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Catherine II de RUSSIE

 

Impératrice

 

(Sophie-Auguste-Frédérique)

 

       Catherine est née le 2 mai 1729, elle était la fille de Christiern-Auguste, prince d'Anhalt-Zerbst, et de Jeanne-Élisabeth de Holstein-Eutin. Elle avait épousé le 1 septembre 1745, Charles-Pierre III-Ulric, duc de Holstein-Gottorp, et depuis, est devenu empereur de Russie. Catherine fut reconnue souveraine impératrice le 9 juillet 1762, et son fils unique, Paul Pétrowitch, né le 1er octobre 1754, fut déclaré en même temps, grand-duc et héritier présomptif du trône de Russie. Pendant les derniers troubles, on avait arrêté le duc Georges-Louis de Holstein. Dès qu'ils furent dissipés, Catherine le fit remettre en liberté, et lui donna de plus l'administration des états de Holstein. Biren ayant été rappelé de son exil par Pierre III, elle le rétablit dans son duché de Curlande, et écrivit, le 3 août, une lettre, en sa faveur, au roi de Pologne, Auguste II, pour le remettre en possession de ses états. Charles, fils d'Auguste II, était alors investi de ce duché. Il fut contraint, par son père, de le céder à ce rival. Le comte de Bestuchef, sur la fin du règne d'Élisabeth (fille de Pierre I de Russie, dit le Grand), avait été dépouillé de la charge du grand chancelier. La nouvelle impératrice, persuadée de son innocence, lui rendit cette dignité. Le 3 octobre, elle le fit couronner solennellement à Moscou par l'archevêque de Novogorod.

       Ivan VI, ce fils du prince de Brunswick-Bevern, et d'Anne de Mecklenbourg, fait empereur, l'an 1740, à l'âge de deux mois, et déposé l'année suivante, vivait toujours renfermé dans la forteresse de Schlüsselbourg. Quoique élevé dans une profonde ignorance, et, à ce qu'on prétend, réduit presque à l'état d'imbécillité, c'était néanmoins un instrument propre à être mis en œuvre par des mécontents pour exciter une révolution. Le sort, toujours favorable à Catherine, la défit de cet épouvantail par l'extravagance la plus inconcevable d'un enfant perdu. Mirowitch (c'est le nom du sujet), ukrainien de naissance et sous-lieutenant d'infanterie, homme plongé dans la débauche et ruiné par la dissipation, conçoit le dessein, sans avoir jamais vu le prince Ivan, sans connaître ses dispositions, ni ses facultés naturelles, sans penser même à lui former un parti, conçoit le dessein de l'arracher de sa prison pour le porter sur le trône, comptant par-là parvenir à une haute fortune. Plein de cette idée plus que folle, il se rend à Schlüsselbourg, demande et obtient, malgré ses vices connus, le commandement de la garde qui se relevait chaque semaine. Le voilà donc en état d'agir. La nuit du 4 au 5 juillet, à deux heures du matin, il éveille ses soldats, les range de front, et leur ordonne de charger à balles. Le commandant, au bruit qu'ils font, sort de son quartier, et en demande la raison à Mirowitch. Pour toute réponse, celui-ci lui décharge un coup de crosse de son fusil, et le fait arrêter. Il attaque ensuite, à la tête de sa troupe, le petit nombre de soldats qui gardaient le prince; mais il est repoussé. Furieux, il revient à la charge avec une pièce de canon qu'il avait fait amener d'un bastion. Le capitaine et son lieutenant, s'imaginant alors qu'on leur oppose une force insurmontable, quoiqu'aucun de leur troupe n'eût encore reçu la moindre blessure, prennent le parti de poignarder le prince Ivan qui leur est confié; et cela dans la crainte, ont-ils dit depuis, d'être punis comme traîtres, s'ils le laissaient prendre vif, et dans la vue des maux que sa délivrance attirerait sur la patrie. Mirowitch, à qui le cadavre sanglant est présenté, tombe, à cet aspect, de la fureur dans la pusillanimité, et ne fait aucun effort pour défendre sa liberté. Sa troupe, également consternée, rentre aussitôt dans le devoir. L'impératrice Catherine, instruite de cet événement en Livonie où elle était pour lors, fait partir un lieutenant-général pour aller faire des informations sur les lieux. D'après son rapport, le sénat, les trois premières classes et les présidents de tous les collèges, condamnèrent par un jugement solennel, qui fut exécuté, Mirowitch à perdre la tête sur un échafaud. Quelques-uns de ses complices subirent différentes punitions, et furent incorporés à des régiments qui s'y trouvaient en garnison.

       Assurée de la paix intérieure de l'empire, Catherine tourna son attention sur les troubles dont la Pologne était agitée pour l'élection d'un nouveau roi. Déjà l'étendard de la guerre civile y était déployé. Le prince Radziwill ayant rassemblé sous ses ordres un corps de six mille hommes, la noblesse de Lithuanie forma une confédération, et appela l'impératrice de Russie à son secours. Catherine n'hésita point à se rendre à ses vœux qu'elle avait elle-même inspirés. Bientôt la Pologne se trouve inondée de troupes russes. Le but de l'impératrice et du roi de Prusse, liés ensemble par un traité d'alliance défensive, conclu le 13 avril 1764, était d'obliger les Polonais à prendre un roi dans la nation, au préjudice de la liberté que les constitutions de l'état leur donnaient de choisir un souverain à leur gré, soit un piast, ou naturel du pays, soit un étranger de quelque nation qu'il fût. Ce parti prévalut après quelques combats; et Stanislas Poniatowski, que portaient les deux puissances alliées, fut élu roi de Pologne, le 6 septembre 1764. On s'attendait, qu'ainsi satisfaite, l'impératrice retirerait ses troupes de la Pologne. Mais l'affaire des Dissidents et le démembrement de la Pologne, qu'elle méditait dès-lors, l'engagèrent à les y laisser, et même à les augmenter, pendant le cours de neuf années, pour tenir la nation dans le respect, et l'amener par la contrainte au but qu'elle s'était proposé : politique plus adroite qu'équitable, qui, soutenue par la reine de Hongrie et le roi de Prusse, enleva, l'an 1773, à la Pologne, comme on l'a déjà dit ci-dessus et comme on le répétera encore après ci-après, plus d'un tiers de son étendue, que partagèrent entre elles ces trois puissances.

       La cour ottomane n'avait pas vu sans intérêt pour la Pologne, les violences qu'y exerçaient les troupes russes. Les confédérés ayant imploré sa protection, elle avait ouvert un asile dans ses états à ceux qui s'y étaient réfugiés. Mais ils y avaient été plus d'une fois poursuivis par les oppresseurs de leur liberté. Le grand-seigneurs, irrité de cette violation du droit des gens, fit enfermer, l'an 1768, le ministre de Russie dans le château des sept tours. C'est la manière, comme l'on sait, en Turquie de déclarer la guerre. Un manifeste, que la Russie ne laissa pas sans réponse, vint à l'appui de cette brusque déclaration. On fait, de part et d'autre, les plus formidables apprêts pour attaquer et pour se défendre; mais le succès couronna presque toujours les entreprises des Russes. Leurs premières opérations furent contre Azoph, place démantelée en vertu du traité de 1739, dont la conquête, faite sans efforts, au moi d'avril 1769, rendit très-difficile aux Turcs l'entrée de la Russie par la mer noire. Une puissante armée des Russes, sous les ordres du prince Galitzin, vint ensuite assiéger Choczim, place forte, appartenant aux Turcs, sur les frontières de la Moldavie. Le siège, long et meurtrier, donna lieu à plusieurs actions entre les deux armées ennemies. Le 13 juillet, celle du séraskier de Romélie fut obligée de prendre la fuite devant les Russes. Malgré cet avantage, ceux-ci se voyaient à la veille d'échouer dans leur entreprise, lorsqu'un événement imprévu changea tout-à-coup la face des affaires. L'armée du grand-visir, qui marchait au secours de la ville assiégée, entreprit, le 17 juillet de passer le Dniester sur un pont de bateaux, pour en venir aux mains avec les Russes. Le pont s'étant rompu par l'effet d'une crue subite des eaux du fleuve, les Russes profitèrent de l'occasion pour tomber sur ce corps isolé qu'ils taillèrent en pièces. Consternée de ce revers, après sa retraite, au pouvoir de l'ennemi. On vit dans le mois suivant avec étonnement, ce qui ne s'était pas encore vu, une flotte russe partir du fond du golfe de Finlande pour aller attaquer le Turc dans la Méditerranée, où jamais vaisseau de cette nation n'avait osé pénétrer. Arrivée au port de Copenhague, elle en partit, le 10 septembre, pour continuer sa route par l'Océan. Après avoir passé le détroit de Gibraltar, elle alla relâcher à Port-Mahon, où elle passa l'hiver. Ayant remis à la voile au commencement de février 1770, elle cingla vers la Morée. Mais une tempête, dont elle fut accueillie, obligea la plus grande partie de l'Italie, de la Sicile et de la Sardaigne. Le comte Orlof, commandant en chef de tout l'armement, parvint cependant le dernier jour de février, avec trois vaisseaux de ligne, au cap Matapan, l'ancien promontoire de Ténaré, à l'extrémité méridionale de la Morée. Cet amiral ayant débarqué ses troupes de terre à Maina, non loin du Cap, et à cinquante milles de Misitra, l'ancienne Sparte, les Mainotes, issus des Lacédémoniens, prennent sur-le-champ les armes, et viennent par milliers se joindre aux Russes. Une foule d'autres grecs ne tardèrent pas à suivre cet exemple. Toute la Morée est en mouvement. Les vaisseaux russes, que la tempête avait dispersés, ayant ensuite débarqué à différents points, les Turcs se trouvèrent investis dans toutes les îles de l'Archipel. Les Grecs, se livrant à toute la fureur de la vengeance, massacrent tous les ottomans qui tombent entre leurs mains. Ceux-ci leur rendaient la pareille partout où ils se trouvaient les plus forts. Nous ne pouvons entrer dans le détail de ces horreurs, ni des combats qui se donnèrent entre les armées ennemies, soit sur terre, soit sur mer. Le plus mémorable de ces exploits fut le suivant. Tandis que le bacha de Bosnie défendait la Morée contre les Russes avec des succès variés, leur flotte, commandée par l'amiral Spiridof, fut renforcée vers le milieu d'avril par l'escadre du contre-amiral Elphinston, qui arriva d'Angleterre (c'était un officier anglais qui s'était mis au service de la Russie.) Après quelques avantages remportés sur les Turcs, ils les poursuivirent dans l'archipel où ils s'étaient retirés. Les deux flottes se trouvèrent en présence, le 5 juillet, dans le canal de Scio. Les Turcs, supérieurs en force, étaient couverts par des îles et les rochers du continent. Cependant l'amiral russe ne craignit pas d'attaquer le capitan-pacha, montant la Sultane de quatre-vingt-dix canons. Les deux vaisseaux s'accrochent; les Russes couvent de grenades le bâtiment turc et y mettent le feu; mais atteints eux-mêmes par l'incendie qu'ils ont allumé, et enveloppés dans le désastre de l'ennemi, ils ne peuvent se détacher, et les deux bâtiments sautent à la fois. Il ne se sauva de part de d'autre que les commandants et les principaux officiers. La destruction effrayante de ces deux vaisseaux, et le danger de ceux qui les avoisinaient, suspendirent un moment la fureur de l'action. Elle recommença ensuite et ne finit qu'avec le jour. Les Turcs gagnèrent alors une petite baie où leurs vaisseaux se trouvèrent si resserrés, qu'ils ne purent la plupart manœuvrer. La flotte russe environne l'embouchure du havre (pas celle de France), et deux officiers anglais, le commodore Greig et le lieutenant Dugdale, ayant attaqué l'ennemi vers minuit, le premier avec quatre vaisseaux et deux frégates, le second avec des brûlots qu'il conduisait, vinrent à bout de réduire en cendres la flotte ottomane, après un combat de six heures.

       Ce succès inespéré rendit les Russes maîtres de la mer. Ayant ensuite bloqué le détroit des Dardanelles, ils interceptèrent et ruinèrent par là tout le commerce du Levant. Ils auraient forcé le passage et pénétré dans la Propontide, sans l'habilité d'un ingénieur français, le baron Tott, qui les arrêta. Chargé par la Porte de pourvoir à la défense du détroit, et de mettre les châteaux à l'abri de toute insulte, il s'acquitta si bien de cette commission difficile, qu'aux approches de l'hiver les flottes russes abandonnèrent leur station près des Dardanelles. Telles furent en abrégé les opérations des Russes au midi de l'empire ottoman dans le cours de l'an 1770. Ils n'avaient pas ouvert avec un égal succès la même campagne au-delà du Danube. Obligés, le 25 mars, d'évacuer Bucarest, capitale de la Valachie, ils avaient ensuite abandonné la partie de la Moldavie située sur la rive droite du Pruth. Mais la fortune ayant changé tout-à-coup, un corps nombreux de turcs et de tartares fut battu, le 18 juillet, par le comte Romanzof. Le même général eut un nouveau succès encore plus brillant le 1er août. Il mit en déroute, sur les bords du Danube, l'armée du grand-visir, forte de cent cinquante mille hommes, et se rendit maître d'Ismaïlof. Son exemple piqua d'émulation ses collègues dans le commandement. Le comte Panin emporta d'assaut, le 27 septembre, la ville et le château de Bender, et peu de jours après le comte de Tottleben assaillit, avec le même bonheur, l'importante ville de Kutatis, capitale du petit royaume d'Imerète, situé entre le Caucase, la mer Noire, la province de Guriel et la Géorgie.

       Le prince Dolgorouki se couvrit de gloire, l'an 1771, par la conquête qu'il fit de la Crimée en moins d'un mois, à commencer du 25 juin, jour auquel il commença l'attaque des lignes de Précop, qui passaient pour imprenables, et que le Khan Selim-Guerai défendait à la tête de cinquante mille tartares et de sept mille turcs. Le Khan, désespéré de ce revers, en mourut de regret, peu de temps après, à Constantinople, où il s'était retiré.

L'expédition navale des Russes ne produisit rien d'intéressant en 1771, et à en juger par les effets ce ne fut qu'une guerre de pirates. Elle acheva de ruiner le commerce du Levant, et ne fut pas moins funeste aux Chrétiens qu'aux Ottomans. La peste, qui infecta ceux-ci, se communiqua aux Russes qui la portèrent dans leur patrie où elle fit de grands ravages, surtout à Moscou. Des imposteurs fanatiques de cette ville avaient persuadé au peuple que l'image d'un certain saint guérissait les pestiférés, et préservait de la contagion ceux qui ne l'avaient pas encore contractée. Aussitôt on vit se rassembler autour de l'image du saint, les malades en si grande foule que plusieurs y furent écrasés. Les pestiférés communiquèrent leur mal à ceux qui ne l'avaient pas, tandis que les uns et les autres versaient leurs offrandes dans un tronc que les imposteurs avaient placé devant l'image. Ambroise, archevêque de Moscou, voulant arrêter cet abus, fit enlever l'image et sceller le tronc. Le peuple en fureur court au palais du prélat, et de là dans un monastère où il s'était réfugié. Il l'arrache de l'autel, qu'il tenait embrassé, et le massacre. Un corps de troupes, arrivé trop tard, fait feu sur ces forcenés, et en tue un grand nombre; d'autres furent pris vifs, et condamnés à différentes peines.

       Les campagnes de 1772 et de 1773 se passèrent en guerres de chicane et de négociations pour la paix entre les Russes et les Turcs. On tint l'an 1772, à Foczani, dans la Valachie, à seize milles de Bucarest, un premier congrès où les ministres de Russie étalèrent autant de faste que les Turcs montrèrent de simplicité. Le comte Orlof, chef des commissaires de Russie, y parut tout resplendissant de pierreries, faisant ostentation de ses plaques et de ses cordons. Osman Effendi, du côté des Turcs, avait un doliman de camelot vert, bordé d'hermine, et rien ne le distinguait des autres commissaires ottomans qu'une canne à pomme d'or. Les conférences s'ouvrirent le 15 juillet et finirent au mois de septembre sans qu'on ne pût rien terminer. Elles se renouèrent avec aussi peu de fruit, le 29 octobre suivant, à Bucarest, entre le reis Effendi pour les Turcs, et M. Obrescof, plénipotentiaire de Russie.

       Le grand-seigneur Mustapha III étant mort le 21 janvier 1774, son successeur Mustapha Ahmid, résolu de continuer la guerre, fit l'armement le plus considérable dont la révolte de Pugatcheu lui semblait assurer le succès. Ce rebelle était un cosaque du Don, qui, sans avoir aucune ressemblance avec le feu tzar Pierre III, ose se donner pour ce prince, disant qu'il n'était pas mort, comme le bruit en avait couru, mais qu'il s'était retiré dans un ermitage. Ayant persuadé ce comte absurde aux Tartares du royaume de Kasan, il eut bientôt une multitude infinie de sectateurs, et entr'autres plusieurs nobles du gouvernement d'Orenbourg et des pays voisins. La sédition qu'il excita parut si sérieuse à la cour de Pétersbourg, qu'elle publia, le 23 décembre 1773, un manifeste contre cet imposteur et ses adhérents, et fit marcher le général Bibikof, avec un corps de troupes contre ces fanatiques. Malgré les défaites sans nombre qu'essuya le parti de Pugatcheu, la révolte ne fit qu'augmenter. En vain la cour fit-elle promettre par Bibikof cent mille roubles (450 mille livres), avec tous les ordres de chevalerie, à celui qui livrerait mort ou vif l'imposteur : il ne se trouva pas un seul homme parmi les Tatares, tout barbares qu'ils étaient, qui voulût mériter de si grandes récompenses par une perfidie. Mais ces sentiments d'honneur ne furent pas à l'épreuve des frayeurs de la mort. Des cosaques de Jaïk, faits prisonniers, le 25 août, dans un combat où les séditieux furent entièrement défaits par les troupes du comte Panin, offrirent de découvrir Pugatcheu, qui s'était sauvé avec cent hommes, et de l'amener en vie au général, si on voulait leur accorder leur pardon. L'offre ayant été acceptée, la condition fut remplie, et Pugatcheu fut remis, dans le mois de septembre 1774, entre les mains du général russe qui le fit conduire dans une cage de fer à Moscou. Il expira sur la roue sa rébellion et les cruautés inouïes qu'il avait exercées contre les nobles qui étaient tombés entre ses mains.

       Revenons à la guerre contre les Turcs. Le feld-maréchal Romanzof, chargé de la campagne de 1774, ayant reçu un renfort de dix mille hommes, fit ses dispositions pour le passage du Danube. Le comte Soltykof, fils du vainqueur de Frédéric, débarqua le premier avec sa division, près de Tutukai, la nuit du 16 au 17 juin, malgré la résistance très forte que lui opposèrent les Turcs sur le fleuve et à terre. Les généraux Kamenski et Souwarof passèrent également à la tête de leurs divisions. Ils furent suivis, quatre jours après, par Romanzof avec le reste de l'armée. Soltykof ayant été vivement attaqué, le 20 juin, par le pacha de Rusziek, les Turcs furent obligés d'abandonner le champ de bataille, après avoir fait des prodiges de valeur pendant plusieurs heures. Ce fut la dernière journée où ils donnèrent des preuves de vigueur. Le même jour, le reis effendi ayant marché pour arrêter les généraux Kamenski et Souwarof, est défait sans coup férir; ses troupes, à la vue de l'ennemi, ayant abandonné lâchement leurs drapeaux, pour s'enfuir chacun de son côté, de peur d'être pris. Tout le camp turc, avec une très belle artillerie de bronze, fondue sous la direction du chevalier de Tott, fut la récompense de cette victoire, qui coûta si peu. Dès ce moment le désordre et la mutinerie se mit parmi les armées ottomanes : elles refusèrent l'obéissance aux officiers qu'elles pillèrent et massacrèrent. On fait état de cent quarante mille hommes qui, ayant déserté, se retirèrent vers l'Hellespont, marquant leur route par toute sorte d'horreurs. Le visir, investi dans son camp de Schumla par Romanzof, se vit obligé de demander la paix et de souscrire, le 26 juillet 1774, aux articles que ce général lui prescrivit dans un nouveau congrès. Ils furent plus modérés que la Porte, dans la détresse où elle se trouvait, n'avait lieu de l'espérer: aussi le grand-seigneur et le divan n'hésitèrent-ils point à les ratifier. La cour de Pétersbourg rendit toute les conquêtes qu'elle avait faites pendant la guerre, à l'exception d'Azoph et de Taganrok. Mais elle se fit accorder la liberté de naviguer sur toutes les mers dominées par le Turc, et le passage des Dardanelles, avec tous les privilèges et toutes les immunités dont jouissent les nations les plus favorisées de la Porte ottomane. L'indépendance de la Crimée et des hordes qui en relèvent, fut encore une des clauses du traité.

       La guerre de l'impératrice de Russie avec les Turcs ne l'avait pas obligée de rappeler les troupes qu'elle avait en Pologne. On s'attendait qu'elles aillent évacuer ce pays, lorsqu'en 1772, on vit arriver, en ce royaume, les troupes de la reine de Hongrie et du roi de Prusse, non pour les contraindre à désemparer, mais pour les renforcer. Ce fut alors que chacune des trois couronnes de Vienne, de Pétersbourg et de Berlin, fit connaître les prétentions qu'elle formait sur différentes portions de la Pologne. Abandonnés des puissances alliées et garantes de leurs droits, les infortunés Polonais ne purent que se soumettre. " Le roi, la diète, rien n'osa résister, et la république ravagée, ensanglantée depuis tant d'années, perdit en 1773 plus d'un tiers de ses domaines, et ne put encore obtenir le repos au prix de tant de sacrifices. Les provinces qui composent aujourd'hui les gouvernements de Polotsk et de Mohilow devinrent le partage de la Russie.

       Tandis que Catherine II était le plus occupée à défendre ses états et à les agrandir, elle donnait ses soins pour les policer et les enrichir par de sages réformes et d'utiles institutions. Il n'était aucun pays en Europe où les lois fussent plus incertaines, plus embrouillées qu'en Russie. Les tribunaux y jugeaient sans règle et par conséquent sans équité. Le pouvoir des juges étant arbitraire et sans bornes, ils faisaient, à leur seule volonté, donner la question, ou exilaient en Sibérie. Catherine s'occupa sérieusement de remédier à ces abus. Dès l'an 1767, elle publia des instructions pour la confection d'un nouveau code, qui font encore l'admiration des légistes. Elle établit dans le ministère de la justice diverses cours, ou conseils spéciaux, qui, n'ayant dès-lors une jurisprudence plus uniforme et plus régulière. Toutes les provinces de la Russie, et même les nations barbares qui vivent dans les parties les plus reculées de ce vaste empire, eurent ordre d'envoyer des députés à Moscou pour présenter leurs idées sur les lois qui leur étaient les plus propres. Catherine se rendit elle-même dans cette capitale. L'ouverture des états se fit avec une pompe extraordinaire. C'était un spectacle intéressant et nouveau de voir des députés de peuples nombreux, si différents par leurs mœurs, leur costume, leur langage, étonnés de se trouver ensemble pour discuter leurs lois, eux qui jusqu'alors n'avaient su qu'obéir aux volontés d'un maître que souvent ils ne connaissaient pas. L'impératrice s'était fait ménager, dans la salle, une tribune d'où, sans être aperçue, elle pouvait tout voir et tout entendre. On commença par lire les instructions traduites en langue russe, dont l'original écrit en français, et presque tout entier de la main de Catherine, a été déposé dans la bibliothèque de l'académie de Pétersbourg. Les applaudissements en interrompirent souvent la lecture. Les seuls députés des Samoyèdes osèrent rester sans marque d'admiration. L'un deux même prit la parole et dit : " Nous sommes simples et justes; nous faisons paître tranquillement nos rennes; nous n'avons pas besoin d'un code nouveau; mais faites pour les Russes, nos voisins, et pour les gouverneurs que vous nous envoyez, des lois qui arrêtent leurs brigandages." D'autres séances ne furent pas aussi tranquilles. On avait parlé de donner la liberté aux paysans : ceux-ci commençaient à se rassembler. Des députés ayant laissé entrevoir des idées funestes au pouvoir absolu, l'impératrice se hâta de dissoudre les états. Avant leur séparation, ils discernèrent à cette princesse le titre de Grande et de Mère de la Patrie. Elle fit distribuer à chacun des députés une médaille d'or, destinée à transmettre à la postérité le motif qui les avait fait rassembler, et s'empressa d'adresser son nouveau code à la plupart des souverains. " Semiramis (écrivait à cette occasion le roi de Prusse, au comte de Solms) commanda des armées; Élisabeth d'Angleterre est comptée au nombre des grands politiques; Marie-Thérèse d'Autriche a montré beaucoup d'intrépidité à son avènement au trône; mais aucune femme n'avait encore été législatrice. Cette gloire était réservée à l'impératrice de Russie. " Après ce travail important, Catherine en ordonna un autre non moins utile : ce fut de faire voyager plusieurs savants dans l'intérieur de ses vastes états, à peine connus, pour en observer la position, les productions, les ressources. Pallas et Folk parcoururent les rives de la Volga, et parvinrent jusqu'à Kasan; Gmelin et Guldenstedt visitèrent les bords du Tanaïs jusqu'au Borysthène, et toute les contrées qui s'étendent depuis Astracan jusqu'aux frontières de la Perse. Blaumayer fut chargé de vérifier les découvertes déjà faites dans l'archipel du Nord, et d'en tenter de nouvelles; Valchen-Stedz pénétra dans les gorges du Caucase; Billings, assisté de Hall, de Béring et du fameux mécanicien Edwards, parcourut l'Océan oriental jusqu'aux côtes du Japon. Pallas, dans son voyage, avait recueilli beaucoup d'objets d'histoire naturelle qui formait un cabinet précieux; l'impératrice en ordonna l'acquisition. L'académie de Pétersbourg obtint de nouveaux privilèges; et celle des arts reçut un plus grand nombre d'élèves. Catherine, par son exemple, fit adopter l'inoculation dans ses états : elle invita le grand-duc à l'imiter. Une peste affreuse, qui emporta cent mille habitants à Moscou, et menaçait de ravir le reste, fut arrêtée dans son invasion. Dans le même temps, l'un des plus beaux diamants de l'univers fut acquis par Catherine, d'un grec qui, après l'avoir apporté d'Ispahan, l'avait déposé à la banque d'Amsterdam. Elle le paya 100.000 livres sterlings, et assura en outre au vendeur une pension de quatre mille roubles. La fameuse statue de Pierre Ier, fut inaugurée; un immense rocher brut, transporté avec les plus grands frais des marais de la Carélie à Pétersbourg, lui servit de piédestal. En même temps l'impératrice recevait à sa cour le roi de Suède, l'empereur Joseph II, le prince héréditaire de Pusse; elle accueillait Diderot, et le faisait asseoir à côté d'elle. Des banques publiques étaient ouvertes à Pétersbourg pour les nobles et les marchands, et à Tobolsk pour donner plus d'activité au commerce de la Sibérie. Catherine n'épargnait rien pour la splendeur de la manufacture d'acier de Toula, dont les ouvrages rivalisent de perfection avec ceux d'Angleterre. Elle favorisait les tanneries, les fabriques de fil d'or et d'argent, les fonderies de caractères d'imprimerie; faisait planter le mûrier dans l'Ukraine, et y naturalisait le ver à soie. Pour bannir l'oisiveté, elle établit, en 1782, des courtiers à qui pouvaient s'adresser tous les jours, à une heure indiquée, tous ceux qui demandaient de l'occupation ou des ouvriers, et une maison de travail à Pétersbourg, pour renfermer les paresseux et les mendiants valides; elle affranchit de la capitation ceux qui se livraient au négoce, et les exempta de tirer au sort pour le recrutement de la marine et de l'armée. Elle calma les Tatares Baschkirs qui s'étaient révoltés, et menaçaient de quitter son empire, comme avaient fait les Tourgouts qui, pour éviter les vexations des gouverneurs russes, étaient allés se réfugier en Chine. Elle accorda de grands secours pour rétablir la ville de Twer, presqu'entièrement consumée par un incendie; elle fonda, en 1778, celle de Kherson, sur les bords du Nieper, au dessus de l'embouchure du Bogh; peu de temps après on y vit plus de quarante mille habitants, et il sortait de ses chantiers des vaisseaux marchands et de guerre qui devinrent l'effroi des Ottomans. Le commerce, dans la mer Caspienne et avec la Perse fut favorisé. Malgré les obstacles du Khan Mahmed, les navires russes allèrent échanger leur fer, leur acier, leurs fourrures contre la soie et le coton de Guilan, les tapis de Perse, le schamaï et le lorsas, poissons excellents, et les chiens de mer, dont les Moscivites vendent la peau aux Anglais, et dont ils emploies la graisse à faire du savon. Le commerce avec la Chine ne reçut pas de moindres encouragements. En 1653, des sibériens et des boukares avaient formé des caravanes qui, traversant la Tartarie Chinoise, allaient trafiquer jusqu'à Pékin. Elles y portaient des fourrures, et recevaient en échange de l'or, des pierreries, du thé, des porcelaines; mais ce négoce avait été interrompu. Catherine le ranima. Elle écrivit à l'empereur de Chine, qui consentit à faire de la petite ville de Kiachta le rendez-vous des marchands russes et chinois. Pour faciliter cette communication, l'impératrice fit partir pour Pékin plusieurs jeunes gens chargés d'étudier la langue et les usages de la Chine. Les établissements de la Russie dans plusieurs îles de l'archipel du Nord la rapprochèrent du Japon; Catherine conçut le dessein d'ouvrir une branche de commerce avec cet empire, et accueillit un jeune japonais, jeté par la tempête sur l'île de Cuivre, lequel lui fut amené à Pétersbourg par le docteur Laxmann, et à qui elle donna des maîtres de langues russe et tatare, pour qu'il pût servir d'interprète aux deux nations. D'un autre côté, elle s'empressa de seconder l'empereur, qui désirait la libre navigation de l'Escaut, et de favoriser les voyages dans la mer du Nord pour y tenter le passage aux Indes. Enfin, un immense canal fut commencé par ses ordres pour ouvrir une communication intérieure aux vastes contrées situées entre la Baltique et la mer Caspienne. L'instruction de ses sujets ne fut pas moins l'objet des soins de Catherine. Une commission d'enseignement fut établie; non seulement toutes les villes eurent des maisons d'éducation, mais les campagnes obtinrent des écoles normales sur le plan de celles d'Allemagne, et celle des cinq cents demoiselles russes, fondée dans le faubourg de Saint-Alexandre-Newski, reçu un revenu fixe et annuel. La maison des cadets de terre lui dut son extension. Sept cents jeunes russes y reçoivent tous les principes de l'art militaire, et ne peuvent quitter l'établissement que leur instruction ne soit terminée et complète. Catherine établit encore, 1°, une maison pour six cadets de la marine, qui font chaque année une campagne sur la mer Baltique, et sont sous la direction spéciale d'un amiral; 2°, une autre pour quatre cent soixante jeunes russes destinés au génie ou à l'artillerie; 3°, une pour deux cents élèves grecs, albaniens, italiens ou moscovites, auxquels on enseigne la plupart des langues étrangères, qui, après leurs cours, entre dans le militaire, ou deviennent interprètes au service de la Russie; 4°, trois écoles de médecine et de chirurgie, une école pratique d'accouchement, une autre de clinique; 5°, une école des mines pour soixante élèves instruits aux frais du gouvernement; 6°, une pour les beaux-arts; 7°, une autre spécialement consacrée à l'art théâtral; 8°, enfin une école de navigation, où soixante-cinq élèves apprennent l'hydrographie, l'astronomie, l'architecture navale et la langue anglaise. Catherine, sachant que les peuples de la Russie-Blanche montraient beaucoup d'attachement pour les Jésuites, fonda un séminaire pour cet ordre éteint, et demanda que la cour de Rome le rétablît dans ses états. Pour récompenser le courage et les actions utiles à la patrie, elle institua divers ordres de chevalerie; celui de Saint-Georges, en faveur des généraux qui, commandant une armée en chef, auront gagné une bataille; celui de Saint-Wolodimir, pour ceux qui auront bien servi l'état dans quelque emploi civil.

       Au milieu de ces nombreux détails d'un gouvernement immense, Catherine pacifia l'Autriche et la Prusse, qui se disputaient l'électorat de Bavière. Dans la guerre entre les États-Unis, la France et l'Angleterre, elle conçut et exécuta le plan de mettre les autres états à l'abri des atteintes hostiles, et de faire respecter leurs pavillons, par une confédération de la Russie, du Danemark, de la Suède, de la Prusse, de l'Autriche et du Portugal. On appela cette confédération la neutralité armée. Les Hollandais ayant hésité à s'y réunir, l'Angleterre leur déclara la guerre; mais la médiation de Catherine la termina. C'est alors qu'elle voulut exécuter le projet, qui, depuis longtemps, occupait son esprit, de chasser le turc de l'Europe, et de se faire couronner impératrice d'Orient à Constantinople. Joseph II devait entrer dans son plan; elle le pria d'en venir conférer avec elle, soit à Mohilow, ville de Lithuanie, où elle arriva le 30 mai 1780, soit à Moscou, où l'empereur fut reçu avec une extrême magnificence. Dans leurs entretiens l'attaque des Ottomans fut concertée, ainsi que le partage de leurs dépouilles. Catherine commença, en 1783, à déposer Sahim-Gherai, klan de la Crimée, et à s'emparer de cette péninsule de l'île de Taman et de tout le Kuban. Elle restitua alors à ces contrées leurs anciens noms; la Crimée reprit celui de Tauride, le Kuban celui de département du Caucase. Trente mille Tatares périrent dans cette conquête, soixante mille zaporaviens furent enlevées à leur pays et conduits sur les côtes de la mer d'Azoph et de la mer Noire, où cette colonie fournit aujourd'hui des matelots aux escadres russes dans ces mers. En 1787, le 18 janvier, Catherine part de Pétersbourg pour visiter ces immenses contrées, avec une suite brillante et nombreuse. De distance en distance on avait ordre d'allumer de grands feux pour marquer son passage. Toutes les maisons où elle s'arrêta furent réparées ou bâties exprès pour la recevoir, et meublées à neuf. Après un mois de route rapide, l'impératrice arriva à Kiev, où les princes et nobles polonais vinrent l'accueillir. Des rochers gênaient la navigation du Niéper, on les brisa, et le fleuve reçut cinquante galères magnifiquement préparées pour porter Catherine et sa suite. A Kaniow, le roi de Pologne, voyageant sous son ancien nom de Poniatowski, vient à sa rencontre; il se retira satisfait de l'avoir vue, après avoir reçu d'elle la décoration de l'ordre de Saint-André. Quelques jours après, l'empereur Joseph II la rejoignit à Kaïdek, et l'accompagna dans une grande partie de son voyage. Arrivée à Kherson, Catherine reçut les hommages de ses sujets. Là, elle vit lancer à l'eau un vaisseau de soixante-six canons et une frégate de quarante. A Burschiserai, elle logea dans le palais du Khan des Tatares, et y jouit du spectacle d'une montagne si prodigieusement illuminée, qu'elle parut toute en feu. Conduite à Pultawa, on lui présenta l'image de la fameuse bataille dont ce lieu avait été le théâtre entre le Tzar Pierre Ier, et Charles XII, roi de Suède. Lorsqu'on lui fit remarquer la faute que firent les Suédois : " Voilà donc, s'écria-t-elle, à quoi tiennent les destinées des empires ? Sans cette faute, nous ne serions pas ici. "

       Au retour de Catherine, la guerre ne tarda pas à être déclarée à la Porte. Potemkin fut mis, en 1787, à la tête de l'armée russe; l'amiral Kruse eut le commandement de la flotte. Le premier combat se donna près d'Ockzakow, et les Turcs y furent vaincus. Quelques jours après, le prince de Nassau-Siegen attaqua leur flotte dans le Liman, en brûla trois vaisseaux et en prit plusieurs autres. Tandis que le général Tamara s'empare de la Georgie, que le prince de Saxe-Cobourg, à la tête de l'armée autrichienne, prend Chockzim, et Potemkin, celle d'Ockzakow, le 6 décembre 1788, après six mois de siège, et dont il fait massacrer les nombreux habitants, pour venger la perte de plus de vingt mille russes, que l'opiniâtreté de ce siège lui avait coûté; Kamenskoï brûle Galatza, la plus commerçante ville de la Moldavie; celle de Bender se rend à discrétion; le prince de Galitzin triomphe à Matzin, et Souwarow, après avoir gagné la bataille de Foksan, donne l'assaut à la ville d'Ismaïlow, où il fait passer trente mille turcs au fil de l'épée. Catherine, en apprenant tant de succès, conçut l'espoir de réaliser bientôt le projet de porter, sous un climat plus heureux, le siège de son empire; mais la politique des autres cours de l'Europe vint y mettre un obstacle, et l'impératrice fut forcée par elles à conclure la paix avec les Turcs, par le traité fait à Yassy, en 1792. Les articles fixèrent les limites de la Russie au Niester, confirmèrent les droits des principales villes de la Moldavie et de la Valachie, et assurèrent la tranquillité du département du Caucase. A peine cette paix fut-elle signée, que Catherine, ne pouvant pardonner à la Pologne, ni les actes de la diète, ni celle qui avait été établie à Varsovie le 3 mai 1791, lui déclara la guerre, et détermina le partage définitif de son territoire. La diète reçut cette déclaration avec courage, et ordonna des préparatifs de défense; mais les Polonais ne surent jamais réunir leurs forces, et malgré les talents de Taddée Kosciusko, ils furent bientôt subjugués par les armées russes. Les restes de cet ancien royaume furent partagés entre la Russie et la Prusse. L'impératrice y réunit quelques temps après la Curlande, la Semigale et le cercle de Pilten, qui par acte du 18 mars 1795, se soumirent à elle. Catherine ne songea plus dès-lors qu'au rétablissement de la monarchie française, et au moyen d'empêcher les principes révolutionnaires de cette contrée, de pénétrer dans ses états. Dès le 2 février 1792, elle avait fait une proclamation contre ces principes et les peuples qui les adopteraient. Elle défendit jusqu'à l'introduction des marchandises et des vins de France, et joignit à la flotte anglaise douze vaisseaux de ligne et huit frégates. Elle venait de promettre une armée de quatre-vingt mille hommes à la coalition, lorsque, le 17 novembre 1796, elle succomba à une violente attaque d'apoplexie, à dix heures du soir, dans la soixante-huitième année de son âge : elle fut inhumée avec la plus grande solennité. Paul Ier, son successeur, fit sortir pour cette cérémonie, le cercueil de Pierre III, de l'église où depuis trente-cinq ans il était déposé. On plaça au-dessus la couronne impériale, et il fut mit sur un lit de parade à côté de celui de l'impératrice, auquel il fut attaché par une guirlande portant cette inscription : Divisés pendant leur vie, unis à leur mort.

       Catherine préférait les écrivains français à ceux de toutes les autres nations. Elle entretint une correspondance suivie avec Voltaire et d'Alembert, et fit offrir à ce dernier vingt-quatre mille livres de pension pour venir achever l'Encyclopédie dans ses états, et y surveiller l'éducation du grand-duc. D'Alembert ne voulut point quitter sa patrie. L'impératrice n'en acheta pas moins sa bibliothèque. Instruite que Diderot voulait vendre la sienne, pour en faire la dot d'une fille unique, elle la fit acquérir, en laissa la jouissance au philosophe, et y réunit un traitement de bibliothécaire. Peu de temps après la mort de Voltaire, elle fit demander ses livres à madame Denys, sa nièce, et lui écrivit, lorsqu'elle les eut obtenus : " Les âmes sensibles ne verront jamais cette bibliothèque sans se souvenir que votre oncle sut inspirer aux humains cette bienveillance universelle que tous ses écrits respirent, même ceux de pur agrément, parce que son âme en était profondément pénétrée. Personne avant lui n'écrivait comme lui : à la race future, il servira d'exemple et d'écueil." La suscription portait ces mots : " A madame Denys, nièce d'un grand homme qui m'aimait beaucoup. " M. Castera, qui a publié, en 1800, une histoire de cette princesse, en a tracé le portrait suivant : " Catherine avait été belle dans sa jeunesse, et conservait, dans les derniers temps de sa vie, de la grâce et de la majesté. Sa physionomie ne manquait pas d'expression; mais cette expression montrait peu ce qui se passait dans l'âme de Catherine, ou plutôt elle ne lui servait qu'à le mieux déguiser. Les jours de cérémonie, cette princesse réunissait sur sa personne et dans sa cour tout ce que l'élégance européenne peut ajouter d'éclat à la pompe asiatique. Alors ses cheveux et sa robe étaient couverts de pierreries, et sa tête était parée d'une couronne de diamants d'un prix inestimable. " Dans une lettre qu'elle écrivait, en 1789, au célèbre médecin Zimmerman, c'est ainsi qu'elle se peint elle-même : " Si mon siècle m'a crainte, il a eu grand tort; je n'ai jamais voulu inspirer de terreur à personne. J'aurais désiré d'être aimée, et estimée ce que je vaux : rien de plus. J'ai toujours pensé qu'on me calomniait, parce qu'on ne me comprenait pas. Je n'ai jamais haï ni envié personne. Mon désir et mon plaisir auraient été de faire des heureux; mais comme chacun ne saurait l'être que selon son caractère, mes souhaits en ceci ont souvent trouvé des obstacles. Mon ambition, assurément, n'était pas méchante; mais peut-être ai-je trop entrepris que de croire les hommes susceptibles de devenir raisonnables, justes et heureux. La race humaine, en général, penche au déraisonnement et à l'injustice. J'ai fait cas de la philosophie, parce que mon âme a toujours été singulièrement républicaine : je conviens que c'est peut-être un singulier contraste que cette trempe d'âme avec le pouvoir illimité de ma place; mais aussi personne en Russie ne dira que j'en ai abusé. J'aime les beaux-arts par pure inclination. Pour mes écrits, je les regarde comme peu de chose : j'ai aimé à faire des essais en différents genres; il me semble que tout ce que j'ai fait est assez médiocre : aussi n'y ai-je attaché aucune importance, passé l'amusement. Pour ma conduite politique, j'ai tâché de suivre les plans qui m'ont paru les plus utiles pour mon pays, et les plus supportables aux autres; si j'en avais connu de meilleurs, je les aurais adoptés; l'Europe a eu tort de s'alarmer de mes desseins, auxquels, au contraire, elle ne pouvait que gagner. Si j'ai été payée d'ingratitude, au moins personne ne dira-t-il que j'ai manqué de reconnaissance; souvent je me suis vengée de mes ennemis en leur faisant du bien ou en leur pardonnant. "

       Du mariage de Catherine et de Pierre III est issu un fils unique, Paul Ier.

 

 

 

 

 

 

 

 

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