiture l’emporte vers Bar-sur-Aube le spectacle que lui ofrirait  la nature, si elle prenait le temps de faire arrêter les chevaux un instant, afin de marcher un . Et peu, pour tenter de retrouver son calme... Elle pourrait contempler le ciel scintillant d’étoiles, écouter le murmure de l’Aube bien distinct quand, au hasard d’une courbe, le chemin sinue parallèle à la rivière, arrêter son regard sur la masse sombre des collines plantées de forêts qui, face à elle, et de chaque côté, cernent l’horizon, et distinguer peut-être, au premier plan, des champs moisonnés, et des prés.

 

          Mme de La Motte réfléchit, ne répond même point aux interrogations angoissées de Beugnot. Et Bayet (Bayel – Aube) est vite dépassé. Bientôt, la voiture atteint Bar-sur-Aube dont les clochers sont noyés dans l’obscurité, et stoppe rue Saint-Michel (2) devant le bel immeuble du comte et de la comtesse de la Motte.

 

Si Saint-Bernard de Clairvaux revenait sur terre

 

          Cette faste journée du 17 août, interrompue par un retour précipité avait pourtant débuté sous les meilleurs auspices.

          Dès les premières heures de la matinée, à l’abbaye de Claivaux, se déroulent les préparatifs d’une grande fête et d’agapes organisées pour commémorer la Saint-Bernard. Les festivités s’étaleront sur plusieurs jours.

          Si Saint-Bernard revenait soudain sur terre à ce moment-là, il ne reconnaitrait plus le monastère qu’il a fondé six siècles plus tôt, et serait ébaudi par le comportement des religieux qui l’occupent alors.

          Des bâtiments élevés entre 1135 et 1153 – ce Clairvaux II qui devait, selon lui, représenter l’abbaye cistercienne type, bâtiments devenus nécessaires en raison de l’accroissement du nombre des moines et d’un essor économique rapide et considérable, démarré avec le modeste monastère Clairvaux I – il ne subsiste en cette année 1785 que le cellier et le dortoir des convers. Et les moines qui sont tout au plus une quarantaine alors qu’on en comptait 800 à la mort de Saint-Bernard ont détruit la plus grande partie des locaux pour construire une nouvelle abbaye. L’édifice composé de plusieurs corps de logis, respire le luxe et est entouré de magnifiques jardins.

          Imitant le comportement du père abbé, Dom Rocourt qui mène grand train. Un très bel homme paraît-il, qui a si gracieuse figure que, le jour de sa présentation à Versailles, la reine Marie-Antoinette aurait murmuré :

            - Ah quel beau moine !

          Or ce beau moine s’ennuie un peu à Claivaux. Aussi, lance-t-il beaucoup d’invitations aux gens de sa « cour » ainsi qu’il aime à le dire. Et parmi ses hôtes, ce soir-là, se trouve Jacques-Claude Beugnot.

 

Un baralbin qui deviendra ministre : Jacques-Claude Beugnot

 

          Jacques-Claude est natif de Bar-sur-Aube. Ses parents, Edmé Beugnot, notaire, et son épouse Elisabeth Jeanson, occupent à titre de locataires, une partie de l’immeuble du Petit-Clairvaux à Bar. Après la Révolution, quand les biens de l’église seront à la disposition de la Nation puis vendus, Jacques-Claude achètera ces biens nationnaux et transformera le Petit-Clairvaux en un hôtel particulier.

Dès sa naissance, toute la famille sait que Jacques-Claude deviendra avocat. Il commencera le droit chez son père, puis poursuivra ses études à Troyes, et enfin à Paris.

          En cette année 1785, il exerce sa profession depuis déjà trois ans, tantôt dans la capitale, tantôt au service des Baralbins qui l’ont connu tout enfant. Plus tard, il comptera parmi les personnages importants de l’etat, député à l’Assemblée Législative, de tendance modérée, il entrera au Conseil d’Etat sous le Consulat et occupera un poste élevé dans l’Administration sous l’Empire, avant de devenir pour peu de temps, ministre de la Marine sous Louis XVIII.

Sans doute avait-il eu la sagesse de ne pas trop se marquer politiquement, puisqu’il participa à tous les régimes qui se succédèrent en cette période tourmentée. Il mourut

 

          Au souper de Dom Rocourt, Jacques-Claude apporte le charme de ses 24 ans. Ses beaux yeux et sa grande bouche sensuelle plaisent aux femmes, mais bien qu’on lui connaisse des relations féminines à Paris, personne ne songerait à le qualifier de débauché.

          Figure notamment dans son entourage, une charmante personne qu’on ne manque pas de remarquer lorsqu’elle séjourne dans sa propriété de Bar-sur-Aube. La belle est mariée certes, mais Jacques-Claude joue auprès d’elle le rôle de chevalier servant. Peu d’années auparavant, il a été épisodiquement son amant, sans jamais toutefois bénéficier de l’exclusivité.

 

          Très occupé par les réceptions, très courtisée par les hommes et nullement farouche, cette jeune femme a épousé un gendarme, Nicolas de La Motte, qui du jour au lendemain s’est baptisé comte, si bien que Jeanne peu après son mariage est devenue comtesse après n’avoir été simplement que Mme de La Motte.

D’où sort-elle, cette piquante brune au teint de lait comme on l’aime à l’époque, avec un sourire qui s’ouvre sur de belles dents, un regard bleu très expressif, et pour qui, écrit Beugnot, « la nature en formant sa gorge s’est arrêtée à moitié de l’ouvrage, et cette moitié fait regretter l’autre ».

          L’orgueilleuse comtesse est auboise. Elle a vu le jour à Fontette le 22 juillet 1756 . Dans ce village, sa famille possédait un château déjà en ruine à sa naissance. Jeanne est la seconde fille de Jacques de Saint-Remy Valois, la maison de Saint-Remy Valois possédant la baronnie de Fontette. (Voir sa généalogie sur le site de Jean-Claude : http://www.planete-genealogie.fr/Geneateur34/

 

Descendante d’un bâtard d’Henri II

 

          Ah, si Mme de La Motte ne s’était appelé de SAINT REMY VALOIS, peut-être n’eût-elle jamais commis une des plus grandes escroquerie de tous les temps. Et simple épouse de gendarme, l’histoire l’eût ignorée... Même si, au tableau de ses aventures galantes avait figuré un prince de l’église, le cardinal de Rohan...

 

          Mais Jeanne possède de royales origines. Pour son malheur.

          Deux siècles plus tôt, le roi Henri II, époux de Catherine de Médicis, et amant à vie de Diane de Poitiers d’au moins 20 ans son aînée, rencontre Nicole de Savigny, dame de Saint-Remy, de Fontette, de Beauvoir, de Noé et de Châteauvillain, avec qui il noue une liaison. Brève sans doute, car Diane de Poitiers veille. Cependant le roi a eu le temps de faire un bâtard à cette gente dame...

          Et vers 1560, alors qu’il est déjà mort, son fils naturel, Henri-Monsieur, encore enfant, vient habiter au château de Fontette avec sa mère. En 1592, il épousera une veuve, Chrétienne de Luz. La descendance dut assurée, et ainsi vit le jour en 1717, Jacques de Saint-Remy de Luz, issu au 6ème degré d’Henri II et Nicole de Savigny.

 

          Jacques de Saint-Remy ne se révèlera pas le père qu’aurait pu souhaiter Jeanne, obnubilée durant toute sa vie par un nom qu’elle imaginait prestigieux, auquel d’ailleurs un sort funestre s’était attaché.

          On se souvient en effet, qu’Henri II était mort, tué par Montgomery dans un tournoi (prédiction de Nostradamus) ; après lui, le règne de chacun de ses trois enfants fut ensanglanté par les guerres de religion, et le dernier des trois, Henri III, ultime descendant des Valois connu une fin tragique : un moine, Jacques Clément, l’assassina.

          La branche légitime s’éteignit définitivement avec la Reine Margot, première épouse d’Henri IV qui ouvrit l’ère des Bourbons.

Dès lors, les descendants du rameau bâtard de Valois, craignant de porter ombrage à la nouvelle maison régnante, céssèrent d’afficher leur patronyme et prirent celui de Saint-Remy, jusqu’à ce que le grand-père de Jeanne, Pierre-Jean de Saint-Remy, de Luz, ait choisi de redevenir Pierre-Jean de Valois de saint-Remy de Luz.

 

A FONTETTE

 

La grande misère des descendants d’un bâtard d’Henri II

 

          Le père de Jeanne était un bel homme, mais de caractère très faible.

          Il épousa, à 38 ans, Marie Josselle, fille du concierge du château de Fontette, dont il était l’amant depuis plusieurs années et qui lui avait donné un fils quelques mois avant les noces.

          Une domestique, en somme, pour un châtelain... Une mésalliance qui surprendrait, si l’on ne savait que les descendants du royal bâtard tombèrent rapidement dans l’indigence, et que, loin de chercher à se relever par de beaux mariages, ces seigneurs convolèrent tous avec leur servante.

          Ainsi Jacques de Saint-Remy ne dérogea pas à la règle. Pourtant, son père s’est opposé à cette mésalliance ; aussi il quitte Fontette pour épouser Marie Josselle à Langres. Puis, peu après, ayant finalement obtenu le pardon paternel, il revient en terre natale. Le château tombe en ruine ; et peut-être n’est-il déjà plus la propriété des Saint-Remy dont les biens s’en vont depuis longtemps à vau-l’eau.

          Ce château était en fait modeste, flanqué de grosses tours rondes détachées et environnées de fossés, avec une basse-cour, un potager, un verger, quelques arpents de terres labourables, de vignes et de près, plus un pressoir et un four banaux.

          Il était situé à l’extrême sud-est de la rue du château, après l’église. On y arrivait par une avenue plantée d’arbres, à droite, et à l’entrée de laquelle était installée le pressoir, complété d’une vinée ; à gauche se trouvait une remise pour les voitures.

          La maison seigneuriale formait un bâtiment rectangulaire d’une dizaine de mètres de large sur seize de façade ; à l’est et à l’ouest une grosse tour ronde du même diamètre que d’épaisseur du bâtiment. Au sud-ouest, en équerre, étaient construites les écuries pour les chevaux et les étables pour les vaches ; et enfin un colombier en tourelle. Une grande cour, environnée de fossés qui formaient un quadrilatère. La ferme et les communs se trouvaient à l’ouest du château, séparés du cimetière par une ruelle.

          Subsiste aujourd’hui de cet ensemble, l’ancienne ferme, constituée d’une grande demeure de pierre, de belles proportions, dont l’épaisseur des murs atteint presque un mètre. Son propriétaire dispose de salles très vastes, voûtées en croisées d’ogives et agrémentées d’immenses cheminées.

 

Jacques de Saint-Remy et sa famille, on va le voir, ne connaissaient pas autant de chance.

 

La famille Saint-Remy dans une chaumine

 

          De retour à Fontette, le couple, flanqué d’un petit garçon de quelques mois, prénommé Jacques comme son père vit, dans des conditions lamentables.

          Il occupe une misérable chaumine, louée au maréchal-ferrant, un sieur Durand, et par une petite trappe qui tient lieu de fenêtre, les gens du voisinage viennent apporter une soupe ou les reliefs d’un repas à ces trois malheureux. Pour se chauffer, le descendant d’Henri II vole du bois, pour nourrir les siens, il dérobe des fuits et cueille même les fruits sauvages quand il ne trouve pas mieux.

          Et l’épouse dans tout cela ? Hélas, Marie Josselle, très belle physiquement, offre moins d’attraits moralement. Intrigante, inconstante, vindicative, elle boit sec et se montre fort complaisante avec les hommes qui paient. Pour la dépeindre d’une seule phrase : c’est une moins que rien.

          Après le garçon né avant mariage, elle va donner encore trois filles à son mari : Jeanne – la fameuse Jeanne – née en 1756, Marie-Anne qui voit le jour l’année suivante, et enfin Marguerite-Anne de deux ans plus jeune.

          Les enfants vivent enfermés dans leur masure, sans pain souvent, et sans vêtements, et Marie ne leur dispense pas la chaude affection maternelle qui pourrait adoucir leur triste condition.

          Marie Josselle dont la vanité ne s’accorde guère à ces conditions d’existence, songe à tirer partie de la généalogie royale de son époux, et chaque jour lui répète qu’il leur faut quitter fontette pour tenter de se faire reconnaître par le roi, à la cour de Versailles.

          Au printemps de 1760, Jacques de Saint-Remy finit par céder à ses objurgations, et décide que la famille va se rendre dans la capitale.

          Le départ a eu lieu à l’Aube, avant le lever des habitants que saint-Remy et son épouse ne tiennent pas à rencontrer. Discrétion tout à fait compréhensible, puisque le dernier geste du père de famille aurait de quoi choquer le plus pauvre des villageois. Il a en effet placé la toute jeune Marguerite-Anne dans un panier qu’il a suspendu à la fenêtre de son propriétaire, M. Durand. Le bonhomme découvrira le bébé à son réveil. Les Saint-Remy, alors, seront déjà loin...

Jamais plus ces va-nu-pieds ne reviendront à Fontette, sauf Jeanne, beaucoup plus tard.

          Jacques de Saint-Remy Valois mourra très vite, et son épouse, rapidement consolée, disparaîtra avec un soldat, abandonnant ses trois enfants. Livrés à la rue, ils mendieront, ainsi qu’elle le leur a appris auparavant.

          L’auteur nous fait revivre ces durs moments vécus par la famille Saint-Remy, puis les malheurs des orphelins, et raconte comment la chance leur sourit enfin, grâce à la  charitable marquise de Boulainvilliers qui les recueille.

          Puis nous découvrirons Jeanne adolescente, perpétuellement insatisfaite de son sort, indigne, pense-t-elle de sa royale ascendance. Enfin, atteignant ses 24 ans, et après un séjour au couvent de Longchamp qui s’élevait à l’emplacement actuel du champ de course de Paris, elle arrive à Bar-sur-Aube.

          C’est là que nous la retrouvons.

 

Premier séjour à Bar-sur-Aube

 

          En ces années-là, tandis que certains nobles vivent dans un luxe que symbolisent les fastes de la Cour, la plupart des citoyens souffrent d’une grande pauvreté.

          A Bar-sur-Aube, la misère est grande, et des mères abandonnent leurs enfants nouveau-nés, faute de pouvoir les nourrir. Il n’est pas rare de découvrir un bébé sous le porche d’une église.

          D’ailleurs, les soeurs de l’hôpital Saint-Nicolas se plaignent que la gestion de l’établissement est gérée par les avances consenties pour les dépenses des enfants trouvés, avances prises sur le revenu des pauvres, et qui ne sont remboursées par les receveurs que dix mois plus tard.

          Il serait nécessaire, exposent les religieuses « que ces messieurs des finances reçoivent des ordres précis pour qu’ils accélèrent les remboursements ».        

          Aussi demandent-elles aux membres de la municipalité « qui sont par leur état les pères du peuple, et particulièrement des pauvres » d’intervenir en ce sens.

          On dénombre alors 630 feux à Bar-sur-Aube, soit environ 3000 habitants. La ville dépend de l’intendance de Châlons-sur-Marne (Chalons en Champagne) ; elle est le siège d’un grenier à sel relevant de la direction de Langres, cité où réside également l’Evêché auquel Bar et ses environs sont rattachés.

 

Le chômage déjà

 

          La situation financière de la ville n’est pas plus brillante. Cependant, divers travaux sont effectués pour tenter d’améliorer la vie des gens, et surtout pour occuper les sans-emploi qui évidemment, ne bénéficient comme aujourd’hui d’aucune allocations.

          Au nombre de ces travaux, dits de charité, la création des promenades : Soixante Tilleuls sont plantés au Jard, auprès du cimetière du saint-Esprit ; en novembre de la même année, les places de Mathaux et Châteaux-Gaillard seront entourées de haies, et quelque temps plus tard, on essaiera la pompe à incendie en arrosant les dites haies.

          Dans le même temps, le Conseil demande la création de la route de Bar à Joinville.

          Toujours dans le but d’apporter du travail, l’intendant promet 1200 livres pour l’établissement de la filature de coton et fil à l’hôpital Saint-Nicolas.

          Au moment où Jeanne et sa soeur arrivent dans la ville, l’intendant Rouillé annonce aux officiers municipaux que sa Majesté a autorisé le contrôleur général à accorder 150.000 livres « pour établir des travaux publics afin de faire travailler en hiver, journaliers et artisans qui ont besoin de secours pour se procurer la subsistance. Les officiers municipaux sont invités à faire connaître par délibération, en quoi consisteront les ouvrages que l’on se propose d’exécuter, et à en déterminer le montant ».

          Il ajoute qu’il faut aussi proportionner  le salaire des ouvriers de manière que ce qu’ils gagnent soit toujours au-dessous du prix ordinaire des autres ouvrages afin de ne pas détourner ces salariés de travaux des champs et des manufactures, qui doivent conserver la préférence.

 

Les mendiants : en prison

 

          Ces mesures étant prises, la maréchausée reçoit des ordres sévères pour arrêter et mettre en prison tous les mendiants. Peut-être au moins leur donnera-t-on du pain dans leur geôle, alors que dehors, ils ne peuvent s’en procurer, faute d’argent. Il coûte alors 2 sols 3 décimes les 36 onces, c’est-à-dire le kilo environ puisque l’once équivaut à 30g 5.

          Autre nécessité pour la maréchaussée ; il lui faut sévir contre les contrevenants qui continuent de faire macérer le chanvre dans la rivière d’Aube. Ces messieurs de la municipalité, écologistes déjà, ont pris une mesure d’interdiction. Cette pratique ne sera plus tolérée.

 

A l’auberge de la Tête Rouge

 

          Voici donc les deux demoiselles de Saint-Remy découvrant la ville la plus proche de leur village natal.

          Elles atterrissent à l’auberge de « La Tête Rouge » une enseigne aussi sinistre que l’établissement qu’elle signale. Nulle mention n’en est inscrite dans les archives et Beugnot ne précise pas où elle était installée. Il se contente de laisser entendre que l’endroit était plutôt misérable, assurant que « pas une seule auberge passable n’existe à Bar ».

          Les deux voyageuses ne s’y arrêtent que le temps de chercher une famille qui veuille bien les accueillir.

          La nouvelle se répand vite de la présence de ces demoiselles et de leur nom illustre. Peut-être aussi, Mme de Boulainvilliers a-t-elle adressé un massage à la famille de Surmont. M. de Surmont n’est-il pas le prévôt de la ville ? Et n’occupe-t-il pas avec les siens, une des plus belles demeures, rue d’Aube (immeuble qui abrite aujourd’hui l’hôtel des postes), quartier résidentiel en quelque sorte...

          Cette artère figure parmi les plus anciennes de la ville. Déjà signalée dans les années 1215, elle dessine une belle ligne droite, bordée de résidenses cossues en pierre, dont l’une porte au-dessus de l’entrée, une date : XVI ème siècle, toujours visible aujourd’hui.

          Et quand des touristes ont la bonne idée de faire halte à Bar-sur-Aube, ils découvrent avec intérêt cette partie de la cité et apprécient le charme de ces maisons à l’architecture sobre avec leur portail de chêne à heurtoir qui constituent d’attachants vestiges du passé.

 

Jeanne n’a rien vu qu’elle-même

 

          Curieusement, Jeanne qui a consacré des pages et des pages à raconter sa vie, n’a pas songé un instant à dépeindre, ne serait-ce que succinctement, les lieux où elle vécut. Pas un mot sur Bar-sur-Aube et le bon accueil qu’elle reçut, quand elle débarqua sans argent, ni sur l’atmosphère qu’elle y trouva quand elle revint quelques années plus tard, au faîte de son éphémère gloire. En réalité, Jeanne n’a rien vu dans sa vie qui soit extérieur à elle-même. Son narcissisme atteignait des hauteurs sublimes.

          Pourtant, ellea bien dû flâner du côté des remparts, remarquer qu’en certains endroits, ils menacent de ruine, quand elle prend pension, chez de Surmont. (voir la généalogie). Depuis le début du XVIII ème siècle, les habitants du voisinage ont contracté l’habitude d’en raser une partie, quand ils s’estimaient gênés ; ou ils ont construit une porte, ouvrant ainsi une brèche pour se ménager une sortie.

          Dès 1730, les officiers municipaux ont adjugé à des particuliers la jouissance d’une tour ou le revenu d’une porte. Ainsi, celles d’Aube et de Saint-Michel attribuées en 1760 sont placées sous la responsabilité d’une personne d’un voisinage qui doit les ouvrir dès 4 heures du matin et les fermer à 10 heures du soir en été, et de 6 heures du matin à 8 heures du soir en hiver.

 

 

          SUITE

 

 



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